La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2025 | FRANCE | N°23PA04889

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 04 juillet 2025, 23PA04889


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée unipersonnelle E... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2013 et le 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 2116321 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


> Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, la société B... G..., représentée par Me Belliart, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée unipersonnelle E... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2013 et le 31 décembre 2014.

Par un jugement n° 2116321 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, la société B... G..., représentée par Me Belliart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours à la procédure de taxation d'office en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales est irrégulier ;

- les rectifications notifiées le 21 juin 2016 et relatives à l'année 2012 sont prescrites ; elles méconnaissent les principes de spécialité des exercices et d'annualité de l'impôt ;

- elle justifie les apports inscrits au crédit du compte-courant de M. B..., lesquels correspondent, d'une part, à des avances consenties par les deux sociétés américaines de M. B... et, d'autre part, à des apports personnels ;

- elle justifie de la déductibilité des charges remises en cause par l'administration au titre de l'année 2014 et relatives au crédit-bail de deux de ses véhicules ;

- elle justifie également des charges liées à des frais de location de bureaux et de parking remises en cause par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société B... G..., dont M. B... est le président et unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a opéré des rehaussements de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014. La société relève appel du jugement du 26 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

2. En premier lieu, l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, applicable au présent litige, dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du même livre : " Sont taxés d'office (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que la société B... G... n'a pas déposé dans les délais qui lui étaient impartis les déclarations de ses résultats des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ni répondu aux mises en demeure que lui a adressées l'administration fiscale le 26 octobre 2015 et qui ont été effectivement distribuées le 30 octobre suivant. Elle se trouvait ainsi en situation de taxation d'office en application des dispositions précitées de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, la charge de la preuve de l'exagération des impositions correspondantes lui incombe.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article 37 du code général des impôts : " Si l'exercice clos au cours de l'année de l'imposition s'étend sur une période de plus ou de moins de douze mois, l'impôt est néanmoins établi d'après les résultats dudit exercice (...) ".

5. En l'espèce, la société requérante a déclaré le 15 février 2016 les résultats d'un exercice comptable allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2013. Elle explique à cet égard que le premier exercice, qui s'est ouvert le 1er mars 2011, devait initialement se clôturer le 31 décembre 2011 puis a été prorogé jusqu'au 30 juin 2012 par une décision de l'associé unique du 27 décembre 2011. Alors même que ses statuts prévoient la clôture des exercices sociaux le 31 décembre de chaque année, l'administration était dès lors fondée à retenir la durée de l'exercice déclaré par la société elle-même. Par ailleurs, dès lors que, lorsque l'exercice clos au cours de l'année d'imposition s'étend sur une période de plus de douze mois, le délai de prescription s'apprécie par rapport à l'année au titre de laquelle l'imposition est due, alors même que la période couverte par l'imposition s'étend à l'année antérieure, le moyen tiré de ce que l'administration aurait contrôlé une période prescrite doit être écarté, de même que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance des principes de spécialité des exercices et d'annualité de l'impôt.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats de la société B... G... un passif injustifié correspondant à des sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert dans les écritures de la société au nom de M. B..., son associé unique, pour un montant total de 1 072 600 euros au titre de l'année 2013.

8. La société requérante soutient tout d'abord qu'une partie de ces apports est constituée de transferts de fonds en provenance de deux sociétés américaines, la société A... et la société F..., dont M. B... est également le dirigeant et unique associé. En ce qui concerne la société A... d'une part, le compte courant d'associé a été crédité durant la période en litige de neuf versements en provenance de cette société, pour un total de 211 092 euros. Les pièces du dossier, et notamment les déclarations fiscales ainsi que les documents comptables établis aux Etats-Unis, permettent d'établir la provenance de cette somme ainsi que la nature de prêt ou d'avance de la part de la société américaine envers la société requérante. Par suite, alors même que cette somme n'aurait pas dû faire l'objet d'une inscription au crédit du compte courant de M. B... mais d'une comptabilisation au crédit d'un compte de tiers s'agissant d'une dette de la société requérante envers une société tierce, la société doit être regardée comme établissant la réalité des apports comptabilisés au passif de son bilan à cette hauteur. S'agissant de la société B... Design and Construction d'autre part, les pièces versées au dossier permettent également d'établir l'origine et la nature de la somme de 121 469 euros versée sur le compte courant d'associé de M. B... par cette société et comptabilisée comme une avance dans les écritures comptables de celle-ci. En revanche, s'agissant de la somme de 548 000 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. B... le 1er novembre 2013 sous le libellé " Apport D... 768 000 USD ", il est constant que ce montant intègre des opérations effectuées en 2014 pour un montant de 420 000 dollars, soit 299 687 euros. Ce montant ne saurait dès lors faire l'objet d'une inscription au passif de la société au titre de l'année 2013. La société requérante ne produit aucune pièce de nature à établir ses allégations selon lesquelles il s'agirait d'une erreur comptable et l'actif devrait ainsi être diminué de la même somme. Par suite, la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré comme un passif injustifié la somme de 248 313 euros provenant M. B....

