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03/07/2025 | FRANCE | N°24PA00227

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 03 juillet 2025, 24PA00227


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2211715 du 13 décembre 2023, le

tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2211715 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Bazin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2211715 du 13 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'ordonner une expertise ayant pour objet de déterminer la réalité et l'importance de ses troubles, l'état d'avancement du traitement suivi, la nature et la gravité des risques pour sa santé liés à une éventuelle interruption de ses traitements et la réalité de leur disponibilité sur le territoire algérien ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a dénaturé les pièces de son dossier médical ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées de l'article 6, 7 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Diémert a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 21 juin 1982, est entré en France le 2 avril 2013 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 1er février 2022, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence pour raisons médicales. Par un arrêté du 22 juin 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel devant la Cour du jugement du 13 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. B..., une éventuelle dénaturation des pièces du dossier relatives à son dossier médical n'affecterait que le bien-fondé du jugement attaqué, dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, et demeure, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...). / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis émis le 24 mars 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une maladie de Behcet, maladie auto-immune polymorphe et évolutive qui se manifeste chez l'intéressé par des signes cliniques variés, de nature cutanée, articulaire, neurologique, oculaire, cardiaque et vasculaire. Le requérant a produit en première instance un compte rendu d'hospitalisation, des ordonnances et un certificat médical du 4 juillet 2022 du chef de service de médecine interne de l'hôpital Saint Antoine selon lequel il bénéficie depuis le 31 mars 2022 d'un traitement immunosuppresseur par Guselkumab qui ne serait pas disponible en Algérie, et qui l'exposerait, ainsi que ses précédents traitements, à un risque de complications infectieuses ne pouvant être pris en charge dans ce pays. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le traitement par Guselkumab a été prescrit postérieurement à la date de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et ne pouvait donc pas être pris en compte pour établir cet avis. Si M. B... produit en appel un nouveau certificat du même chef de service du 27 décembre 2023, ce seul document, rédigé dans des termes identiques au précédent, ne permet pas davantage de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet s'agissant de l'accès effectif à un traitement approprié dans le pays d'origine. Par suite, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise médicale, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations précitées de l'article 6,7) de l'accord franco-algérien.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France où vivent ses sœurs de nationalité française et son frère en situation régulière. Toutefois, il est constant que M. B... est célibataire, sans enfant à charge et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel résident sa mère et le reste de sa fratrie. Ainsi, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais du litige ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2025.

L'assesseure la plus ancienne,

I. JASMIN-SVERDLIN Le président-rapporteur,

S. DIÉMERT

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 24PA00227 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00227
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;24pa00227 ?
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