Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'une part d'annuler la décision du 1er octobre 2021 par laquelle le maire de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé son " avancement " au grade d'agent de maîtrise territorial et d'adjoint administratif principal de première classe et, d'autre part, d'enjoindre à cette même autorité de lui accorder l'avancement demandé.
Par un jugement n° 2115548 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 août 2024, Mme B... C..., représentée par Me Coll, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juillet 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 1er octobre 2021 par laquelle le maire de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé sa demande tendant à l'octroi d'un avancement au grade d'agent de maîtrise ou d'adjoint administratif de première classe ;
3°) d'enjoindre à cette même autorité de lui accorder l'avancement demandé ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saine-Ouen-sur-Seine le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse du 1er octobre 2021 est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, en ce que Mme C... remplissait toutes les conditions pour bénéficier d'un avancement au grade d'agent de maîtrise ;
- elle est également entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, en ce que la commune ne pouvait lui opposer la sanction dont elle a fait l'objet pour lui refuser un avancement au grade d'adjoint administratif de première classe ; l'administration a porté atteinte au principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires ; en attente de reclassement et faisant l'objet d'un demi-traitement pendant près de six ans, elle a subi la situation que lui a imposée la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2025, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, représentée par Me Creveaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux ;
- le décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Cwiklinski substituant Me Creveaux pour la commune de Saint-Ouen-sur-Seine.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., titulaire du grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe et exerçant des fonctions d'agent polyvalent et de restauration au sein de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, a réussi en 2013 l'examen professionnel d'accès au grade d'agent de maîtrise territorial par voie de promotion interne. Placée en position de congé de maladie ordinaire du 11 septembre 2013 au 15 mai 2014, Mme C... a fait l'objet d'une visite médicale de reprise ; le 23 juin 2014, le médecin de prévention a émis un avis préconisant un reclassement sur un poste administratif, sans manutention. Cet avis a été confirmé par le comité médical le 4 septembre 2014, qui a conclu à l'inaptitude de l'intéressée à ses fonctions de référent adjoint cuisine, puis réitéré par le médecin de prévention le 4 novembre 2014. Mme C... s'est vu infliger une sanction disciplinaire d'exclusion de fonctions de trois mois, par décision du maire du 31 août 2021, du fait d'un cumul de rémunérations à raison de l'exercice d'une activité dans le secteur privé de 2014 à 2019. Par courrier du 8 septembre 2021, Mme C... a demandé au maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine soit sa nomination dans le cadre d'emploi des agents de maîtrise, comme faisant suite à sa réussite à l'examen professionnel en 2013, soit un avancement au grade d'adjoint administratif de première classe. Par une décision du 1eroctobre 2021, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé de faire droit à ses demandes. Saisi par Mme C... d'une demande d'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête par un jugement du 2 juillet 2024, dont l'intéressée relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté n° 20-744 du 18 septembre 2020, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a donné à M. D... A..., 8ème adjoint au maire, délégation de fonctions afin d'intervenir dans le domaine du personnel communal ainsi que délégation à l'effet de signer tous les actes découlant de ce domaine. Contrairement à ce que soutient Mme C..., cette délégation n'est pas trop générale et permettait à M. A... de signer la décision litigieuse du 1er octobre 2021. Enfin, cet arrêté du 18 septembre 2020 a été régulièrement publié puis transmis à la préfecture de Seine-Saint-Denis dès le 18 septembre 2020, et est devenu exécutoire le 20 septembre suivant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "
4. D'une part, aux termes de l'article 39 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable :" En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) par la nomination de fonctionnaires (...) non seulement par voie de concours (...) mais aussi suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Inscription sur une liste d'aptitude après examen professionnel (...) ". Et aux termes de l'article 8 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Pour l'établissement du tableau d'avancement prévu à l'article 80 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et de la liste d'aptitude prévue à l'article 39 de cette même loi, il est procédé à une appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire, compte tenu notamment : / 1° Des comptes rendus d'entretiens professionnels ; / 2° Des propositions motivées formulées par le chef de service ; / 3° Et, pour la période antérieure à la mise en place de l'entretien professionnel, des notations. / Les fonctionnaires sont inscrits au tableau d'avancement par ordre de mérite ou sur la liste d'aptitude. Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté dans le grade ".
