Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la commune de Faa'a à lui verser une indemnité de 993 940 francs CFP au titre de la promesse non tenue de lui accorder une indemnité correspondant à quatre mois de salaire brut, une indemnité de 2 063 236 francs CFP au titre d'une perte de rémunération et une indemnité de 200 000 francs CFP au titre du préjudice moral.
Par un jugement n° 2200964 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 septembre 2023 et 21 mai 2024, M. B..., représenté par Me Fidèle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2023 ;
2°) de condamner la commune de Faa'a à lui verser une indemnité de 993 940 francs CFP au titre de la promesse non tenue de lui accorder une indemnité correspondant à quatre mois de salaire brut, une indemnité de 2 063 236 francs CFP au titre d'une perte de rémunération et une indemnité de 200 000 francs CFP au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Faa'a une somme de 200 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens tirés de l'autorité de la chose jugée et du défaut de liaison du contentieux, opposés par la commune de Faa'a en défense, ne sont pas fondés ;
- la commune de Faa'a, qui a institué, par une délibération du 6 novembre 2018, un plan incitatif de départ à la retraite, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de lui verser, alors qu'il était éligible à ce dispositif, l'indemnité correspondant à quatre mois de salaire brut, prévue par cette délibération, en cas de cessation volontaire d'activité ;
- il a subi un préjudice matériel, causé par cette promesse non tenue, qu'il évalue à hauteur de 993 940 francs CFP, soit le montant de quatre mois de son dernier salaire brut ;
- il a subi un préjudice moral, imputable à la promesse non tenue, qu'il évalue à hauteur de 200 000 francs CFP ;
- il a subi un préjudice matériel, résultant de la différence entre le salaire brut qu'il aurait perçu s'il était resté en activité jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite et sa pension de retraite brute perçue au titre de la même période, qu'il évalue à hauteur de 2 063 236 francs CFP, ce préjudice pouvant être également assimilé à une perte de chance.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 et 22 mars 2024, la commune de Faa'a, représentée par Me Neuffer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 150 000 francs CFP soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel de M. B... est irrecevable en ce qu'elle est tardive ;
- les conclusions d'appel de M. B... tendant à l'indemnisation d'une perte de rémunération et d'un préjudice moral sont irrecevables en ce qu'elles sont nouvelles en appel ;
- la demande de première instance de M. B... est irrecevable en ce que, d'une part, l'autorité relative de la chose jugée par le tribunal administratif de la Polynésie française dans le jugement n° 19000433 du 8 décembre 2020, confirmé par la cour administrative d'appel de Paris, y fait obstacle, et en ce que, d'autre part, la demande préalable ne comportait aucune demande d'indemnisation d'une perte de rémunération et d'un préjudice moral ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue, en dernier lieu, le 12 août 2024.
Un mémoire présenté pour la commune de Faa'a a été enregistré le 24 septembre 2024, soit postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 ;
- le décret n° 2011-1551 du 15 novembre 2011 ;
- la loi du pays n° 2019-6 du 1er février 2019 ;
- l'arrêté n° HC 1192 DIPAC du 25 août 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par la délibération n° 891/2018 du 6 novembre 2018, modifiée par la délibération n° 909/2018 du 14 décembre 2018, la commune de Faa'a (Polynésie française) s'est engagée, dans le cadre d'un plan d'incitation au départ volontaire à la retraite, à verser à ses agents communaux, en contrepartie d'une cessation volontaire de leur activité, une indemnité correspondant à quatre mois de salaire brut (ou ci-après l'indemnité de départ volontaire). Par un courrier reçu en mairie le 16 avril 2019, M. B..., employé par la commune de Faa'a en qualité d'aide ouvrier relevant de la convention collective de travail des agents non fonctionnaires de l'administration de la Polynésie française (ANFA) du 10 mai 1968, a sollicité la cessation de son activité, ainsi que le bénéfice de l'indemnité de départ volontaire. Par un arrêté du 25 avril 2019, le maire de la commune de Faa'a a accepté la cessation d'activité volontaire de M. B... à compter du 1er juin 2019. En revanche, il doit être regardé comme ayant rejeté, par un courrier du 23 septembre 2019, la demande de M. B..., réitérée par un courrier adressé au maire le 20 août 2019, tendant au versement de l'indemnité de départ volontaire au motif que les services du haut-commissariat de la République en Polynésie française lui ont demandé de procéder au retrait de la délibération du 6 novembre 2018 et à l'abrogation de celle