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03/07/2025 | FRANCE | N°24PA01510

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 03 juillet 2025, 24PA01510


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. N... E..., M. O... J..., Mme K... F..., M. I... G..., M. A... H..., Mme M... H..., M. D... B... et Mme C... L... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'une part, d'annuler la décision n° 001056/VP/DCA du vice-président du gouvernement de la Polynésie française en date du 11 avril 2023 rejetant leur demande tendant à voir déclarer caduc le permis de travaux immobiliers n° 16-1126-4/MLA.AU du 9 mai 2017 accordé à la Sarl Les Hauts de T

aapuna et, d'autre part, d'enjoindre à la Polynésie française de constater la péremption du p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N... E..., M. O... J..., Mme K... F..., M. I... G..., M. A... H..., Mme M... H..., M. D... B... et Mme C... L... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'une part, d'annuler la décision n° 001056/VP/DCA du vice-président du gouvernement de la Polynésie française en date du 11 avril 2023 rejetant leur demande tendant à voir déclarer caduc le permis de travaux immobiliers n° 16-1126-4/MLA.AU du 9 mai 2017 accordé à la Sarl Les Hauts de Taapuna et, d'autre part, d'enjoindre à la Polynésie française de constater la péremption du permis de construire du 9 mai 2017 dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et de faire cesser les travaux de la résidence " Iriatai ", dans le même délai, sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard.

Par un jugement n° 2300253 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2024, M. N... E..., M. O... J..., Mme K... F..., M. I... G..., M. A... H..., Mme M... H..., M. D... B... et Mme C... L..., représentés par Me Eftimie-Spitz, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300253 du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision n° 001056/VP/DCA du vice-président du gouvernement de la Polynésie française du 11 avril 2023 rejetant leur demande tendant à voir déclarer caduc le permis de construire n° 16-1126-4/MLA.AU du 9 mai 2017 accordé à la Sarl Les Hauts de Taapuna ;

3°) d'enjoindre à la Polynésie française de constater la caducité de ce permis de construire du 9 mai 2017, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à la Polynésie française de faire cesser les travaux de la résidence Iriatai, dans le même délai, sous astreinte de 100 000 XPF par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 000 francs Pacifique à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision litigieuse est entachée d'incompétence, dès lors que son signataire n'avait pas reçu de délégation régulière à cette fin ;

- le permis de travaux litigieux est caduc, dès lors qu'un nouveau permis a été ultérieurement attribué à la même personne sur le même terrain ;

- il est entaché de fraude pour avoir été accordé au vu d'un dossier de demande comportant des pièces fausses ;

- les travaux réalisés ne sont pas conformes au permis délivré ;

- les voisins subissent des dommages.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2024, la Polynésie française, représentée par Me Marchand conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance était irrecevable faute de notification opérée dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Le 17 avril 2025, le président de la formation de jugement a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la Cour est susceptible, dans l'affaire citée en référence, de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel, faute qu'aient été produites les preuves de sa notification dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'entre dans le champ d'application de ces dernières, qui ont pour objet de renforcer la sécurité juridique des titulaires d'autorisation de construire, les recours en appel contre une décision juridictionnelle qui constate l'absence de caducité d'un permis de construire.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2025, la société à responsabilité limitée Les Hauts de Taapuna, représentée par Me Mestre conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'il n'a pas été procédé aux notifications prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les demandes de M. et Mme H... sont irrecevables pour défaut de qualité pour agir, dès lors qu'ils ne sont pas propriétaires ;

- les demandes de M. E..., de M. J..., de Mme F..., de Mme L... et de M. G... sont irrecevables eu égard à l'absence d'intérêt pour agir des intéressés ;

- les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte sont irrecevables dès lors qu'elles ne peuvent être prononcées que par le juge judiciaire ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code de l'urbanisme, notamment son livre VI ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Diémert,

