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03/07/2025 | FRANCE | N°23PA03763

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 03 juillet 2025, 23PA03763


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Agence des consommations énergétiques (ACE) a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.



Par un jugement n° 1907189 du 22 jui

n 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Agence des consommations énergétiques (ACE) a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1907189 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, la SARL Agence des consommations énergétiques, représenté par Me Marshall, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907189/3 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les impositions litigieuses ont été établies à la suite d'une procédure irrégulière, l'administration ayant méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le service a remis en cause la déductibilité des factures émises par les prestataires de centres d'appels dès lors notamment que les factures produites comportent toutes les mentions obligatoires et sont suffisamment explicites, et qu'elle justifie de la réalité des prestations réalisées par ces sociétés ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas justifiés dès lors que les factures de ces prestataires ne sont pas fictives ;

- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de la SARL Agence des consommations énergétiques.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Agence des consommations énergétiques, qui exerce l'activité de réalisation de travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 27 décembre 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Ces impositions supplémentaires ont été assorties de la majoration pour manquement délibéré et des intérêts de retard. La SARL ACE relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, intérêts de retard et majorations.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements, obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale de tenir à la disposition du contribuable qui le demande, avant la mise en recouvrement d'impositions établies au terme d'une procédure de rectification contradictoire ou par voie d'imposition d'office, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements correspondants, sauf dans le cas où ces renseignements sont librement accessibles au public, permet au contribuable de vérifier l'authenticité de ces documents et d'en discuter la teneur ou la portée et constitue ainsi une garantie pour l'intéressé. Cette obligation ne peut toutefois porter que sur les documents originaux ou les copies de ces documents effectivement détenus par les services fiscaux. Par suite, dans le cas où l'administration, dans l'exercice de son droit de communication, a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l'intégralité de ces copies à la disposition du contribuable.

3. D'une part, s'agissant des rectifications résultant de la réintégration dans le résultat imposable de la société ACE des factures émises par la société Ref Info et de la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures, il résulte de l'instruction que l'administration a informé la société ACE de la teneur des renseignements lui ayant permis de considérer que ces factures étaient fictives en ce qu'elles ne correspondaient à aucune prestation réellement effectuée par cette société. Elle lui a également indiqué, dans la réponse aux observations du contribuable, l'origine de ces renseignements, à savoir les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société Ref Info. La SARL ACE a ainsi été informée, avant la mise en recouvrement des impositions, de la teneur et de l'origine des renseignements ayant fondé les rectifications notifiées. Il résulte également de l'instruction que, s'agissant des rectifications liées au caractère fictif des factures émises par la société Charopro, l'administration a indiqué dans la réponse aux observations du contribuable qu'il résultait des déclarations faites par le gérant de cette société au cours de son audition, le 23 septembre 2015, par le service national de la douane judiciaire dans le cadre d'une enquête préliminaire et consignées dans deux procès-verbaux consultés par l'administration dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, ainsi que des mentions de la proposition de rectification du 24 avril 2017 adressée à cette société Charopro à l'issue de la vérification de sa comptabilité, que celle-ci n'avait pas été en situation de fournir à la société requérante des prestations de référencement et des rendez-vous de prospect. Le service a ainsi informé la société ACE de la teneur et de l'origine des renseignements avant la mise en recouvrement des impositions.

4. D'autre part, la SARL ACE soutient que les documents dont la communication a été sollicitée par un courrier du 23 janvier 2017 ne lui ont été communiqués par l'administration que le 5 juillet 2017 et que ces documents n'ont pas été communiqués dans leur intégralité. Toutefois, les propositions de rectification qui ont été notifiées aux société Ref Info et Charopro, sur lesquelles s'est notamment fondé le service, sont des documents élaborés par l'administration fiscale et ne sont pas au nombre des " documents obtenus de tiers " soumis à l'obligation de communication prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, en réponse à la demande de la société, l'administration lui a communiqué les extraits des procès-verbaux d'audition du gérant de la société Charopro ayant été utilisés pour fonder les rehaussements. Il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, qui a obtenu ces extraits de procès-verbaux dans le cadre de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, aurait eu en sa possession ces documents dans leur intégralité. Au demeurant la société ACE n'a présenté, après communication de ces extraits, aucune demande complémentaire tendant à la communication de ces procès-verbaux dans leur intégralité. Enfin, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle n'a pu engager un débat oral et contradictoire sur les documents communiqués par l'administration dès lors que cette dernière n'était pas tenue d'engager un tel débat sur le contenu de ces documents. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les impositions litigieuses auraient été établies à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, (...) / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. D'autre part, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

