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01/07/2025 | FRANCE | N°24PA04132

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 01 juillet 2025, 24PA04132


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 31 août 2024 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.



Par un jugement n° 2423269/8 du 10 septembre 2024, le magistrat désigné par le pr

ésident du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 31 août 2024 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2423269/8 du 10 septembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2024 et un mémoire enregistré le 21 mai 2025, qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Namigohar, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'ordonner la communication de son entier dossier ;

3°) d'annuler le jugement n° 2423269/8 du 10 septembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

4°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 31 août 2024 du préfet de police de Paris ;

5°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros de retard, et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

6°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le fichier du système d'informe Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Namigohar au titre des articles 31 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'ensemble des décisions :

- elles ont été signées par une autorité incompétente ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît son droit à la présomption d'innocence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du considérant 10 de la directive 2008/115/CE ;

- elle méconnaît son droit à la présomption d'innocence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que les modalités d'exécution de la décision ne lui ont pas été notifiées, en méconnaissance des articles R. 511-4 et R. 511-5 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais reprises aux articles R. 613-6, R. 711-1 et R. 711-2 de ce code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de police de Paris qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 25 février 2025, confirmée le 14 mai 2025, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, présentée par le préfet de police, a été enregistrée le 18 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né 8 août 1969 et entré en France le 1er juillet 1994 selon ses déclarations, a été interpellé et placé en garde à vue le 30 août 2024 pour des faits de menace de mort réitérées par conjoint et tentative de violation de domicile. Par deux arrêtés du 31 août 2024, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. M. B... relève appel du jugement du 10 septembre 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :

2. M. B... reprend en appel, sans autre précision, le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que les arrêtés contestés auraient été signés par une autorité compétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le premier juge au point 2 de son jugement.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

4. La décision en litige vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ainsi que les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne que M. B..., de nationalité algérienne, s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour par une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 octobre 2019 réputée notifiée le 25 octobre 2019 et que, depuis cette date, il s'est maintenu sur le territoire français. Elle précise que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé se déclarant célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. B..., la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

7. Indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou un accord international prescrivent que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

8. M. B... soutient qu'il est entré en France en 1er juillet 1994 muni d'un visa délivré par les autorités consulaires espagnoles et qu'il y réside habituellement depuis l'année 2001. Toutefois, la production pour l'année 2019 d'une unique attestation de responsabilité civile établie en 2018, au nom de M. D... C..., portant la mention " valable jusqu'au 19 novembre 2019 ", et pour l'année 2020, d'un billet de train non nominatif acheté en février, d'une fiche de salle datée du mois d'avril et d'un chèque établi à son ordre au mois de juin, n'est pas suffisante pour attester du caractère habituel de sa présence sur le territoire français sur ces deux années. De même, M. B... ne produit aucune pièce pour la période d'avril 2023 à août 2024, date de son interpellation. Dans ces conditions, et alors que, eu égard au nombre insuffisant de pièces produites, le caractère habituel de sa présence sur le territoire français n'est pas davantage établi pour les années 2002 à 2007, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet de police de Paris aurait entendu opposer à M. B..., pour l'obliger à quitter le territoire français, la circonstance que son comportement était constitutif d'une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à la présomption d'innocence doit en tout état de cause être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". De même, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui soutient résider habituellement en France depuis 1994 sans l'établir, est célibataire et sans charge de famille en France alors qu'il n'établit pas qu'il serait démuni d'attaches personnelles dans son pays d'origine où réside, selon les mentions portées sur la fiche de salle du 26 avril 2023, sa mère. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut de la présence en France de son frère et de sa sœur, tous deux titulaires d'un titre de séjour, de son oncle, de nationalité française, et de sa tante, qui l'héberge, il ne justifie pas qu'il entretiendrait de liens particuliers avec eux, alors qu'il a déclaré, lors de son audition de garde-à-vue, être hébergé chez la cousine de son ancienne épouse. De même, s'il ressort des pièces versées au dossier que M. B... a exercé une activité professionnelle en qualité d'aide monteur entre novembre 2012 et septembre 2013, de manœuvre pour la période d'octobre à novembre 2013, d'aide monteur de février à mars 2014 et qu'il avait été recruté en contrat à durée indéterminée le 1er août 2022 par la société Morsli Cloison Amovible, il a indiqué lors de son audition qu'il n'exerçait plus d'activité professionnelle. Enfin, alors même que les menaces de mort réitérés par conjoint et tentative de violation de domicile, pour lesquelles il a été interpellé le 30 août 2024, ne seraient pas matériellement établies et que son comportement ne constituerait pas, par suite, une menace pour l'ordre public, compte tenu des conditions de son séjour en France, de la nature de ses attaches personnelles dans la société française et alors qu'il n'est pas contesté qu'il s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 24 octobre 2019, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de police de Paris n'a pas, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En sixième lieu, si M. B... justifie d'une convocation à la préfecture de police de Paris le 10 décembre 2024 aux fins de déposer une demande admission exceptionnelle au séjour, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. De même, à supposer même que la mesure de contrôle judiciaire dont il indique faire l'objet, sans la produire à l'instance, lui interdirait de quitter le territoire français, cette circonstance ne fait pas davantage obstacle à l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français mais impose seulement à l'autorité de police de s'abstenir d'exécuter cette mesure jusqu'à la levée du contrôle par le juge judiciaire. Dans ces conditions, et compte tenu des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé tels que rappelés au point précédent, le préfet de police de Paris, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

13. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 12, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. En deuxième lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, notamment ses articles 3 et 8 ainsi que les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, la décision précise que le comportement de M. B... a été signalé par les services de police le 29 août 2024 pour menace de mort réitérée par personne étant ou ayant été conjoint, concubin, ou lié à la victime par un pacte civil de solidarité, et tentative de violation de domicile, le 25 septembre 2021 pour menace de crime contre les personnes avec ordre de remplir une condition commise par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou lié à la victime par un pacte civil de solidarité, et le 16 mai 2002 pour infraction à la législation sur les stupéfiants, et porte l'appréciation selon laquelle ces faits sont constitutifs d'une menace pour l'ordre public. En outre, la décision mentionne que M. B... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 24 octobre 2019 et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, la décision en litige comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

15. En troisième lieu, aux termes du dixième considérant de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Lorsqu'il n'y a pas de raison de croire que l'effet utile d'une procédure de retour s'en trouve compromis, il convient de privilégier le retour volontaire par rapport au retour forcé et d'accorder un délai de départ volontaire (...) ".

16. M. B... ne peut utilement se prévaloir directement des dispositions précitées de la directive susvisée contre la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire dès lors que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ne sont pas incompatibles avec ses objectifs.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". De même, aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

18. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui dispose d'un passeport en cours de validité, a été interpellé le 30 août 2024 pour des faits de menace de mort réitérés sur son ancienne compagne et de tentative de violation de domicile. Si l'intéressé, qui a admis lors de son audition de garde à vue être déjà connu des services de police pour des faits similaires commis en 2021, conteste la réalité des faits qui lui sont reprochés, il résulte en tout état de cause de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus de délai de départ volontaire en se fondant uniquement sur les motifs, au demeurant non contestés, qu'il s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 24 octobre 2019 et qu'il ne dispose pas d'une adresse stable et effective dans un local affecté à son habitation. Dans ces conditions, et alors que le placement sous contrôle judiciaire de M. B... est sans incidence sur l'appréciation portée sur les garanties de représentation, le préfet de police de Paris, en estimant qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement en litige et, en conséquence, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

19. En cinquième lieu, la seule circonstance que les faits qui lui sont reprochés n'aient pas donné lieu, à la date de la décision contestée, à une condamnation pénale, est sans incidence sur l'exercice, par l'autorité administrative compétente, de son pouvoir d'apprécier si la présence en France d'un ressortissant étranger constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police de Paris, en fondant sa décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire notamment sur la circonstance que le comportement de l'intéressé qui, à la date de ladite décision, avait été placé sous contrôle judiciaire pour des faits de menace de mort réitérés sur son ancienne compagne et de tentative de violation de domicile, représentait une menace pour l'ordre public, aurait méconnu le principe de la présomption d'innocence.

20. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 12, le préfet de police de Paris, en refusant d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

21. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

22. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

23. M. B..., qui se borne à faire valoir qu'il sera exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, n'apporte au soutien de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

24. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

25. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les (...) décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

26. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

27. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

28. La décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet de police de Paris a, pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, considéré que l'intéressé, qui alléguait être entré sur le territoire français en 1994 sans en apporter la preuve, représentait une menace pour l'ordre public en restant sur le territoire national, qu'il ne pouvait se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, étant constaté qu'il se déclarait célibataire et sans enfant, qu'il s'était déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 24 octobre 2019 par le préfet de la Seine-Saint-Saint-Denis et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

29. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. / Il est également informé des conditions d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 711-1, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut justifier de sa sortie du territoire français conformément aux dispositions de l'article R. 711-2 ". Aux termes de l'article R. 711-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est réputée exécutée à la date à laquelle a été apposé, sur les documents de voyage de l'étranger qui en fait l'objet, l'un des cachets suivants : / 1° Le cachet mentionné à l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) lors de son passage aux frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; / 2° Le cachet de l'administration lors de sa sortie des territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin à destination de tout pays, autre qu'un Etat membre de l'Union européenne, la République d'Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège ou la Confédération suisse ". Enfin, aux termes de l'article R. 711-2 de ce code : " L'étranger ayant fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut également justifier de sa sortie du territoire en établissant par tout moyen sa présence effective dans le pays de destination, notamment en s'y présentant personnellement aux représentations consulaires françaises ou à la représentation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Sauf preuve contraire, l'étranger est réputé avoir exécuté la décision portant obligation de quitter le territoire français à la date à laquelle il s'est ainsi présenté à l'une de ces autorités ".

30. Les dispositions de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction de retour sur le territoire français, sont sans incidence sur la légalité de cette décision. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

31. En quatrième lieu, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11, M. B..., qui ne justifie pas de l'ancienneté de séjour dont il se prévaut, est célibataire et sans charge de famille en France et ne démontre pas une intégration professionnelle particulière dans la société française ni même de liens personnels particulièrement intenses. Il s'est déjà soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 24 octobre 2019 et son comportement constitue une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure, en décidant de lui interdire de retourner sur le territoire français pour une durée de trente-six mois, le préfet de police de Paris n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

32. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le préfet de police de Paris n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B....

33. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de demander à l'administration de communiquer l'entier dossier de l'intéressé, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi, en tout état de cause, que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA04132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04132
Date de la décision : 01/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-01;24pa04132 ?
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