Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2411156/1-3 du 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2024, M. B... A..., représenté par Me Abreu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2024 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de mettre fin à son signalement aux fins de non admission dans le fichier d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- il méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de circonstances particulières ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2025, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... A..., ressortissant péruvien né le 26 août 1989 et entré en France le 20 mai 2019 selon ses déclarations, relève appel du jugement du 10 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2024 du préfet de police de Paris portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une période de trois ans.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Lorsque l'administration oppose à un étranger le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., qui souffre d'une infection par le virus de l'immunodéficience humaine, ainsi que d'une hypoparathyroïdie primaire sévère diagnostiquée en 2019, d'étiologie indéterminée associée à un hypokaliémie, a sollicité le 8 juin 2021 son admission au séjour sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'étranger malade. Par un avis du 10 décembre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le Pérou, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que les soins devaient être poursuivis pour une durée de douze mois. Après saisine de la commission du titre de séjour, qui a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour le 13 mars 2022, le préfet de police de Paris, estimant que la présence de M. B... A... sur le territoire français était une menace pour l'ordre public a, par un arrêté du 1er avril 2022, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français, l'état de santé de M. B... A... faisant obstacle, en application des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement, et a enjoint au préfet de police de Paris réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. En exécution de ce jugement, M. B... A... a été reçu en préfecture le 25 octobre 2022 aux fins de réexamen de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et a été mis en possession, à cette occasion, d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 24 janvier 2023. Par un nouvel avis du 10 mars 2023, le collège de médecins de l'OFII a de nouveau estimé que l'état de santé de M. B... A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que les soins devaient être poursuivis, cette fois, pour une durée de dix-huit mois.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé nécessite la prise d'un antiviral associant l'abacavir sulfate à la lamivudine (KIVEXA), ainsi qu'un antirétroviral à base d'éfavirenz (SUSTIVA) dans le cadre du traitement de son infection par le VIH, la prise d'alfacalcidol (UN ALFA) et de calcium carbonate (CALCIDOSE) associé à un suivi en endocrinologie, dans le cadre du traitement de son hypoparathyroïdie primaire sévère et de son hypokaliémie ainsi que des estrogènes de synthèse (ESTRADIOL), un traitement hormonal substitutif féminisant prescrit dans le cadre de sa transition de genre. S'il ressort en particulier d'un article de presse du 1er décembre 2022 faisant état de ce que les patients souffrant d'une infection par le VIH bénéficient, depuis 2004, de traitements gratuits, ainsi que de la liste des médicaments essentiels du 25 juin 2015 établie par le ministère de la santé péruvien, que l'abacavir sulfate, la lamivudine, l'éfavirenz, le calcium carbonate et l'estradiol sont disponibles au Pérou, en revanche, rien ne démontre que cela serait également le cas de l'alfacalcidol, un dérivé de synthèse de la vitamine D, qui a été prescrit à M. B... A... dans le cadre du traitement de son hypoparathyroïdie primaire sévère dont l'étiologie est indéterminée. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... A..., dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
6. Pour refuser à M. B... A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police de Paris s'est toutefois fondé sur les circonstances, d'une part, que la présence sur le territoire français de l'intéressé, qui a été condamné le 28 juin 2021 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour agression sexuelle sur mineur de plus de quinze ans et qui est défavorablement connu des services de police pour non justification de son adresse par une personne enregistrée dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles, le 3 mai 2021, constituait une menace pour l'ordre public et, d'autre part, que l'intéressé étant célibataire et sans charge de famille en France, le refus de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
7. Il ressort du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé que, par un jugement du tribunal correctionnel de Pontoise du 10 septembre 2019, M. B... A... a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de plus de quinze ans, commis le 8 septembre 2019, et que cette peine a été confirmée par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles le 28 juin 2021, la juridiction d'appel rejetant, selon les propos non contestés du requérant, tant son appel que l'appel incident du Parquet. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet, compte tenu de la nature des faits réprimés, d'une inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). Ayant omis de déclarer son adresse de domiciliation ainsi qu'il lui incombait en application des dispositions de l'article 706-53-5 du code de procédure pénale, M. B... A... a fait l'objet, le 4 mai 2021, d'un rappel à la loi. Toutefois, ces faits se sont produits près de cinq ans avant la décision contestée sans qu'il ne ressorte des pièces du dossier que l'intéressé présenterait un risque de récidive, le préfet de police de Paris, se bornant, pour établir la menace à l'ordre public alléguée, à produire le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Par ailleurs, ainsi qu'il vient d'être dit, la condamnation a été assortie d'un sursis total. En outre, le requérant fait valoir qu'il ignorait la procédure induite par une inscription au FIJAIS dès lors qu'il n'a reçu notification de ses obligations que le 4 mai 2021, à l'occasion de son rappel à la loi, ainsi que cela ressort du procès-verbal de notification d'une inscription au FIJAIS versé au dossier, l'intéressé établissant par ailleurs avoir respecté, par la suite, l'obligation annuelle de déclaration de domiciliation qui lui incombait. Dans ces conditions, eu égard au caractère ancien des faits, aux circonstances particulières ayant entraîné le rappel à la loi et à l'absence de toute justification quant au risque de récidive que présenterait l'intéressé, M. B... A... est fondé à soutenir qu'en estimant que sa présence en France constituait, à la date de sa décision, une menace pour l'ordre public, le préfet a commis une erreur d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...). ".
10. Le présent arrêt implique nécessairement mais seulement, compte tenu de son motif, le réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. B... A... et l'intervention d'une nouvelle décision. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français faite à l'intéressé, implique également de munir celui-ci d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait de nouveau statué sur son cas. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris de procéder au réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour de M. B... A..., de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. B... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 octobre 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 18 avril 2024 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de réexaminer la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. B... A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... A..., la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judicaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04453