7. Pour regarder comme fictives les factures émises par la société Ref Info, le service a relevé, dans la proposition de rectification du 27 décembre 2016 et la réponse aux observations du contribuable du 22 mai 2017, que cette société n'a employé au cours de la période en litige, aucun salarié, aucun compte employeur n'ayant été ouvert à son nom auprès des services de l'URSSAF et aucune déclaration annuelle de données sociales n'ayant été souscrite, et qu'elle ne disposait d'aucun local d'exploitation susceptible de déployer une activité en cohérence avec les encaissements dont elle a bénéficié dès lors que sa seule adresse à Paris constitue une simple adresse de domiciliation, que le bail relatif à un local à La Garenne Colombe est fictif et que les relevés bancaires de la société ne retracent aucun paiement de loyers ni de charges d'électricité, de téléphone ou de déplacement. S'agissant des factures émises par la société Charopro, le service a relevé que cette société exerçait une activité enregistrée sous le code NAF " Commerce de détail d'ordinateurs, d'unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé ", sans lien avec les prestations facturées à la société requérante, qu'elle était défaillante fiscalement tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés et que son gérant avait déclaré au cours de son audition par le service national de la douane judiciaire que cette société n'employait pas de personnel et ne disposait ni de locaux ni de matériel informatique. Il a également indiqué ne pas connaître la société ACE. Les courriels produits, échangés entre le gérant de la société ACE et un certain John Attan dont l'adresse mail est " paperassefacile@gmail.com " ne permettent pas d'établir que la société Ref Info, dont le nom n'apparait pas, aurait effectivement réalisé des prestations de démarchage de clientèle pour son compte. Ni le tableau de suivi des prospects ni les dossiers individuels de clients, élaborés par la société ACE elle-même, ni la circonstance que les échanges d'informations entre les sociétés prestataires et la société ACE étaient réalisés par le biais d'un fichier éphémère qui n'avait pas vocation à être conservé ne permettent de contredire les constatations faites par le service. Enfin la circonstance que le chiffre d'affaires de la société ACE ait augmenté de manière exponentielle entre 2013 et 2015 n'est pas davantage de nature à établir que des prestations auraient été réalisées par cette société. Dès lors, le service était fondé à regarder les factures émises par Ref Info et Charopro comme fictives, à réintégrer ces factures dans le résultat imposable de la société et à remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

9. Si la société requérante soutient qu'il n'est pas établi que les factures présentent un caractère fictif, que les sociétés Ref Info et Charopro étaient régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés, se présentaient comme des assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ont réalisé les prestations correspondant aux factures émises et étaient payées directement par elle, il résulte toutefois de ce qui est jugé au point 7 que l'administration établit que ces factures étaient fictives. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le service, la comptabilisation en charges de dépenses de prestations fictives et la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente pour des sommes importantes ne peut résulter d'une simple erreur commise par la SARL ACE et démontrent la volonté de la société d'éluder l'impôt par l'utilisation de factures qui ne correspondent pas à des prestations réelles. Dès lors, l'administration, qui établit l'intention de la société ACE d'éluder l'impôt, était fondée à appliquer la majoration visée par les dispositions précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Agence des consommations énergétiques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les conclusions présentées par la société ACE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Agence des consommations énergétiques est rejetée.

Article 2 : : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Agence des consommations énergétiques et au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France - division juridique.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2025.

La rapporteure,

N. Zeudmi-SahraouiLa présidente,

P. Hamon

La greffière,

L. Chana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03763
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : MARSHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;23pa03763 ?
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