9. La société requérante fait ensuite valoir que les sommes de 59 000 euros et de 50 000 euros libellées " Velvet " correspondent à un remboursement de prêts que M. B... aurait consentis à titre personnel à la société Velvet. Les pièces versées au dossier permettent de regarder comme établies l'origine et la nature des fonds s'agissant de la somme de 50 000 euros ayant fait l'objet d'un versement de la part de M. B... à la société Velvet en juin 2012. En revanche, en l'absence de tout justificatif, l'attestation de M. C... n'est pas suffisante pour établir que la somme de 59 000 euros aurait effectivement été avancée à la société Velvet par M. B.... Dans ces conditions, seule la somme de 50 000 euros ayant fait l'objet d'une inscription au crédit du compte courant d'associé de M. B... en juillet 2012 doit être regardée comme un apport personnel de ce dernier, justifiant une inscription au passif de la société, alors même que cette somme ne proviendrait pas directement d'un compte personnel de M. B..., ainsi que le fait valoir l'administration. Il en va de même de la somme de 50 000 euros versée directement par la mère de M. B... sur le compte courant d'associé de ce dernier, laquelle doit également être regardée comme un apport personnel de M. B..., alors même que cette somme ne constituerait pas un prêt mais un don de Mme B... envers son fils.

10. Dans ces conditions, la société requérante doit être regardée comme établissant que les inscriptions au crédit du compte courant d'associé de M. B... pour un montant de 100 000 euros constituent des apports personnels de sa part et justifient par suite un passif déductible de ses résultats à cette hauteur.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels ; / d. Les dépenses et charges de toute nature afférentes aux immeubles qui ne sont pas affectés à l'exploitation (...). Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ".

12. En l'espèce, l'administration a tout d'abord remis en cause, au titre de l'exercice clos en 2014, la déductibilité des loyers afférents à deux véhicules de tourisme à hauteur de 25 088 euros. Pour justifier de l'engagement de ces dépenses dans l'intérêt direct de l'entreprise, la société indique que M. B... devait disposer d'un véhicule adapté aux déplacements interurbains, en région parisienne notamment, ainsi qu'un véhicule routier lui permettant d'effectuer des déplacements dans la région d'Annecy dans laquelle la société souhaitait s'implanter. Toutefois, alors que les deux contrats de crédit-bail et d'assurance relatifs à ces deux véhicules n'ont pas été souscrits par la société requérante mais par M. B... en son nom personnel, aucune des pièces versées au dossier ne permet, en tout état de cause, d'établir les justifications avancées. Par suite, la société requérante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les sommes en litige auraient été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise.

13. Par ailleurs, l'administration a également remis en cause les charges relatives à la location immobilière de bureaux facturées par la société de domiciliation Regus à hauteur de 10 788 euros au titre de l'année 2014 ainsi que les frais relatifs à la location d'un parking de la société Vinci à hauteur de 9 520 euros. D'une part, alors même qu'il s'agirait d'une erreur, il est constant que les factures mensuelles émises par la société Vinci sont libellées au nom de la société américaine B... Design and Construction, et non pas au nom de la société requérante qui ne justifie dès lors pas que ces sommes puissent être déduites de son propre résultat imposable. D'autre part, s'agissant des dépenses facturées par la société Regus et correspondant à la location de bureaux dans le cadre du programme " Business Platinum Plus ", la société requérante ne produit que deux factures libellées, dont l'une est au demeurant datée du 12 décembre 2013, au nom de " B... Design ", sans plus de précision. Dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve de la réalité des charges de location de bureaux et de parking qu'elle a déduites à hauteur de 20 308 euros et c'est à bon droit que l'administration fiscale les a réintégrées à son résultat imposable.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande s'agissant de la somme de 680 874 euros réintégrée à tort à ses résultats au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La société B... G... est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 résultant d'une réduction en base de son résultat imposable de la somme de 680 874 euros.

Article 2 : Le jugement n° 2116321 du 26 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à la société B... G... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société B... G... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2025.

La rapporteure,

W. LELLIGLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04889 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04889
Date de la décision : 04/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : BELLIART

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-04;23pa04889 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award