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20/06/2025 | FRANCE | N°24PA05288

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 20 juin 2025, 24PA05288


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 28 juin 2024 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.



Par un jugement n° 2408452 du 17 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 20 décembre 2024, M. C.

.., représenté par Me David, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2024 ;



2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 28 juin 2024 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2408452 du 17 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2024, M. C..., représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat ou du ministre de l'intérieur une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est dépourvu de toute signature ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en ce que le ministre de l'intérieur n'a pas informé le procureur de la République territorialement compétent et le procureur de la République antiterroriste, ainsi que le prévoient les dispositions des articles L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure ;

- les éléments énoncés dans la décision pour justifier l'édiction de la mesure ne sont pas matériellement établis et ne permettent de caractériser ni une menace qui serait particulièrement grave et toujours d'actualité pour l'ordre et la sécurité publics, ni son adhésion actuelle à des thèses incitant à la commission d'actes terroristes ;

- il ne peut lui être reproché d'avoir côtoyé en détention des personnes mises en cause dans des affaires de terrorisme dès lors que c'est l'administration pénitentiaire elle-même qui l'a mis en contact avec ces personnes ;

- la mesure édictée est disproportionnée en ce qu'elle menace ses possibilités de formation professionnelle et, plus généralement, ses chances retrouver un emploi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2025.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris, sur le fondement des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, à l'encontre de M. C... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance lui interdisant, pendant trois mois, de se déplacer en dehors de la commune de Vaux-le-Pénil sans avoir préalablement obtenu une autorisation écrite, de se présenter une fois par jour, à 10 heures au commissariat de Melun et de confirmer et justifier son lieu d'habitation. M. C... relève appel du jugement du 17 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen de la copie de la minute du jugement attaqué transmise à la Cour qu'elle comporte les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté ministériel :

3. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article

L. 228-1 de : 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre (...) ". Aux termes de l'article

L. 228-6 du même code : " Les décisions du ministre de l'intérieur prises en application des articles L. 228-2 à L. 228-5 sont écrites et motivées. ".

4. En premier lieu, la circonstance que le ministre de l'intérieur n'aurait pas informé le procureur de la République territorialement compétent et le procureur de la République antiterroriste, ainsi que le prévoient les dispositions précitées, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que cette information ne constitue pas une procédure préalable obligatoire conditionnant la légalité d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier, de la note des services de renseignements, précise et circonstanciée, produite par le ministre de l'intérieur, que l'itinéraire de M. C... est marqué par la violence, ce dernier ayant tué son père de vingt-quatre coups de couteau en 2011 et ayant été condamné pour ces faits, le 27 juin 2014, par la cour d'assises de Paris à une peine de quinze ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de 7 ans et

6 mois. Le 23 juin 2014, alors qu'il était extrait de sa cellule pour se rendre à une consultation médicale à l'hôpital Cochin, il a agressé des personnels pénitentiaires ainsi qu'un infirmier, au moyen d'une arme blanche préalablement dissimulée et a été condamné pour ces faits, le 7 novembre 2014, par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de 30 mois d'emprisonnement dont 15 mois avec sursis simple, avec maintien en détention, pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours. Lors de sa détention à la maison centrale de Poissy de janvier 2016 à novembre 2021, il s'est intégré à un groupe d'individus dont certains étaient incarcérés pour des faits de terrorisme, en particulier M. D... A..., issu de la filière dite " Strasbourg", qui était incarcéré pour des faits d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste, et MM. Mouhamad Diallo et Hosni Es Sediri, tous deux condamnés pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste, ces rapprochements ne pouvant être sérieusement imputés à l'administration pénitentiaire, contrairement à ce que soutient l'intéressé. Il n'est pas davantage sérieusement contesté que, compte tenu de ses fréquentations et de l'adoption d'une pratique rigoriste de la religion musulmane, M. C... a été placé au quartier d'évaluation de la radicalisation du centre pénitentiaire de Fleury Mérogis où il s'est montré réfractaire à l'évaluation, refusant toute audience, s'enfermant dans un mutisme total et occupant la majeure partie de son temps à prier, faire du sport et regarder la télévision. Le 13 février 2022, après son retour à la maison centrale de Poissy, il s'est introduit dans la cellule d'un détenu ayant eu des propos qu'il jugeait outrageants sur l'islam puis l'a traîné au sol jusqu'au niveau des douches. Il a été sanctionné pour ces faits, le 15 février 2022, à 5 jours de cellule disciplinaire, dont 2 en prévention. Son attitude de radicalisation s'est confirmée après son transfert par mesure d'ordre et de sécurité au centre pénitentiaire de Meaux. Le rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation du 17 novembre 2022 produit par l'intéressé précise que la récente expertise psychiatrique déligentée a certes admis que M. C... avait pris conscience de la gravité des faits et a noté à ce titre une évolution mais n'a pas éliminé toute dangerosité criminologique. Après sa libération le 23 mars 2023, il a refusé, dans le cadre de son suivi judiciaire, de donner des informations d'ordre personnel, notamment son numéro de téléphone et toute information sur ses habitudes de vie. Il a également refusé de préciser s'il était encore en contact avec les individus condamnés pour terrorisme qu'il a fréquentés en détention. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pu légalement retenir que M. C... devait être regardé, à la date de la décision attaquée, comme remplissant la condition tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics que son comportement constitue et comme entretenant des relations avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté contesté au regard des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure doit être écarté.

7. En dernier lieu, si M. C... soutient que la mesure édictée est disproportionnée en ce qu'elle menace ses possibilités de formation professionnelle et, plus généralement, ses chances de retrouver un emploi, il n'établit pas s'être inscrit dans une réelle démarche de recherche d'emploi à la date de la décision contestée, en dépit des formations suivies en détention, de la signature de plusieurs contrats à durée déterminée de très courte durée et de l'inscription à une formation fin 2024, postérieurement à la décision en cause, et il lui était loisible de se faire délivrer des autorisations de sortie à condition d'en avoir fait préalablement la demande, sans que l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure ne crée un droit absolu au bénéfice d'un aménagement des obligations pesant sur les personnes faisant l'objet d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des éléments retenus au point 4 du présent arrêt, et compte tenu du caractère temporaire de la mesure ainsi que du contexte de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques, la décision contestée, quand bien même sa durée d'application s'étend au-delà de la durée des jeux Paralympiques, ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir et au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions, y compris celles relatives aux frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUELa greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA05288 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA05288
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-20;24pa05288 ?
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