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25/06/2025 | FRANCE | N°24PA02157

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 25 juin 2025, 24PA02157


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La Jonque d'Or a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 pour un montant total de 64 743 euros.



Par un jugement n° 2116879/2-3 du 22 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procéd

ure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 mai 2024, la société La Jonque d'Or, représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Jonque d'Or a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 pour un montant total de 64 743 euros.

Par un jugement n° 2116879/2-3 du 22 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2024, la société La Jonque d'Or, représentée par Me Planchat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2116879/2-3 du 22 mars 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration n'établit pas que la société a été avisée de la présentation du pli contenant l'avis de vérification de comptabilité, ni que le délai de garde prévu par la règlementation postale de quinze jours a été respecté ;

- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que la copie des fichiers informatiques de la caisse enregistreuse a été effectuée sans son consentement ;

- les impositions ne sont pas fondées dès lors que la méthode de reconstitution des recettes est excessivement sommaire et radicalement viciée ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée en l'absence d'élément établissant la volonté d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Breillon,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, représentant la société La Jonque d'Or.

Considérant ce qui suit :

1. La société La Jonque d'Or, qui a pour activité l'exploitation d'un restaurant asiatique situé 66 rue de la Tour à Paris 16ème, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Par une proposition de rectification du 18 mars 2016, le service lui a notifié des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Par la présente requête, la société La Jonque d'Or relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales :

" (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ".

3. Si le contribuable conteste que l'avis de vérification de comptabilité lui a bien été notifié, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve établissant que l'intéressé a été avisé de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste et qu'il n'a pas été retourné avant l'expiration du délai de mise en instance. Toutefois, alors même que l'administration fiscale ne serait pas en mesure de justifier du respect du délai de mise en instance du pli comportant la notification de la réponse aux observations du contribuable, celui-ci ne peut se prévaloir de ce que les conditions de notification l'auraient privé de la garantie qu'il tient des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales s'il n'établit pas, notamment par la production d'une attestation du service postal, avoir tenté, en vain, de retirer le pli en cause dans ce délai.

4. Il résulte de l'avis de réception postal que le pli recommandé contenant l'avis de vérification de comptabilité du 31 juillet 2015 a été " présenté / avisé " à la société La Jonque d'Or le 3 août 2015, qu'il n'a pas pu être remis à son représentant légal et qu'il a été retourné à l'administration en tant que " pli avisé et non réclamé ". Par les mentions précises, claires et concordantes figurant ainsi sur l'accusé de réception remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale, l'administration établit l'envoi à la contribuable de l'avis de vérification de comptabilité et la remise d'un avis de passage. Si l'administration fiscale n'établit pas, en l'espèce, le respect du délai de mise en instance, de quinze jours, du pli litigieux, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie dès lors qu'elle ne justifie, ni même n'allègue, avoir cherché à retirer, sans succès, le pli concerné dans ce délai. En tout état de cause, l'administration établit avoir procédé à un second envoi de l'avis de vérification décalant la date de la première intervention et que cet envoi a été réceptionné par la gérante Mme A... qui a signé l'avis de réception le 27 août 2015. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de vérification de comptabilité ne lui a pas été régulièrement notifié et qu'elle aurait donc été privée d'une garantie.

5. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

7. En l'espèce, la vérificatrice a adressé à la société requérante, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, un courrier daté du 29 octobre 2015 par lequel elle l'informait de son souhait de réaliser sur cette comptabilité des traitements informatiques. Puis, par courrier du 16 novembre 2015 remis en main propre à la gérante de la société, la vérificatrice a indiqué la nature des traitements informatiques envisagés en précisant que ces traitements porteraient sur un contrôle de : " 1/ la cohérence et l'exhaustivité des commandes, ventes et règlements enregistrés ; 2/ les flux matières par rapprochement entre les stocks, entrées et sorties de produits ; 3/ les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisse, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ; 4/ les montants de TVA collectée aux taux réduit et normal se rapportant aux ventes / prestations ". Le 25 novembre suivant, la gérante a indiqué opter pour l'option mentionnée au c du II de l'article L. 47 A précité consistant en la remise par la contribuable des copies nécessaires des fichiers en vue de la réalisation de chacun des traitements précités. Enfin, par courrier du 10 décembre 2015 remis en main propre à la gérante de la société, la vérificatrice a accusé réception des copies des fichiers, lesquelles ont été reproduites sur CD rom par l'administration sur le matériel de l'entreprise. Par suite, le moyen tiré de ce qu'aucune demande de fichiers informatiques n'a été adressée à la société et que ces fichiers ont été recopiés sans son consentement doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé des impositions :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales :

" Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".

