Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 7 avril 2021 par laquelle le directeur de la direction de la construction et de l'aménagement a rejeté son recours gracieux, ensemble la décision du 15 janvier 2021 et la note de renseignements d'aménagement n° 2020.2792 concernant le lot n° 1 partie du domaine Taihura, cadastré section RD n° 185 de la commune de Moorea et d'enjoindre à la Polynésie française d'établir une note de renseignements d'aménagement sans les mentions actuelles du paragraphe " F - observations spécifiques à l'opération " desquelles il résulte qu'une autorisation de lotir doit être accordée pour aboutir à la vente et au démembrement de la parcelle section RD n° 185 de la commune de Moorea.
Par un jugement n° 2100355 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la note de renseignements d'aménagement n° 2020.2792 du 30 novembre 2020 ainsi que la décision du 7 avril 2021 et a enjoint à la Polynésie française de réexaminer la demande de note de renseignements d'aménagement concernant le lot n° 1 du domaine Tiahura à Moorea correspondant à la parcelle cadastrée RD n° 185.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, la Polynésie française, représentée par Me Neuffer, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler en toutes ses dispositions le jugement n° 2100355 du 15 mars 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté n° 10/97 du 12 mars 1997 du maire de la commune de Moorea en raison de son illégalité ;
3°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté n° 10/97 du 12 mars 1997 du maire de la commune de Moorea a été pris par une autorité incompétente ;
- en annulant la note de renseignements d'aménagement ainsi que la décision du 7 avril 2021 aux termes desquels il a été décidé que le projet de vente future de la parcelle issue de la parcelle RD n° 185 nécessitait une autorisation préalable de lotir, le tribunal administratif de la Polynésie française a entachée sa décision d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, M. D... B..., représenté par Me Eftimie-Spitz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de moyens ;
- la Polynésie française ne peut demander aussi tardivement l'annulation d'un acte sans porter atteinte au principe de sécurité juridique ;
- la requête n'est pas fondée, dès lors que la parcelle cadastrée section RD n° 185 a déjà fait l'objet d'une autorisation de lotir en 1997.
Le 31 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 10/07 du 12 mars 1997 du maire de la commune de Moorea, en ce qu'il s'agit de conclusions nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 de la Polynésie française ;
- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;
- la délibération n° 61-44 du 8 avril 1961 portant règlement général sur l'aménagement du territoire en matière d'urbanisme, d'habitat, de lotissements, de protection des sites et des monuments d'habitation, d'hygiène et de salubrité des voies publiques et des constructions, d'établissements dangereux, insalubres et incommodes et d'établissements recevant du public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En vue du morcellement en deux lots de la parcelle RD n° 185 et de la vente future d'un lot RD 202 issu de celui-ci, M. D... B... a sollicité le 18 novembre 2020 une note de renseignements d'aménagement concernant le lot n° 1 du domaine " Tiahura " à Moorea. Le service de l'urbanisme lui a adressé une note de renseignements d'aménagement n° 2020.2792, le 30 novembre 2020, aux termes de laquelle il est indiqué que le morcellement et la vente envisagés nécessitent au préalable une autorisation administrative de lotir, en raison de la vente de plus de trois lots provenant d'une division d'une propriété foncière sur une période de dix ans. A la suite des recours gracieux et hiérarchique exercés par M. B... à l'encontre cette note de renseignements, le directeur de la direction de la construction et de l'aménagement a, par décision du 7 avril 2021, confirmé l'analyse présentée dans cette note, en précisant qu'au moins quatre divisions foncières de la parcelle d'origine RD n° 135 avaient été réalisées sur une période de moins de dix ans. Par un jugement du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Polynésie a annulé la note de renseignements d'aménagement du 30 novembre 2020 ainsi que la décision du 7 avril 2021. La Polynésie française demande à la Cour d'annuler cette note de renseignements et cette décision.
Sur la recevabilité de la requête et des conclusions :
2. En premier lieu, les conclusions présentées par la Polynésie française et tendant à l'annulation de l'arrêté n° 10/97 du 12 mars 1997 par lequel le maire de la commune de Moorea a donné à M. A... B..., père de M. D... B..., l'autorisation de réaliser une opération de lotissement, n'ont pas été soumises aux premiers juges. Ces conclusions ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont par suite irrecevables. Par voie de conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cet arrêté n° 10/97 du 12 mars 1997, présenté au soutien de ces conclusions, n'est pas recevable non plus.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. D... B..., la requête présentée par la Polynésie française contient l'exposé d'un moyen au sens des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.
