Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Proptech a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2102508 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la SARL Proptech.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juillet 2024 et 4 mars 2025, la SARL Proptech, représentée par Me Rarivoson, avocat, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2102508 du tribunal administratif de Melun en date du 7 mai 2024 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- les factures litigieuses, qui sont précises et détaillées, ne sont pas des factures de complaisance, les sociétés les ayant établies ayant été ses sous-traitantes sur des chantiers de nettoyage de chantiers et ayant effectivement réalisé les prestations facturées ; en tout état de cause, elle n'avait aucun moyen de savoir que ces factures étaient de complaisance ; la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures est dès lors déductible ;
- les pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ne sont en tout état de cause pas justifiées, en l'absence d'intention délibérée d'échapper à l'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Proptech ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Rarivoson, avocat de la SARL Proptech.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Proptech, qui exerce une activité de prestation de services de nettoyage, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. A l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2014 et 2015, majorés des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré de 40 % sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Ces impositions résultent notamment de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures de sous-traitance, pour un montant total de 77 915 euros en 2014 et 17 145 euros en 2015, le service ayant considéré que ces factures étaient de complaisance et que la SARL Proptech ne pouvait pas l'ignorer. La SARL Proptech relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Melun en date du 7 mai 2024 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels correspondant à ce chef de rectification, ainsi que des majorations s'y rapportant.
2. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 24 juillet 2017, que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur plusieurs factures établies en 2014 et en 2015 par les sociétés Réseau France Nettoyage, Détai Net Services, Idéal Propreté, LSN, Maknet et Seddi Bat, qui étaient régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés. Le ministre fait valoir sans être contesté que ces sociétés étaient toutes défaillantes, depuis leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés, au regard de leurs obligations déclaratives et de paiement en matières fiscale et sociale, et que la SARL Proptech n'a d'ailleurs présenté ni leurs attestations fiscales, ni leurs attestations sociales, en dépit des obligations résultant de la législation du travail. Il fait également valoir que ces sociétés ne disposaient pas des moyens matériels, financiers et humains nécessaires pour réaliser les prestations facturées, qu'elles étaient toutes de création récente et que la société Seddi Bat, entreprise artisanale de travaux de revêtement des sols et des murs, est située à Toulouse alors que la SARL Proptech exerce son activité de prestation de services de nettoyage en Île-de-France. Il se prévaut enfin du caractère imprécis et succinct des libellés des factures et de l'absence de production par la société requérante, au cours des opérations de contrôle, de documents commerciaux, tels que devis, échanges de courriers, contrats de sous-traitance ou plannings. Les éléments dont se prévaut ainsi le ministre sont de nature à établir que les factures en litige constituent des factures de complaisance et que la société requérante ne pouvait pas l'ignorer.
4. Pour contester la remise en cause de la déduction de la taxe figurant sur les factures établies en 2014 et en 2015 par les sociétés Réseau France Nettoyage, Détai Net Services, Idéal Propreté, LSN, Maknet et Seddi Bat, la SARL Proptech produit une partie des factures établies en 2014 par la société Idéal Propreté et en 2015 par la société LSN. Alors que les seules factures de la société Idéal Propreté considérées comme étant de complaisance ont été établies à raison de prestations réalisées en 2014, elle produit également un contrat de sous-traitance conclu avec cette société en janvier 2015, une facture établie par cette même société le 5 janvier 2015 et des attestations rédigées pour les besoins de la cause plusieurs années après la période en litige et qui, en tout état de cause, évoquent des prestations qu'elle aurait réalisées en sous-traitance en 2015. La SARL Proptech produit par ailleurs des échanges de courriers électroniques d'octobre 2014, mars 2015 et octobre 2015, un courrier adressé le 12 février 2014 à la société Cimaad-Net Plus, des factures qu'elle a elle-même adressées à ses clients au cours de l'année 2014, un extrait KBis de la société Maknet, des documents établis par la société LSN en mars 2015, une facture établie le 30 septembre 2015 par la société Clean Net France, une facture non datée établie par la société De Tai Net Services et un courrier électronique qu'elle aurait adressé à la société Idéal Propreté pour la transmission d'un planning d'intervention, mais ces documents ne contiennent aucune information utile relative aux prestations en litige. La SARL Proptech verse enfin au dossier des documents intitulés " planning d'intervention journalier " pour les journées des 1er au 4, 7 au 12, 15 au 18 et 21 au 31 juillet 2014, 5 au 8, 12, 26, 27 et 29 août 2014, 1er, 2, 3, 6, 7 au 11, 13 au 18, 20 au 24 et 27 au 31 octobre 2014, 5, 9, 10, 11, 19 et 25 mars 2015 et 23 septembre 2015, mais ces documents, produits pour la première fois en appel et sans date certaine, sont dépourvus de force probante. Ainsi, la SARL Proptech n'apporte aucune justification utile sur les prestations en litige.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la SARL Proptech n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a considéré comme étant de complaisance les factures établies en 2014 et 2015 par les sociétés Réseau France Nettoyage, Détai Net Services, Idéal Propreté, LSN, Maknet et Seddi Bat et, par suite, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ces factures.
6. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre (...) de la taxe sur la valeur ajoutée (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ".
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 5 que la SARL Proptech a déduit la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures établies en 2014 et 2015 par les sociétés Réseau France Nettoyage, Détai Net Services, Idéal Propreté, LSN, Maknet et Seddi Bat, alors que ces factures étaient de complaisance et qu'elle ne pouvait pas l'ignorer, notamment en sa qualité de professionnel expérimenté du domaine d'activité concerné. L'administration fiscale, qui se prévaut de ces circonstances, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, conformément à l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée de la SARL Proptech de se soustraire à l'impôt dû et, par suite, comme établissant le bien-fondé des pénalités de 40 % pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Proptech n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels en litige, ainsi que des majorations correspondantes. Les conclusions à fins de décharge et d'annulation de la SARL Proptech doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Proptech est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Proptech et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 13 juin 2025.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03134