9. D'une part, il n'est plus contesté en appel que la comptabilité de la société La Jonque d'Or comporte de graves irrégularités et a été écartée pour ce motif. D'autre part, par un avis en date du 17 mai 2017, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département de Paris s'est prononcée en faveur du maintien des rehaussements proposés, tant en matière d'impôt sur les sociétés qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la charge de la preuve incombe à la société requérante.

10. En second lieu, il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société La Jonque d'Or le service vérificateur a appliqué un coefficient de minoration de 37,5 % calculé à partir d'une comparaison entre les données informatiques de la caisse enregistreuse du restaurant et les notes des clients, au cours de quatre mois de l'année 2014. Ce coefficient de minoration a été extrapolé à l'ensemble des exercices 2013 et 2014. Pour critiquer la méthode ainsi utilisée, la société requérante, qui au demeurant ne propose aucune méthode alternative, oppose que les coefficients de minoration des recettes relevés au cours de chacun des quatre mois sont totalement disparates et ne sont dès lors pas significatifs. Toutefois, d'une part, en l'absence de données comptables fiables et de l'effacement des données de la caisse enregistreuse pour l'exercice 2013, l'administration pouvait valablement recourir à la méthode de reconstitution des recettes par extrapolation. D'autre part, la société n'établit, ni n'allègue, que les conditions d'exploitation auraient varié au cours des années 2013 et 2014. Elle n'établit pas non plus que les mois choisis de janvier, mars, juillet et octobre de l'année 2014 répartis sur l'ensemble des saisons ne seraient pas représentatifs de l'activité de l'entreprise au cours de la période litigieuse. Enfin, si la requérante soutient que les données utilisées par le service et issues de la caisse enregistreuse tiennent compte de notes et bons de commandes enregistrés par les serveuses du restaurant pour s'entrainer à utiliser la caisse, elle ne l'établit pas alors même que l'administration relève que certaines notes sont manquantes après le départ de la serveuse en cause et avant l'arrivée d'une nouvelle serveuse. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester le bien-fondé des impositions en litige.

Sur le bien-fondé des pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :

/ a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que pour établir l'existence d'un manquement délibéré de la société requérante, l'administration fiscale s'est fondée, d'une part, sur les omissions de recettes pour des montants importants correspondant au titre des années 2013 et 2014 à respectivement 38 % et 42 % des chiffres d'affaires initialement portés sur les déclarations de résultat et de taxe sur la valeur ajoutée. En outre, l'administration fait valoir, sans être démentie, que la gérante tenait des tableaux mensuels qu'elle transmettait au cabinet comptable et ne pouvait donc ignorer les écarts entre les recettes encaissées et celles déclarées. D'autre part, l'administration établit le caractère intentionnel des omissions de recettes en se fondant sur le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité et l'effacement des données de la caisse enregistreuse pour l'exercice de l'année 2013. Enfin, si la requérante se prévaut du fait que la méthode de reconstitution utilisant la pesée du riz n'a pas permis d'établir une omission de recettes, démontrant ainsi l'absence d'intention frauduleuse, il résulte de l'instruction que cette méthode n'a pas été utilisée en raison de l'absence de réponse de la majorité des fournisseurs suite aux droits de communication effectués. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Jonque d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société La Jonque d'Or est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Jonque d'Or et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- Mme Breillon, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.

La rapporteure,

A. BREILLONLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 24PA02157 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02157
Date de la décision : 25/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Anne BREILLON
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-25;24pa02157 ?
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