du 14 décembre 2018 en raison de leur illégalité. Le 28 novembre 2019, M. B... a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à ce que la commune de Faa'a soit condamnée à lui verser une indemnité correspondant à quatre mois de salaire brut, ainsi qu'une somme de 200 000 francs CFP au titre du préjudice moral, en réparation de la faute commise par la commune de ne pas avoir respecté son engagement de lui verser l'indemnité prévue par la délibération du 6 novembre 2018. Par un jugement n° 19000433 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande au motif que, si la commune, en prenant une délibération accordant en dehors du cadre statutaire une indemnité de départ volontaire à M. B..., puis en la retirant de l'ordonnancement juridique en raison de son illégalité, l'a induit en erreur et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, l'intéressé ne peut toutefois se prévaloir d'aucun préjudice indemnisable, la délibération du 6 novembre 2018 n'ayant pu, en raison de son illégalité, lui conférer aucun droit à indemnité, et le préjudice moral imputable à la promesse non tenue de la commune n'étant pas établi. Par un arrêt n° 21PA01206 du 1er juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de M. B... dirigé contre ce jugement au motif que sa demande de première instance, qui tendait à la réparation des conséquences dommageables de la faute commise par la commune à raison des préjudices résultant de sa promesse non tenue de lui verser une indemnité de départ volontaire, était irrecevable dès lors que l'intéressé a seulement sollicité, au stade de sa demande préalable, l'application de la délibération du 6 novembre 2018 et n'a invoqué aucune faute de la commune pour obtenir le versement de l'indemnité prévue par cette délibération. Par un courrier du 27 juillet 2022, M. B... a demandé au maire de la commune de Faa'a que celle-ci l'indemnise d'un double préjudice financier résultant, d'une part, de l'absence de versement de l'indemnité de départ volontaire promise et, d'autre part, de son départ anticipé à la retraite qui, selon l'intéressé, n'aurait pas eu lieu s'il n'avait pas été induit en erreur par le dispositif illégal mis en place par la commune. Une décision implicite de rejet est née dans le silence gardé pendant plus de deux mois par le maire sur cette nouvelle demande. M. B... fait appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Faa'a l'indemnise, d'une part, de la promesse non tenue de lui verser l'indemnité de départ volontaire prévue par la délibération du 6 décembre 2018, d'autre part, du préjudice moral résultant du non-respect de cette promesse et, enfin, de sa perte de rémunération liée à son départ anticipé à la retraite.
2. Comme il vient d'être dit au point précédent, la commune de Faa'a s'est engagée, par l'article 1er de la délibération du 6 novembre 2018, à verser à tout membre de son personnel une indemnité de départ volontaire, d'un montant correspondant à quatre mois de salaire brut, en contrepartie d'une cessation volontaire de son activité au sein des services de la commune. La commune de Faa'a, dont le maire a accepté, par un arrêté du 25 avril 2019, la cessation d'activité volontaire de M. B... à compter du 1er juin 2019, ne lui a versé aucune indemnité de départ volontaire.
3. Toutefois, le requérant n'établit pas qu'il existerait un lien de causalité direct et certain entre l'engagement non tenu de la commune de verser une indemnité de départ volontaire, contenu dans la délibération du 6 novembre 2018, à le supposer même fautif, et les divers préjudices qu'il invoque. En effet, il ne résulte pas de l'instruction que sa demande de mise à la retraite anticipée avait pour cause déterminante l'engagement de la commune de lui verser une telle indemnité, dès lors que, d'une part, l'intéressé n'a pas demandé au maire, comme il était en droit de le faire, de retirer l'arrêté du 25 avril 2019 prononçant sa mise à la retraite à compter du 1er juin 2019 alors que la commune doit être regardée comme ayant rejeté, par un courrier du 23 septembre 2019, sa demande tendant au versement d'une indemnité de départ volontaire en raison de l'illégalité de celle-ci et que, d'autre part, à la date du 1er juin 2019, il aurait pu rester en activité jusqu'au 31 octobre 2021, dernier jour du mois au cours duquel il aurait atteint l'âge de soixante ans, ce qui lui était financièrement plus favorable.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir ni d'examiner l'exception d'autorité de chose jugée opposées par la commune de Faa'a, que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Faa'a, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de Faa'a, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Faa'a présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Faa'a.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-RepusseauLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03948