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04/07/2025 | FRANCE | N°24PA00249

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 04 juillet 2025, 24PA00249


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du directeur général de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris du 8 avril 2022 refusant de reconnaître comme imputable au service l'accident dont elle a été victime le 13 septembre 2012.



Par un jugement n° 2211646 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



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r une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2024 et le 17 février 2025, Mme F..., représentée par le cabinet d'avoca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du directeur général de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris du 8 avril 2022 refusant de reconnaître comme imputable au service l'accident dont elle a été victime le 13 septembre 2012.

Par un jugement n° 2211646 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2024 et le 17 février 2025, Mme F..., représentée par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 13 septembre 2012 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais du procès exposés en première instance et la somme de 3 000 au titre des mêmes dispositions pour les frais exposés dans l'instance d'appel.

Elle soutient que :

- la commission de réforme était irrégulièrement composée dès lors qu'aucun médecin spécialiste de sa pathologie n'a siégé et qu'un médecin ayant participé à l'instruction de sa demande y a pris part ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 janvier 2025 et le 4 mars 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête de Mme F... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- les observations de Me Achard pour Mme F... ;

- et les observations de Me Neven pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... exerçait les fonctions de cadre de santé au sein de l'hôpital

Saint-Antoine, établissement hospitalier rattaché à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris. Le 3 octobre 2016, l'intéressée a établi une déclaration d'accident de service demandant la reconnaissance de l'incident du 13 septembre 2012 comme imputable au service. Le 26 juin 2018, la commission de réforme a émis un avis défavorable à cette reconnaissance et, par un arrêté du 26 octobre 2018, le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a rejeté sa demande. Par un jugement du 14 décembre 2020, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 26 octobre 2018 et enjoint à ce qu'il soit procédé au réexamen de la situation de Mme F.... Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, Mme F... a été convoquée à une expertise médicale le 5 février 2022. Son dossier a été soumis à nouveau à la commission de réforme qui, lors de sa séance du 15 mars 2022, a émis un avis défavorable à la reconnaissance d'un accident de service. Par un arrêté du 8 avril 2022, le directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 13 septembre 2012. Mme F... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

3. Aux termes de l'article 27 de l'arrêté du 4 août 2004 précédemment visé : " Il est créé auprès du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, deux commissions de réforme compétentes respectivement : (...) / 2° Pour les personnels affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, non soumis à l'article 118 susvisé et relevant d'établissements, administrations ou services publics ayant leur siège à Paris, à l'exception du centre de gestion prévu à l'article 17 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée ". En vertu des dispositions de l'article 30 du même arrêté, la commission de réforme comprend notamment " (...) deux praticiens de médecine générale, membres du comité médical dont relève l'agent, auxquels est adjoint, pour les cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste, qui participe aux délibérations mais ne participe pas aux votes (...) ". Il résulte de ces dispositions que doit être présent, au sein de la commission de réforme appelée à statuer sur l'imputabilité au service de la maladie contractée par un agent, en plus des deux praticiens de médecine générale, un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'agent qui, s'il participe aux échanges de la commission, ne prend pas part au vote de son avis. La garantie qui résulte de ces dispositions constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie. Dès lors, dans l'hypothèse où, en dépit de l'absence au sein de la commission d'un médecin spécialiste de la pathologie de l'agent, la commission dispose de plusieurs certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres ainsi que d'un rapport d'expertise récent établi par un psychiatre ayant examiné l'agent, celui-ci ne peut être regardé comme ayant été effectivement privé d'une garantie.

4. En l'espèce, d'une part, il n'est pas sérieusement contesté que la commission départementale de réforme a disposé du dossier complet de Mme F..., incluant notamment les certificats de Mme D..., psychologue clinicienne, en date des 28 février 2014 et 29 novembre 2018, le certificat du docteur C... en date du 8 novembre 2016, ainsi que le rapport d'expertise du 5 février 2022, établi par le docteur A..., psychiatre. Ces éléments permettaient à la commission, au sein de laquelle siègent au demeurant deux médecins, de porter une appréciation de manière éclairée et complète. Dans ces conditions, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, la présence d'un médecin spécialisé en psychiatrie n'était pas nécessaire pour éclairer l'examen de la demande de Mme F.... Par suite, l'absence de médecin spécialiste lors de la séance de la commission de réforme du 15 mars 2022 n'a pas privé l'intéressée d'une garantie et le moyen tiré d'un vice de procédure à cet égard doit être écarté.

5. D'autre part, la circonstance tirée de ce que le docteur E..., médecin généraliste ayant siégé au sein de la commission de réforme, soit à l'origine, du fait de son appartenance au service central de la médecine statutaire, de la saisine du docteur A..., psychiatre, auteur du rapport du 5 février 2022, n'est, en tant que telle et à elle seule, pas de nature à démontrer un quelconque défaut d'impartialité de sa part dans l'examen de la situation de Mme F.... Par suite, le moyen tiré de ce que la commission de réforme était, à ce titre, irrégulièrement composée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) ".

7. Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

8. En l'espèce, Mme F... a déclaré avoir eu, le 13 septembre 2012, une altercation avec sa supérieure hiérarchique, au cours de laquelle elle rapporte avoir été mise en cause quant à ses capacités professionnelles, dans des termes brutaux. Elle soutient que cet évènement, qui s'apparente à un entretien entre un agent et son supérieur, est à l'origine du syndrome dépressif majeur dont elle souffre, et en particulier de troubles anxieux généralisés avec notamment une phobie sociale l'entravant dans les actes de la vie quotidienne. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le seul document relatant de manière détaillée l'altercation du 13 septembre 2012 est le courrier envoyé par Mme F... à la commission de réforme le 13 juin 2018, soit plus de cinq ans et demi après les faits. Ce n'est du reste que le 29 août 2016 que Mme F... a fait parvenir à l'administration une demande d'imputabilité au service au titre de cet accident, et le certificat médical d'accident du travail n'a été établi que le 3 octobre 2016, soit plus de quatre ans après les faits, alors que Mme F... indique pourtant avoir subi des conséquences psychologiques dès le lendemain de l'entretien. Par ailleurs, les attestations versées au dossier, établies en 2018 par d'anciens collègues de Mme F..., ne font que rapporter l'existence d'une altercation et les difficultés relationnelles invoquées par Mme F..., sans qu'aucune ne constitue un témoignage direct des suites immédiates de l'incident du 13 septembre 2012, lequel n'a d'ailleurs pas fait obstacle à ce que l'intéressée se rende comme il était prévu à la réunion objet des discussions. Dans ces conditions, malgré l'attestation produite par le conjoint de Mme F... témoignant d'un changement de comportement à compter du 13 septembre 2012, l'existence d'un évènement soudain et violent résultant d'un comportement ou de propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ne peut être regardée comme établie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant de reconnaître la pathologie dont souffre Mme F... comme imputable au service serait entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Mme F... versera à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... et au directeur général de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2025.

La rapporteure,

W. LELLIG

Le président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00249
Date de la décision : 04/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CABINET ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-04;24pa00249 ?
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