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13/06/2025 | FRANCE | N°24PA01033

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 13 juin 2025, 24PA01033


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2315043 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête et deux mémoire enregistrés le 1er mars 2024, le 14 février 2025 et le 22 avril 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2315043 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoire enregistrés le 1er mars 2024, le 14 février 2025 et le 22 avril 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Nombret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie d'obstacles financiers et géographiques à un accès effectif aux soins dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'une erreur de droit quant à sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2025, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des mémoires en production de pièces et en observations le 27 mars 2025 et le 7 avril 2025.

Par une décision du 24 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Milon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 30 octobre 1980, est entré en France le 25 décembre 2017, muni d'un visa de court séjour valable du 21 décembre 2017 au 20 janvier 2018. Il a sollicité, au cours de l'année 2021, son admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 mars 2023 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, il fait appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. En outre, le préfet de police de Paris, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a indiqué que celui-ci est entré en France le 25 décembre 2017 et que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Dès lors, la décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision, ni des pièces du dossier, que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A... avant de rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté.

4. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) "

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de police de Paris s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 février 2023. Selon cet avis, l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... est atteint d'une hépatite B au stade de cirrhose et qu'il bénéficie à ce titre d'un traitement médical antiviral composé d'entécavir, ainsi que d'un suivi médical échographique, biologique et élastométrique semestriel. Il soutient que l'entécavir n'est pas disponible au Sénégal et produit, à ce titre, deux courriers de laboratoires pharmaceutiques, l'un distribuant le médicament Entécavir Biogaran, et l'autre, le médicament Baraclude, comportant cette molécule, indiquant, tous deux, que ces médicaments ne sont pas commercialisés au Sénégal. Il fait également valoir que ni ce médicament, ni la molécule qu'il contient, ne sont inscrits sur la liste des médicaments essentiels publiée par le ministère de la santé sénégalais, datant de 2022. Toutefois, il ressort des observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration produites en appel, et notamment des fiches issues de la base de données " Medical country of origin information report " (MedCoi), qu'un suivi spécialisé est disponible à l'Hôpital principal de Dakar et que l'entécavir est disponible dans l'une, au moins, des pharmacies de la même ville. Si les brefs extraits des fiches MedCoi mis en évidence par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sont en langue anglaise, ceux-ci sont compréhensibles et comportent des adresses en français, et n'ont donc pas, contrairement à ce que fait valoir le requérant, à être écartés des débats.

8. D'autre part, M. A... soutient que l'accessibilité effective de ce traitement lui est limitée du fait de son coût financier et, qu'étant originaire du village de Baranlir, situé dans une zone rurale de Basse-Casamance, éloignée de Dakar, ses possibilités de poursuivre la surveillance médicale dont il fait l'objet en France et de se procurer son traitement médical seront significativement réduites. Toutefois, M. A..., qui n'est en outre pas tenu de rejoindre son village, n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant d'établir qu'il n'aurait pas la possibilité de se déplacer à Dakar pour s'y procurer son traitement médical et y bénéficier du suivi nécessaire, alors que l'hépatite B dont il est atteint est considérée comme stabilisée par les médecins en charge de son suivi en France. Par ailleurs, la production d'une attestation du président de l'association " Communauté internationale pour la solidarité et le développement " faisant état du coût élevé du traitement de l'hépatite B pour la majorité des ressortissants sénégalais, et d'une attestation du frère du requérant selon laquelle la famille serait dans une situation précaire, ne permettent pas d'établir la vulnérabilité économique et la faiblesse des moyens financiers de M. A..., lequel, en toute hypothèse, n'établit, ni même n'allègue, qu'il ne pourrait bénéficier de dispositifs publics d'aide sociale lui permettant d'accéder à ces soins.

9. Il résulte de ce qui a été énoncé aux points 7 et 8 du présent arrêt que M. A... n'apporte pas suffisamment d'éléments permettant de remettre en cause la possibilité, pour lui, de bénéficier effectivement d'un traitement médical et d'un suivi approprié dans son pays d'origine. Dès lors, c'est sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit qui aurait été commise au regard de la situation personnelle de l'intéressé, et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation, doivent également être écartés.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

10. Aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

11. Pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, dès lors que M. A... pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copies en seront adressées au préfet de police de Paris et au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2025.

La rapporteure,

A. MILONLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01033 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01033
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Audrey MILON
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : NOMBRET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;24pa01033 ?
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