Vu la procédure suivante :
Par un arrêt avant-dire droit du 26 septembre 2024, la cour, avant de statuer sur la requête de M. D..., a ordonné un supplément d'instruction aux fins de permettre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de produire tous éléments, appuyés de pièces justificatives, de nature à caractériser et établir le lieu du centre des intérêts matériels et moraux, en 2021, de MM. F..., J..., G... et E....
Par des mémoires enregistrés le 25 novembre 2024 et le 21 janvier 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2024, M. D..., représenté par Me Pitti-Ferrandi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2114377/5-3 du 29 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa candidature au sein du secrétariat général pour l'administration de la police de La Réunion dans le cadre du mouvement polyvalent des personnels actifs de la police nationale au titre de l'année 2021 ;
3°) d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a fait droit aux demandes de mutations de M. K... F..., de M. H... I..., de M. L... J..., de M. B... G... et de M. C... E... ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa mutation au sein du secrétariat général pour l'administration de la police de La Réunion dans un délai d'un mois ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa candidature n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- la décision rejetant sa demande de mutation est entachée de détournement de pouvoir ;
- en l'absence de preuve que les candidatures de MM. F..., I..., J..., G... et E... avaient plus de mérites que la sienne, la décision de rejet de sa demande ainsi que les décisions accordant une mutation à ces agents sont entachées d'erreur de fait ;
- il est le seul à justifier que le centre de ses intérêts matériels et moraux se situait à la date de la décision attaquée à La Réunion et que sa candidature était prioritaire ;
- sa manière de servir fait l'objet d'évaluations aussi ou plus favorables que celles des 5 agents ayant obtenu une affectation à La Réunion ;
- compte tenu de son ancienneté, des responsabilités exercées et de ses évaluations, la décision refusant de lui octroyer la mutation demandée est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pitti-Ferrandi pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., brigadier de police affecté à la direction de la police aux frontières à l'aéroport d'Orly, a sollicité le 23 novembre 2020, dans le cadre du mouvement de mutation polyvalent au titre de l'année 2021, sa mutation à compter du 1er septembre 2021 à La Réunion. Par un télégramme du
4 mai 2021, le ministre de l'intérieur a diffusé la liste des agents mutés notamment à La Réunion, dont ne faisait pas partie M. D.... En conséquence M. D... a demandé au tribunal d'annuler la décision implicite, révélée par ce télégramme, par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation, ainsi que des décisions portant mutation à La Réunion de M. F..., de M. I..., de M. J..., de M. G... et de M. E.... M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " I. - L'autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service. II. - Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités instituées à l'article 62 bis, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée : 1° Au fonctionnaire séparé de son conjoint pour des raisons professionnelles, ainsi qu'au fonctionnaire séparé pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité s'il produit la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ; 2° Au fonctionnaire en situation de handicap relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail ; 3° Au fonctionnaire qui exerce ses fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ; 4° Au fonctionnaire qui justifie du centre de ses intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie ; 5° Au fonctionnaire, y compris relevant d'une autre administration, dont l'emploi est supprimé et qui ne peut être réaffecté sur un emploi correspondant à son grade dans son service. (...) V. Dans les administrations ou services dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, les mutations peuvent être prononcées dans le cadre de tableaux périodiques de mutations. Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques, l'autorité compétente peut procéder à un classement préalable des demandes de mutation à l'aide d'un barème rendu public. Le recours à un tel barème constitue une mesure préparatoire et ne se substitue pas à l'examen de la situation individuelle des agents. Ce classement est établi dans le respect des priorités définies au II du présent article ".
3. Lorsque dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre du mouvement, l'administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d'une part, de l'intérêt du service, d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 précité de la loi du 11 janvier 1984. L'administration doit également tenir compte de l'ancienneté dans le corps, de l'expérience professionnelle et du grade des candidats ainsi que des caractéristiques du poste à pourvoir. L'imputation de points à un " barème " concernant le mouvement annuel des fonctionnaires de police n'a pas pour objet et ne saurait avoir eu pour effet de priver l'autorité de nomination du pouvoir d'appréciation qui lui appartient dans l'intérêt du service, en lui imposant de pourvoir aux postes vacants dans l'ordre de ce barème, ce dernier n'ayant qu'un caractère indicatif.
4. Pour apprécier la localisation du centre des intérêts moraux et matériels d'un fonctionnaire il peut être tenu compte de son lieu de naissance, du lieu où se trouvent sa résidence et celle des membres de sa famille, du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d'épargne ou de comptes postaux, ainsi que d'autres éléments d'appréciation parmi lesquels le lieu du domicile avant l'entrée dans la fonction publique de l'agent, celui où il a réalisé sa scolarité ou ses études, la volonté manifestée par l'agent à l'occasion de ses demandes de mutation et de ses affectations ou la localisation du centre des intérêts moraux et matériels de son conjoint ou partenaire au sein d'un pacte civil de solidarité et il incombe ainsi à l'administration d'apprécier la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un fonctionnaire sur la base d'un faisceau d'indices.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments probants produits par le ministre de l'intérieur suite à l'arrêt avant-dire droit du 26 septembre 2024, qu'hormis la candidature de M. I... qui était prioritaire à raison d'un rapprochement de conjoints, les quatre autres agents ayant obtenu leur mutation à La Réunion au 1er septembre 2021 avaient comme M. D..., à la date de la décision attaquée, le centre de leurs intérêts matériels et moraux à La Réunion et que leur situation familiale, marié avec un ou plusieurs enfants, était comparable à celle de M. D....
6. Il ressort ensuite des pièces produites par le ministre de l'intérieur que les candidatures de MM. F..., J..., G... et E... ont été appréciées comme plus favorables à l'intérêt du service compte tenu des caractéristiques des postes à pourvoir, de la notation obtenue par ces agents dont il n'est pas contesté qu'elle était supérieure à celle de M. D... sur les années 2018, 2019 et 2020, de leurs habilitations et de leur expérience dans des fonctions d'encadrement. En se bornant à se prévaloir des lettres de félicitations individuelles dont il a bénéficié, d'une ancienneté supérieure à celle de M. F... ainsi que du nombre de ses demandes de mutation à La Réunion, M. D... n'établit pas que la décision refusant de lui accorder la mutation sollicitée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. H... I..., à M. L... J..., à M. K... F..., à M. B... G... et à M. C... E....
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- Mme Zeudmi-Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
La rapporteure
P. HamonLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. BuotLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01793