Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par un jugement n° 2305262 du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2024, Mme F..., représentée par Me de Clerck, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2024, le préfet de la Seine-Saint Denis conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Un mémoire en observations, enregistré le 23 décembre 2024, a été présenté par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et communiqué aux parties.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- et les observations de Me de Clerck, pour Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante marocaine née en 1988, a obtenu, en raison de son état de santé, une carte de séjour temporaire à compter du 26 juin 2019 pour une durée d'un an, puis, à compter du 2 décembre 2020, une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 1er décembre 2022. Le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui a été refusé par un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 mars 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme F... relève appel du jugement du 12 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code, applicable au présent litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. En l'espèce, il est constant que l'état de santé de Mme F... nécessite une prise en charge dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, par un avis du 2 février 2023, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que le traitement que requiert l'état de santé de Mme F... existe dans son pays d'origine et qu'elle peut y être prise en charge. Il ressort à cet égard des observations produites par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que le traitement nécessaire à Mme F..., qui a bénéficié d'une transplantation rénale le 7 août 2020 et souffre d'un diabète de type I, est disponible au Maroc, et notamment, s'agissant du suivi de la transplantation, au centre hospitalo-universitaire Ibn Rochd à Casablanca, conformément aux informations disponibles sur la base de données dite " MedCOI " (Medical Country of Origin Information). Les certificats médicaux produits par Mme F... pour établir l'indisponibilité de son traitement, émanant du docteur B..., spécialiste en endocrinologie diabétologie et maladie métabolique au centre médical de Stalingrad, du docteur C..., médecin coordinateur de l'association Diagonale Ile-de-France et du docteur E..., médecin généraliste, s'ils attestent de l'impérieuse nécessité d'un suivi rigoureux de Mme F... d'un traitement immunosuppresseur afin d'éviter tout rejet du greffon, ne font état que des doutes sérieux émis par ces praticiens quant à la disponibilité effective d'un tel suivi au Maroc. Si le docteur D..., néphrologue à l'hôpital Tenon, considère quant à elle que le traitement immunosuppresseur dont bénéficie Mme F... n'est pas disponible au Maroc, elle n'assortit toutefois cette affirmation d'aucune précision ni d'aucune indication permettant de remettre en cause utilement l'appréciation portée, à deux reprises, par un collège de médecins disposant de bases de données spécialisées. Par ailleurs, Mme F... ne fait état d'aucun élément, notamment sur les ressources dont elle pourrait disposer dans son pays d'origine, de nature à établir que, compte tenu notamment du coût du traitement et du régime d'assistance médicale existant au Maroc, elle serait dans l'impossibilité financière de se procurer le traitement que requiert son état de santé. Une telle impossibilité de disposer effectivement d'un traitement approprié ne saurait être davantage établie par des articles de presse témoignant des difficultés que rencontre, de manière générale, le système de santé marocain dans la prise en charge des personnes souffrant de diabète ou dans le suivi des transplantations rénales. Dans ces conditions, en refusant de renouveler son titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Il ressort des pièces du dossier que Mme F..., entrée en France en octobre 2017, y réside régulièrement depuis le 26 juin 2019 en sa qualité d'étranger malade, laquelle ne lui confère pas, en tant que telle, vocation à une installation durable sur le territoire. Célibataire et sans charge de famille à la date de la décision attaquée, Mme F... ne faisait, à cette date, état d'aucune attache familiale sur le territoire ni même d'une intégration particulière, en dépit d'un emploi de vendeuse depuis le 31 mars 2023. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que ses parents et les membres de sa fratrie vivent au Maroc, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Par ailleurs, si Mme F... fait état d'une relation de concubinage avec un ressortissant étranger, en situation régulière sur le territoire, de laquelle est issu un enfant né le 7 décembre 2024, ces circonstances sont postérieures à la date de l'arrêté contesté et par suite sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de Mme F... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs de fait et compte tenu de ce qui a été exposé au point 3, il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle de la requérante.
5. Enfin, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le requérant ne peut utilement soutenir, indépendamment de la discussion du bien-fondé de la solution apportée au litige, que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copies en seront adressées au préfet de la Seine-Saint-Denis et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2025.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02105 2