5. Il résulte de ces dispositions que tant l'inscription sur la liste d'aptitude établie au titre de la promotion interne après la réussite d'un examen professionnel que la nomination d'un fonctionnaire inscrit dessus ne constituent pas un droit et relèvent d'une appréciation des mérites et de la qualité des services des fonctionnaires remplissant les conditions exigées pour l'inscription sur cette liste. Le refus d'inscription sur une liste d'aptitude, y compris après la réussite à un examen professionnel, n'est donc pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ils ont droit qui, en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse du 1er octobre 2021 par laquelle le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé de la nommer, par promotion interne, dans le corps des agents de maîtrise, aurait dû être motivée en application des dispositions précitées. Un tel moyen doit être écarté comme étant inopérant.
6. D'autre part, la promotion de grade au choix ne constitue pas un droit pour l'agent. Dès lors, la décision litigieuse du 1er octobre 2021 par laquelle le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé à Mme C... un avancement au grade d'adjoint administratif de première classe, décision qui ne refuse pas un avantage constituant un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, n'avait pas à être motivée. Le moyen tiré de l'absence de motivation est inopérant et ne peut également qu'être écarté.
7. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux : " Les agents de maîtrise sont chargés de missions et de travaux techniques comportant notamment le contrôle de la bonne exécution de travaux confiés à des entrepreneurs ou exécutés en régie, l'encadrement de fonctionnaires appartenant aux cadres d'emplois techniques de catégorie C, ainsi que la transmission à ces mêmes agents des instructions d'ordre technique émanant de supérieurs hiérarchiques (...) ".
8. Pour rejeter la demande de Mme C... d'accéder au cadre d'emplois des agents de maîtrise, à la suite de sa réussite à l'examen professionnel en 2013, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine lui a opposé son inaptitude physique et les restrictions médicales dont elle faisait l'objet. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un congé de maladie ordinaire du 11 septembre 2013 au 15 mai 2014, Mme C... a fait l'objet d'une visite médicale de pré-reprise, à l'issue de laquelle le médecin de prévention a préconisé un reclassement professionnel sur un poste administratif et sans aucune manutention. Le 4 septembre 2014, le comité médical a émis un avis concluant à l'inaptitude de Mme C... à des fonctions techniques de référent adjoint cuisine ; cet avis a été confirmé le 4 novembre 2014 par l'avis du médecin de prévention, qui a conclu au reclassement professionnel de l'intéressée sur un poste administratif sans manutention. Dès lors, en dépit de la réussite de Mme C... en 2013 à l'examen professionnel d'accès au grade d'agent de maîtrise, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'était plus apte, en 2014, à exercer des missions et travaux techniques tels que ceux exercés par les agents de maîtrise. Dans ces conditions, en refusant de promouvoir Mme C... dans le corps des agents de maîtrise, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.
9. D'autre part, aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. /Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après :/1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ".
10. Pour rejeter la demande de Mme C... d'avancement au grade d'adjoint administratif de première classe, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine lui a opposé sa manière de servir et en particulier la sanction disciplinaire dont elle a fait l'objet le 31 août 2021 en raison de son cumul d'activités dans une entreprise privée pendant cinq années, de 2014 à 2019. Si l'intéressée soutient que la commune ne peut lui opposer cette situation, au motif qu'elle serait responsable de ses difficultés financières, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait fait l'objet d'un demi-traitement de la part de la commune pendant cette période comme elle le prétend, mais qu'elle a été au contraire maintenue à plein traitement à compter d'octobre 2014, dans l'attente de son reclassement. En tenant compte des frais graves reprochés à Mme C... ayant fondé la sanction disciplinaire pour apprécier sa valeur professionnelle et refuser ainsi son avancement au choix au grade d'adjoint administratif de première classe, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine n'a entaché sa décision du 1er octobre 2021 ni d'une erreur de droit ni d'une erreur manifeste d'appréciation. Le principe d'égalité des fonctionnaires et agents publics devant la loi n'a pas non plus été méconnu.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 1er octobre 2021 du maire de Saint-Ouen-sur-Seine. Par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C... le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... ainsi qu'à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Stéphane Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.
La rapporteure,
H. BREMEAU-MANESMELe président,
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03859