Sur le fond du litige :
4. Aux termes de l'article LP. 141-4 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " §.1.- Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments à usage d'habitation qui a pour objet ou qui a eu pour effet, sur une période de moins de dix ans, de porter à quatre ou plus le nombre de terrains issus de ladite propriété. / L'alinéa précédent s'applique notamment aux divisions en propriété ou en jouissance résultant de ventes ou locations simultanées ou successives. / §.2.- Ne sont pas pris en compte, pour l'application du nombre de terrains issus de la division d'une propriété foncière : - les parties de terrain détachées par échanges ou ventes, simultanés ou successifs, consentis en vue d'agrandir des propriétés limitrophes, ou de rectifier des limites pour permettre une utilisation plus rationnelle ; - les parties de terrain détachées par l'effet d'une expropriation, d'une cession amiable consentie après déclaration d'utilité publique et, lorsqu'il en est donné acte par ordonnance du juge de l'expropriation, d'une cession amiable antérieure à une déclaration d'utilité publique ; - les terrains supportant des bâtiments qui, achevés depuis plus de dix ans, ne sont pas destinés à être démolis dans un délai de moins de 10 ans, ou des bâtiments dont l'affectation n'est pas destinée à être modifiée dans le même délai (...) ". Aux termes de l'article LP. 141-5 du même code : " Pour s'assurer du décompte du nombre de terrains issus d'une propriété d'origine sur la période de 10 ans prévue aux articles LP.141-4, il convient de se référer aux limites de cette propriété telles qu'elles existaient 10 ans avant la date de la nouvelle division envisagée. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour exiger, par la note de renseignements d'aménagement du 30 novembre 2020, que M. B... obtienne la délivrance d'une autorisation administrative de lotir préalablement à l'opération envisagée de morcellement de la parcelle RD n° 185 et de la vente future d'un lot RD 202, le service de l'urbanisme de la Polynésie française a considéré que l'autorisation de lotir qui avait été accordée pour ce même terrain au père de l'intéressé par le maire de Moorea par arrêté n° 10/97 du 12 mars 1997 était " nulle et non avenue " dès lors que cet acte avait été pris par une autorité incompétente. Ce service a donc considéré qu'il n'existait aucun lotissement, à la date où la note de renseignements d'aménagement a été délivrée, et qu'il appartenait en conséquence à M. B... de solliciter une autorisation de lotir préalablement à la création d'un lotissement, afin de répondre aux exigences posées par les dispositions de l'article LP. 141-4 du code de l'aménagement de la Polynésie française, dès lors que l'opération envisagée par M. B... constituait la quatrième vente de lots provenant d'une division d'une propriété foncière sur une période de moins de dix ans.
6. Aux termes de l'article D. 114-12 du code de l'aménagement de la Polynésie française, issu de la délibération n° 93-70 AT du 16 juillet 1993 et applicable à la date du 12 mars 1997 : " aucun lotissement, c'est-à-dire toute partition de terrain en plus de trois parties sur une période de moins de 10 ans, qu'il y ait vente ou location simultanée ou successive, ne peut être réalisé sans autorisation du maire, sur avis du service de l'urbanisme qui vérifie la conformité du dossier technique fourni par le pétitionnaire avec le plan d'aménagement (...) ". Aux termes de l'article D. 141-1 du code de l'aménagement dans sa version applicable à la date du 12 mars 1997 : " la création (...) de lotissements sont subordonnés à un arrêté d'autorisation délivré, sur avis du service de l'urbanisme qui vérifie la conformité du dossier technique (...), soit par le maire de la commune doté d'un PGA suivant les dispositions de l'article D. 114-12, soit par le président du gouvernement (...) lorsque la commune n'est pas dotée d'un PGA ".
7. Pour soutenir que la compétence aux fins de délivrer l'autorisation de création d'un lotissement appartenait en 1997 à la Polynésie française et non au maire de la commune, la Polynésie française produit des extraits de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996, de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, ainsi qu'un extrait de la délibération n° 61-44 du 8 avril 1961 portant règlement général sur l'aménagement du territoire en matière d'urbanisme, d'habitat, de lotissements, de protection des sites et des monuments d'habitation, d'hygiène et de salubrité des voies publiques et des constructions, d'établissements dangereux, insalubres et incommodes et d'établissements recevant du public. Toutefois, les dispositions de la loi organique précitée du 27 février 2004 sont inopérantes en l'espèce, étant postérieures à la date à laquelle a été délivrée l'autorisation de lotir en 1997.
8. En revanche, si les dispositions de l'article 37 de la délibération n° 61-44 du 8 avril 1961 précitée, texte fondateur du code de l'aménagement de la Polynésie française, prévoyaient bien à l'origine la seule compétence du chef du territoire de la Polynésie française, ou de son délégué, pour autoriser la création d'un lotissement, il ressort des pièces du dossier que cette délibération a depuis été modifiée à de nombreuses reprises. En particulier, depuis une délibération n° 95-4 AT du 19 janvier 1995, la compétence en matière d'autorisations de création de lotissement a été modifiée et codifiée sous les dispositions précitées de l'article D. 141 du code de l'aménagement de la Polynésie française, si bien que cette compétence appartient désormais au maire de la commune si ladite commune dispose d'un plan général d'aménagement (PGA) et au président du gouvernement si la commune n'en dispose pas. En l'espèce, dès lors que la commune de Moorea disposait d'un plan général d'aménagement depuis le 14 novembre 1995, ainsi qu'il est visé dans l'arrêté n° 10/97 du 12 mars 1997, il ressort des dispositions précitées que le maire de la commune de Moorea était bien compétent pour autoriser la création de lotissements en 1997. L'autorisation de lotir délivrée le 12 mars 1997 pour le lot O (RD n° 185) n'ayant pas été délivrée par une autorité incompétente, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que cette autorisation serait " nulle et non avenue " de ce fait et à exiger de M. B... une nouvelle autorisation de lotir.
9. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Polynésie française a considéré qu'en soutenant qu'au moins quatre divisions foncières de la parcelle RD n° 135 sur une période de moins de dix ans ont été réalisées par M. B..., que celui-ci ne pouvait diviser sa parcelle RD 185 en deux parcelles n° RD 202 et n° RD 203 au sein de ce lotissement sans demander une nouvelle autorisation de lotir et donc que le projet de vente future de la parcelle cadastrée n° 202 issue de la parcelle RD n° 185 nécessitait préalablement une autorisation de lotir au sens des dispositions précitées de l'article LP. 141-4 du code de l'aménagement, la Polynésie française a commis une erreur de droit entachant la note de renseignements d'aménagement et la décision du 7 avril 2021 critiquées. Par suite, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a annulé la note de renseignements d'aménagement n° 2020.2792 du 30 novembre 2020 et la décision du 7 avril 2021. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie française demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.
Article 2 : La Polynésie française versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française ainsi qu'à M. D... B....
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2025.
La rapporteure,
H. BREMEAU-MANESMELe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02724