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10/07/2025 | FRANCE | N°25PA00275

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 10 juillet 2025, 25PA00275


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 août 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.>


Par un jugement n° 2423641 du 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Paris ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 août 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2423641 du 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2025, M. A..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet de police ou à tout autre préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de résident ou une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et en tout état de cause de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux jours à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet lui avait concédé un droit acquis au séjour en lui accordant un titre de séjour renouvelé postérieurement aux faits anciens qui lui sont nouvellement reprochés ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- les décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées et entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2025, le préfet de police conclut au rejet des conclusions de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2025.

Des pièces complémentaires ont été enregistrées pour M. A... le 23 juin 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Boudjellal pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 23 mai 1976, est entré en France en 1993 selon ses déclarations. Le 4 janvier 2023, il a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle et la délivrance d'une carte de résident. Par un arrêté du 8 août 2024, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. M. A... relève appel du jugement du 19 décembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des termes du jugement attaqué, à ses points 11 et 12, que le tribunal a répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'il aurait acquis un droit au séjour. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'omissions à statuer.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 31 juillet 2019 au 30 juillet 2021 en qualité de conjoint de Français. Pour refuser de renouveler ce titre de séjour ou de lui délivrer une carte de résident, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé a été condamné en 2003 à des peines de six et huit mois d'emprisonnement, puis en dernier lieu le 8 juin 2020 pour des faits de conduite d'un véhicule sous stupéfiants et qu'il a par ailleurs été signalé pour des faits de violence sur conjoint commis en 2014 et en 2018. Toutefois ces faits sont pour la plupart anciens et la dernière condamnation de M. A... à une peine contraventionnelle de 250 euros d'amende en 2020 ne saurait suffire à caractériser une menace grave et actuelle pour l'ordre public alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'intéressé aurait commis de nouvelles infractions depuis lors. En outre, il est constant que le requérant réside en France depuis plus de trente ans, qu'il est père de quatre enfants, dont deux sont mineurs et deux autres sont de nationalité française. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... occupe un emploi de livreur à vélo en contrat à durée indéterminée depuis septembre 2021. Pour l'ensemble de ces motifs, la commission du titre de séjour avait au demeurant émis le 20 mars 2024 un avis favorable à la demande de M. A.... Ainsi, eu égard à l'ancienneté du séjour du requérant et à ses attaches familiales en France, et en dépit des condamnations pénales dont il a fait l'objet, la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour au seul motif que sa présence représenterait une menace pour l'ordre public porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit, en méconnaissance des stipulations citées au point précédent, et est ainsi entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Il s'ensuit que cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français dont elle est assortie.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. A... un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2423641 du 19 décembre 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 8 août 2024 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou au préfet devenu territorialement compétent de délivrer un titre de séjour à M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président assesseur,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESME

Le président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25PA00275 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 25PA00275
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;25pa00275 ?
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