Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 février 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.
Par un jugement n° 2402125 du 4 mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2024, M. B..., représenté par Me David, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté du 9 février 2024 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, faute de signature de sa minute, conformément à l'article R.741-7 du code de justice administrative ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure ;
- la mesure prise à son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et revêt un caractère disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 17 décembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, prononcé à l'encontre de M. B..., de nationalité française, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance pour une durée de trois mois, ayant pour objet, en premier lieu, de lui interdire de se déplacer en dehors de la commune de Sevran (93) sans autorisation préalable écrite, en deuxième lieu, de l'obliger à se présenter dans un commissariat de police de cette commune une fois par jour à 9 heures, tous les jours, y compris les dimanches, jours fériés ou chômés, en troisième lieu, de confirmer et de justifier de son lieu d'habitation auprès du commissariat dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêté ainsi que de tout changement ultérieur de son lieu d'habitation auprès du commissariat dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêté et, en dernier lieu, de lui interdire de se trouver en relation, pour une durée de six mois, directe ou indirecte, avec six personnes nommément désignées. M. B... relève appel du jugement n° 2402125 du 4 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 17 décembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressé tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de ces dispositions que seule la minute du jugement est signée, à l'exclusion de l'ampliation délivrée aux parties. En l'espèce, la minute signée est conservée au dossier du tribunal et a été transmise à la Cour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité du jugement attaqué sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". L'article L. 228-2 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. (...) "
5. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
6. D'une part, il est constant que M. B... a été condamné, le 17 janvier 2020, par la cour d'assises spéciale de Paris, à une peine de douze ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté des deux tiers pour avoir participé, en 2014 et en 2015, à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime d'atteinte aux personnes et qu'il a été sanctionné, le 17 mai 2021, au cours de sa détention. S'il se prévaut d'un jugement du tribunal d'application des peines de Paris du 27 octobre 2023 l'admettant à la libération conditionnelle, qui ne retient pas les propos qui lui ont été attribués au cours de sa détention, ainsi que des expertises psychiatriques et d'une évaluation pluridisciplinaire, ces seuls éléments ne permettent pas de sérieusement remettre en cause les faits contenus dans la note des services de renseignements produite en première instance, précise et circonstanciée, faisant état de la tenue de propos radicalisés au cours de sa détention ainsi que de son comportement au cours de
celle-ci démontrant son ancrage idéologique. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pu légalement estimer qu'il y avait, à la date de la décision attaquée, des raisons sérieuses de penser que le comportement de
M. B... constituait encore une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics.
7. D'autre part, M. B... n'apporte aucun élément de nature à sérieusement contester les faits précis et circonstanciés contenus dans la note des services de renseignements, qui relève, outre sa fréquentation, lors de sa détention, de détenus nommément désignés et connus pour leur radicalisation, une reprise de contact rapidement après sa sortie de détention avec le frère d'un combattant djihadiste parti sur la zone syro-irakienne condamné à trente ans d'emprisonnement. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, et compte tenu du contexte international et national où la menace terroriste demeure élevée, particulièrement au moment de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pu légalement estimer que M. B..., à la date de la décision contestée, entretenait encore des relations habituelles avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, et qu'il soutenait et adhérait à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure doit être écarté.
9. En second lieu, si M. B... soutient que la décision contestée revêt un caractère disproportionné dès lors que la mesure prononcée à son encontre ne lui permet pas de poursuivre les démarches qu'il avait entreprises en vue de sa réinsertion professionnelle, il lui était loisible de se faire des délivrer des autorisations de sortie à condition d'en avoir fait préalablement la demande. Il ressort ainsi des pièces du dossier que plusieurs sauf- conduits lui ont été accordés. Ainsi notamment, par un arrêté du 3 avril 2024, il a été autorisé à se rendre à un entretien d'embauche à Aulnay-sous-Bois (93) le 4 avril 2024, par un arrêté du 16 avril 2024, à un rendez-vous au sein des locaux d'Emmaüs Connect le 24 avril 2024 afin d'obtenir un téléphone et un ordinateur, sur orientation de son conseiller France Travail, et par un autre arrêté du 16 avril 2024, à un salon de la réinsertion, de la formation et de l'emploi à Aubervilliers (93) le 25 avril 2024. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du caractère disproportionné de la mesure doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais de l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°24PA04666 2