Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 5572 MPR/DRM du 26 juin 2024 portant abrogation de l'arrêté n° 554 MDA du 21 janvier 2015 du ministre de l'agriculture, des ressources marines, de l'environnement, en charge de l'alimentation, de la recherche et de la cause animale du gouvernement de la Polynésie française lui accordant le bénéfice d'une licence de pêche professionnelle pour l'exploitation des ressources vivantes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive situées au large des côtes de la Polynésie française.
Par un jugement n° 2400318 du 10 décembre 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2025, M. B... C... A..., représentée par Me Quinquis (SELARL Jurispol), demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures tel qu'il résulte de son mémoire récapitulatif :
1°) d'annuler le jugement n° 2400318 du 10 décembre 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 5572 MPR/DRM du 26 juin 2024 portant abrogation de l'arrêté n° 554 MDA du 21 janvier 2015 du ministre de l'agriculture, des ressources marines, de l'environnement, en charge de l'alimentation, de la recherche et de la cause animale du gouvernement de la Polynésie française ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 300 000 francs Pacifique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux n'est pas motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2025, la Polynésie française, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi du pays n° 2020-34 du 8 octobre 2020 relative aux relations entre l'administration de la Polynésie française et ses usagers ;
- la délibération n° 97-32 APF du 20 février 1997 relative à l'exploitation des ressources vivantes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive situées au large des côtes de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Diémert,
- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... A... s'est vu octroyer une licence de pêche par arrêté n° 715MRM du 24 septembre 2012, puis par arrêté n° 554 MDA du 21 janvier 2015 du ministre de l'agriculture, des ressources marines, de l'environnement, en charge de l'alimentation, de la recherche et de la cause animal, lequel a été abrogé par l'arrêté n° 5572 MPR/DRM du 26 juin 2024, dont l'intéressé a demandé l'annulation au tribunal administratif de la Polynésie française. Il relève appel du jugement du 10 décembre 2024 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur la légalité externe
2. M. A... soutient que l'article LP 18 de la loi du pays n° 2020-34 du 8 octobre 2020 est méconnu dès lors que l'arrêté litigieux n'est pas motivé, dès lors que la notification des motifs de la sanction n'est intervenue que le 2 juillet 2024, soit postérieurement à la saisine du tribunal administratif de sa demande d'annulation dudit arrêté.
3. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article 170 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Les actes du président de la Polynésie française, du conseil des ministres et des ministres sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi que, pour les actes mentionnés au II, à leur transmission au haut-commissaire par le président de la Polynésie française. ". D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". L'article R. 421-5 du même code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions législative et réglementaires citées aux deux points précédents, que le destinataire d'une décision administrative individuelle dispose, pour déférer cette décision devant la juridiction administrative, d'un délai de deux mois à compter de sa notification qui n'est opposable qu'à la condition que les délais et les voies de recours aient été indiqués dans cette notification, peu important que cette décision ait été par ailleurs publiée, notamment au Journal officiel de la Polynésie française, ou affichée.
5. En second lieu, aux termes de l'article LP 18 (" Motivation des décisions ") de la loi du pays n° 2020-34 du 8 octobre 2020 relative aux relations entre l'administration de la Polynésie française et ses usagers : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1°) Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2°) Infligent une sanction ; / (...) / 4°) Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...). ". L'article LP 20 de la même loi du pays dispose que : " La motivation exigée par le présent titre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Pour l'application des dispositions précitées, les motifs de la décision peuvent, sans irrégularité, ne figurer que dans la lettre de notification de celle-ci à son destinataire, alors même que cette lettre est distincte de la décision et postérieure à la publication de cette dernière, les délais de recours contre l'arrêté ne courant toutefois qu'à compter de la date de réception de la lettre de notification ainsi motivée.
6. Le courrier n° 1824/MPR/DRM du 2 juillet 2024 par lequel le ministre en charge des ressources marines a notifié à M. A... l'arrêté du 26 juin 2024, publié au Journal officiel de la Polynésie française, l'ensemble étant réceptionné par l'intéressé le 30 juillet 2024, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent les motifs de la décision litigieuse. Cette dernière est ainsi devenue opposable au requérant à compter du 28 juillet 2024, date qui constitue le point de départ du délai de recours contentieux, sans que l'intéressé puisse utilement soutenir que ce délai aurait en réalité commencé à courir à compter de l'arrêté au Journal officiel de la Polynésie française le 29 mai 2014.
7. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux doit donc être écarté.
Sur la légalité interne :
8. Aux termes de l'article 2 de la délibération n° 97-32 APF du 20 février 1997 relative à l'exploitation des ressources vivantes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive situées au large des côtes de la Polynésie française : " L'armateur, personne physique ou morale, qui désire mettre en œuvre des moyens d'exploiter à titre professionnel les ressources vivantes de la mer territoriale et/ou de la zone économique exclusive situées au large des côtes de la Polynésie française doit être en possession d'une autorisation délivrée par les autorités compétentes de la Polynésie française. Est réputée exploiter ces ressources à titre professionnel la personne qui, en Polynésie française, tire de cette activité tous ses revenus ou |'essentiel de ceux-ci ". Aux termes de l'article 3 de cette délibération : " Définition de la licence de pêche professionnelle. - La licence de pêche professionnelle est l'autorisation accordée à un armateur domicilié en Polynésie française pour l'exploitation des ressources vivantes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive situées au large des côtes de la Polynésie française par un navire de pêche battant pavillon français et immatriculé en Polynésie française. En sus des sujétions portées à l'article 6, elle ouvre droit aux avantages fiscaux particuliers prévus par les textes en vigueur ". Enfin, aux termes de son article 12 : " - Discipline. En cas de manquement professionnel aux dispositions de la présente délibération, la commission de la pêche hauturière est habilitée à proposer à l'autorité compétente de prononcer, par voie d'arrêté, toute sanction figurant sur la liste suivante : / - avertissement ; / - suspension de 3 mois à 1 an du bénéfice des avantages attachés à l'autorisation de pêche et concernant les biens destinés directement à l'activité de pêche ; / - suspension dans la limite de trois mois de l'autorisation de pêche ; - retrait de l'autorisation de pêche ".
9. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que, comme l'ont au demeurant déjà relevé les premiers juges, M. A..., s'il possède un navire de pêche dont la capacité est limitée à deux membres d'équipage et qu'il utilise en outre à titre occasionnel au titre d'une activité de prestataire touristique exercée à Rangiroa, possède en outre deux bateaux pouvant chacun accueillir 14 personnes, dont 12 passagers, qu'il consacre à cette dernière activité. Il n'est dès lors pas fondé, dans ces circonstances, à soutenir que l'administration aurait commis une erreur d'appréciation ni une erreur de droit en estimant qu'il bénéficiait ainsi des avantages afférents à la possession d'une licence professionnelle de pêcheur alors que cette activité ne lui procurait pas l'essentiel de ses revenus, et a décidé pour ce motif le retrait de son autorisation de pêche.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le requérant, qui est la partie perdante dans la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la Polynésie française d'une somme de 1 500 euros sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C... A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la Polynésie française une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25PA01202