Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ou de suspendre l'arrêté du 22 novembre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2328779 du 7 février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande après l'avoir admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 mars et 19 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Aslanian, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas répondu à sa demande de suspension de l'arrêté dans l'attente de la décision à intervenir de la Cour nationale du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié par décision du 21 février 2024 ;
- il est exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Russie, ainsi qu'en atteste la convocation pour le 20 novembre 2023 dont il fait l'objet de la part du commissariat militaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2024, le préfet de police conclut à ce qu'il soit prononcé un non-lieu sur la requête de M. A....
Il soutient que le requérant s'étant vu reconnaitre la qualité de réfugié, le litige a perdu son objet.
Par une décision du 2 septembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dubois a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 novembre 2023, le préfet de police a fait obligation à M. A..., ressortissant russe né le 24 décembre 1986, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 7 février 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation et de suspension de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu opposée en défense :
2. Aux termes de l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la qualité de réfugié ou d'apatride est reconnue ou le bénéfice de la protection subsidiaire accordé à un étranger ayant antérieurement fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative abroge cette décision. Elle délivre au réfugié la carte de résident prévue à l'article L. 424-1, au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 424-9 et à l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 424-18 ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 février 2024 postérieure à l'arrêté attaqué et au jugement de première instance. Toutefois, le préfet de police, qui ne le soutient pas, n'a ni retiré cet arrêté ni abrogé celui-ci, comme il en avait pourtant l'obligation en vertu des dispositions citées au point précédent, sans qu'il ait reçu d'exécution. Dans ces conditions, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que l'objet du litige aurait disparu et que devrait ainsi être prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. A....
Sur la requête de M. A... :
4. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 février 2024. Cette décision, qui a un caractère recognitif, est réputée rétroagir à la date d'entrée en France de l'intéressé. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale et doit être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les frais d'instance :
6. En tout état de cause, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. A... afin d'être versée à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2328779 du 7 février 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 22 novembre 2023 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président ;
- Mme Milon, présidente assesseure ;
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2025.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01253 2