Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2023 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2325421 du 17 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés les 12 février, 20 février et 27 août 2024, M. A..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2325421 du 17 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de réexaminer sa situation administrative et de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure, lié à la violation de son droit à être entendu ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- elle a été prise en violation du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 423-7 de ce code ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en violation des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en violation de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision du 16 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Simon, substituant Me Berdugo, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 12 août 1991, a fait l'objet, le 4 novembre 2023, d'un arrêté du préfet de police l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de trente-six mois. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
3. Pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que le requérant s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 18 juin 2021, notifiée le 23 juin 2021 et qu'il s'est maintenu depuis cette date sur le territoire français.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'attestation rédigée par sa compagne et mère de son enfant, des factures d'achats de vêtements pour enfant et de produits infantiles et du relevé des dates de parloir depuis juin 2023, que M. A..., père d'une enfant française, Kais A..., née à Paris le 21 août 2022, justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette dernière depuis sa naissance. Par suite, en obligeant M. A... à quitter le territoire français pour le motif rappelé au point 3, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. L'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... étant ainsi entachée d'illégalité, cette décision doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à demander l'annulation de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police ou le préfet devenu territorialement compétent procède au réexamen de la situation administrative de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre à ce préfet de réexaminer la situation administrative de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2325421 du 17 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 novembre 2023 du préfet de police est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police ou au préfet devenu territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce nouvel examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00687 2