- et les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 9 mai 2017, le ministre du logement et de l'aménagement de la Polynésie française a délivré un permis de travaux immobiliers n° 16-1126-4/MLA.AU à la Sarl Les Hauts de Taapuna pour la réalisation d'un immeuble de quinze logements (" Résidence Iriatai ") sur la parcelle AX 131 (" terre Tepataai 3 parcelle 5 de parcelle E ") située à Punaauia-Taapuna (Polynésie française). M. N... E..., M. O... J..., Mme K... F..., M. I... G..., M. A... H..., Mme M... H..., M. D... B... et Mme C... L... ayant saisi le tribunal administratif de la Polynésie française aux fins d'annulation de la décision n° 001056/VP/DCA du vice-président du gouvernement de la Polynésie française du 11 avril 2023 rejetant leur demande tendant à voir déclarer caduc ce permis de construire, cette juridiction a rejeté leur demande par un jugement du 30 janvier 2024 dont les intéressés relèvent appel devant la Cour.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;

2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. "

3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point précédent que le pouvoir réglementaire en employant l'expression de " décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code " a notamment entendu tant viser la décision administrative par laquelle l'autorité compétente refuse de constater la caducité d'un permis de construire, et qui a nécessairement pour effet de confirmer la validité d'une décision valant autorisation d'occupation du sol au sens et pour l'application des dispositions de l'article R. 600-1.

4. En deuxième lieu, les termes de " décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol " figurant dans diverses dispositions de nature législative ou réglementaire du livre VI du code de l'urbanisme, et notamment dans son article R. 600-1, doivent s'entendre comme visant, par analogie, les catégories de décisions possédant la même substance et la même portée, prises sur le fondement de la réglementation édictée par les autorités compétentes de la Polynésie française en vertu des compétences qui leur sont dévolues par la loi organique statutaire. Par suite, les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme sont applicables, en Polynésie française, au contentieux des permis de travaux immobiliers et, notamment, à celui des décisions refusant de constater leur caducité.

5. En troisième lieu, la notification prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme qui a pour objet de renforcer la sécurité juridique des titulaires d'autorisation de construire, doit être effectuée, à peine d'irrecevabilité, par le requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l'absence de caducité d'un permis de construire, et annule, pour ce motif, une décision constatant cette caducité. En application de ces dispositions, d'une part, il appartient à l'auteur d'un recours tendant à l'annulation d'un jugement ayant annulé une décision constatant la caducité d'un permis de construire et rétablissant par suite la validité de cette autorisation de construire, d'adresser au greffe de la juridiction une copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée adressée à l'auteur de la décision contestée et au titulaire de l'autorisation et, d'autre part, il appartient au juge, au besoin d'office, de rejeter le recours comme irrecevable, lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.

6. D'une part, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, en méconnaissance des exigences posées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, que la demande de première instance, qui ne tendait qu'à l'annulation de la seule décision du vice-président du gouvernement de la Polynésie française en date du 11 avril 2023, n'a pas été notifiée à la Polynésie française et que, la présente requête d'appel n'a fait l'objet d'aucune notification, tant à l'auteur de la décision qu'au titulaire du permis de travaux faisant l'objet de la demande de constatation de sa caducité. Il s'ensuit que cette demande était irrecevable.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel n'est pas accompagnée de la justification des formalités requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Le président de la formation de jugement ayant informé les requérants de ce que la Cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public ainsi tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel, cette communication doit être regardée comme une invitation à eux adressée aux fins de régulariser ladite requête. Les requérants n'ayant pas produit d'observations en réponse à cette communication, tandis que le défendeur a en outre de nouveau contesté en appel la recevabilité de la demande de première instance sur le fondement des mêmes dispositions, ils doivent être regardés, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant implicitement mais nécessairement renoncé à apporter devant la Cour les éléments susceptibles de lui permettre de regarder leur requête comme recevable.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui font obstacle à ce que les requérants, qui sont la partie perdante dans la présente instance, en puissent invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Polynésie française et à celles de la société à responsabilité limitée Les Hauts de Taapuna fondées sur les mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. N... E..., de M. O... J..., de Mme K... F..., de M. I... G..., de M. A... H..., de Mme M... H..., de M. D... B... et de Mme C... L... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française et de la société à responsabilité limitée Les Hauts de Taapuna fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. N... E..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la Polynésie française, à la société à responsabilité limitée Les Hauts de Taapuna et, en application de l'article R. 751-8-1 du code de justice administrative, au président de l'assemblée de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Stéphane Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2025.

L'assesseure la plus ancienne,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

Rapporteur

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01510
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : EFTIMIE-SPITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;24pa01510 ?
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