Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 mai 2023 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2319104/1 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Angliviel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou, à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délais et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal s'est mépris sur les décisions contestées dès lors qu'il a visé une décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui n'existe pas ; dès lors, le jugement est irrégulier ;
Sur la décision portant refus de titre séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors que le préfet s'est borné à reprendre les termes de l'avis du collège de médecins, sans même en modifier la forme ni s'en approprier les termes ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est senti en situation de compétence liée avec l'avis du collège de médecins ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 30 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 24 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au
7 février 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Doumergue, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1994, est entré en France le 16 août 2021 selon ses déclarations. Le 15 septembre 2022, il a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mai 2023, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre sollicité, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 8 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que les premiers juges se sont mépris sur la nature des décisions contestées dès lors que le jugement vise des conclusions aux fins d'annulation d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire, alors même que l'arrêté contesté ne contient pas une telle décision. Toutefois, le visa de ces conclusions inexistantes doit être regardé comme une simple erreur de plume qui n'entache pas le jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de la demande :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté attaqué, qui vise notamment les textes dont il est fait application, indique avec suffisamment de précisions les circonstances de fait se rapportant à l'état de santé de
M. B... en mentionnant en particulier les termes de l'avis du collège médical de l'OFII du 2 mai 2023 au vu duquel le préfet de police s'est notamment prononcé pour refuser de faire droit à sa demande. L'arrêté n'avait pas à préciser d'autres éléments tenant au traitement médical suivi et à sa disponibilité dans son pays l'origine, eu égard au respect des règles du secret médical qui interdisait au collège de médecins de l'OFII de révéler au préfet de police des informations sur les pathologies dont souffre M. B... et la nature des traitements médicaux nécessaires à son état de santé. Par ailleurs, la circonstance que le préfet ait inséré, dans le corps de son arrêté, une photographie de l'avis de l'OFII est sans influence sur l'existence de sa motivation, dès lors que le préfet s'en est approprié les termes en mentionnant qu'après un examen approfondi de la situation de l'intéressé, aucun élément du dossier ni aucune circonstance particulière ne justifie de s'écarter de cet avis. En outre, l'arrêté contesté mentionne également la vie privée, familiale et professionnelle de l'intéressé, notamment le fait qu'il est célibataire, sans charge de famille et sans emploi en France. Par suite, la décision contestée est suffisamment motivée et répond aux exigences de l'article L. 211-5 précité.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée, que le préfet de police qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, a repris à son compte l'avis du collège des médecins de l'OFII, se serait estimé en situation de compétence liée et n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. B.... Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur de droit doivent être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Pour prendre la décision en litige, le préfet de préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 2 mai 2023 du collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié.
9. M. B... fait valoir qu'il est atteint du virus de l'immunodéficience humain (VIH) et que son traitement consiste en une trithérapie à base de Biktarvy, lequel médicament comporte un inhibiteur d'intégrase, le Bictégravir, et deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, l'Emtricitabine et le Ténofovir. Il soutient que, si l'Emtricitabine et de Ténofovir sont mentionnés sur la liste des médicaments essentiels disponibles en Côte d'Ivoire, le Bictégravir quant à lui, ne l'est pas. Il produit à cet égard un courriel du 11 août 2023 du laboratoire fabriquant le Biktarvy faisant état de ce que ce médicament n'est pas commercialisé en Côte d'Ivoire, ainsi qu'une ordonnance du 31 mars 2023, sur laquelle est apposé le cachet de deux pharmacies avec une mention manuscrite faisant état de ce que le Biktarvy n'est pas disponible, et enfin, une attestation de la clinique Belah à Abidjan en date du 21 juillet 2023, mentionnant également que ce médicament n'est pas disponible dans le pays d'origine de l'intéressé. Toutefois, le préfet mentionne, aux termes de son mémoire en défense et sans être contesté sur ce point, que si la molécule de Bictégravir n'est pas disponible en Côte d'Ivoire, d'autres inhibiteurs d'intégrase existent et sont disponibles dans le pays d'origine de
M. B..., notamment les molécules de Dolutégravir et de Raltégravir. Par suite, et alors que pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe, le préfet établit ici que des molécules équivalentes au Bictégravir sont disponibles en Côte d'Ivoire, sans que M. B... n'établisse ni même n'allègue que le l'inhibiteur d'intégrase qui lui est prescrit ne serait pas substituable par des molécules présentant les mêmes caractéristiques. Par suite et en l'absence d'éléments suffisamment circonstanciés sur la particularité ou la spécificité de la prise en charge dont l'intéressé bénéficie en France et sur l'indisponibilité d'un traitement approprié à sa pathologie en Côte d'Ivoire, le préfet de police, en refusant de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une part, et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation d'autre part, doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991, doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente-rapporteure,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
La présidente-rapporteure,
M. DOUMERGUELa présidente-assesseure,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00110 2