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01/07/2025 | FRANCE | N°24PA03980

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 01 juillet 2025, 24PA03980


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 juillet 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé Me Frédéric Brunet, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Unipromotion, à le licencier pour motif économique, ainsi que la décision du 13 mars 2023 par laquelle le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a confirmé cette décision de l'inspectrice du travail.



Par un jug

ement n° 2209395, 2304618 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 juillet 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé Me Frédéric Brunet, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Unipromotion, à le licencier pour motif économique, ainsi que la décision du 13 mars 2023 par laquelle le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a confirmé cette décision de l'inspectrice du travail.

Par un jugement n° 2209395, 2304618 du 12 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par deux requêtes, enregistrées le 12 septembre 2024 sous les n° 24PA03980 et n° 24PA03985, M. C..., représenté par Me Cabral, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à l'inspection du travail de rejeter la demande d'autorisation de le licencier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige a été prise au terme d'une procédure irrégulière en ce que l'inspectrice du travail qui a réalisé l'enquête contradictoire était partiale ;

- le liquidateur de son employeur a méconnu son obligation de reclassement à son égard ;

- la demande d'autorisation de licenciement présente un lien avec son mandat, notamment en ce que les catégories professionnelles définies dans le cadre de la cession l'ont été de façon à éviter le transfert de son contrat de travail vers la société Polygon France.

Le 25 mars 2025, des mises en demeure ont été adressées, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à Me Brunet et à la Selas Etude JP.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 avril 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles demande que les deux requêtes de M. C... soient jointes et conclut à leur rejet.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés, en renvoyant à ses écritures de première instance.

Me Brunet et la Selas Etude JP n'ont pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 juillet 2022, Me Frédéric Brunet, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Unipromotion, a sollicité auprès de l'administration l'autorisation de procéder au licenciement de M. C..., salarié protégé, pour motif économique. Par une décision du 27 juillet 2022, l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement. Saisi d'un recours hiérarchique formé le 26 septembre 2022, le ministre du travail a, le 13 mars 2023, confirmé la décision de l'inspectrice du travail. Par les deux requêtes visées ci-dessus, M. A... C... relève appel du jugement du 12 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 24PA03980 et 24PA03985 sont identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire.

Sur la légalité externe :

4. En premier lieu, l'article R. 2421-11 du code du travail, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".

5. M. C... soutient que l'inspectrice du travail a méconnu le principe du contradictoire et a fait preuve de partialité à son égard. Il se réfère à un courriel du 14 juin 2022 qu'il a adressé à l'inspectrice, dans lequel il indique que la veille, cette dernière lui a déclaré, avant son audition, qu'elle " ne pouvait rien pour lui " avant même qu'il ait pu lui donner " sa version ni même [ses] pièces du dossier ". Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de " contre-enquête " du 15 décembre 2022, que l'inspectrice du travail lui a, par un courriel du même jour, répondu que les propos qu'il contestait se référaient à l'application des critères de licenciement par catégorie professionnelle, qui ne relevait pas de son contrôle mais de celui du conseil de prud'hommes. D'autre part, à la suite de l'audition du requérant qui alléguait que les catégories professionnelles avaient été déterminées artificiellement afin de permettre à la société Polygon France de ne pas reprendre son contrat de travail et que le poste " responsable décontamination Ile-de-France ", occupé par M. B..., qui a été repris par la société Polygon France, n'existait pas, l'inspectrice du travail a demandé, par une lettre du 14 juin 2022, au liquidateur judiciaire de la société Unipromotion de lui communiquer toutes les informations concernant le poste évoqué ci-dessus. La seule circonstance, invoquée en appel par M. C..., que l'inspectrice n'aurait pas tiré les conséquences " de ce que les bulletins de paie de Monsieur B... n'indiquaient pas que ce dernier accomplissait les fonctions de ''responsable décontamination Ile-de-France'' ", qui relève d'une appréciation de fond, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère contradictoire de la procédure ni à démontrer une quelconque partialité de la part de l'inspectrice.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne l'obligation de reclassement :

6. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure (...) ".

7. Si M. C... soutient que le liquidateur judiciaire de la société Unipromotion a manqué à son obligation de reclassement à son égard, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit ainsi être écarté. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le reclassement de M. C... s'est avéré impossible tant au sein de la société Unipromotion, dont le placement en liquidation judiciaire a été prononcé le 14 avril 2022 par le tribunal de commerce de Paris, que dans les autres sociétés du groupe ADN dont la nature de l'activité aurait pu permettre la permutation des salariés, qui ont également été placées en liquidation judiciaire.

En ce qui concerne l'existence d'un lien avec le mandat :

8. Il ressort des pièces du dossier que le 9 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Unipromotion et que le 14 avril 2022, il a retenu la candidature de la société Polygon France au titre de la reprise des activités de la société Unipromotion, a ordonné le transfert des contrats de travail de 56 salariés dont les postes étaient repris par la société Polygon France et a autorisé la société Unipromotion à licencier pour motif économique les 9 salariés dont les postes n'étaient pas repris par la société Polygon France, notamment le poste de superviseur des moyens de production dans l'établissement de Bonneuil-sur-Marne occupé par M. C.... Le même jour, le tribunal de commerce a placé la société Unipromotion en liquidation judiciaire.

9. D'une part, ainsi qu'il vient d'être dit, les postes devant être transférés au sein de la société Polygon France et ceux qui ne le seraient pas ont été déterminés par le tribunal de commerce dans son jugement du 14 avril 2022, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait fait l'objet d'une contestation. En tout état de cause, si M. C... soutient qu'il occupait les mêmes fonctions que les salariés occupant les postes repris par la société Polygon France de responsable décontamination Ile-de-France et de directeur de production Ile-de-France et que le poste de responsable décontamination Ile-de-France n'a jamais effectivement existé et n'a été créé qu'en vue de la cession de l'activité afin de faire obstacle au transfert de son contrat de travail, il ressort toutefois des pièces du dossier que le poste de responsable décontamination Ile-de-France existait bien au sein de l'établissement de Bonneuil-sur-Marne depuis le 31 août 2021 et que ses attributions étaient distinctes de celles du poste de superviseur des moyens de production occupé par M. C.... Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que seul un poste de directeur de production associé existait au sein de l'établissement de Paris et que ses missions étaient également clairement distinctes de celles attribuées au requérant.

10. D'autre part, la seule production d'attestations de salariés assistés par M. C... notamment dans le cadre de procédures disciplinaires diligentées à leur encontre par leur employeur, ne suffit pas pour établir l'existence d'un conflit entre celui-ci et la société Unipromotion ni, à plus forte raison, que l'ancien dirigeant de la société Unipromotion, qui fait désormais partie du comité de direction de la société Polygon, aurait " manœuvré pour éviter la reprise de M. C... ", ainsi que celui-ci l'allègue. La circonstance que son employeur ne lui versait pas le salaire minimum conventionnel, à la supposer établie, n'est pas de nature à caractériser par elle-même l'existence d'une discrimination syndicale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre du plan de cession retenu par le tribunal de commerce de Paris, neuf postes au total n'ont pas été repris par la société Polygon France. Ainsi, plusieurs salariés non protégés ont également été licenciés alors que quatre salariés protégés de la société Unipromotion ont, au contraire, bénéficié du transfert de leur contrat.

11. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'inspectrice du travail et la ministre ont retenu que la demande d'autorisation de licenciement était sans lien avec son mandat.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à Me Brunet et à la Selas Etude JP.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24PA03980, 24PA03985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03980
Date de la décision : 01/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABRAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-01;24pa03980 ?
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