Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2308695 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2024 et le 14 février 2025, Mme A..., représentée par Me Werba, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions ne sont pas motivées ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'établit pas avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milon,
- et les observations de Me Werba, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante bangladaise née le 18 avril 1974, déclare être entrée en France le 4 janvier 2011 et y résider depuis lors. Après avoir vainement sollicité l'asile, Mme A... a été mise en possession d'un titre de séjour pour raisons de santé valable du 14 janvier 2014 au 13 janvier 2015. Ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 27 mars 2018. Sa demande de renouvellement de ce titre a été rejetée par un arrêté préfectoral du 5 juin 2019, qui lui a également fait obligation de quitter le territoire français. Mme A... a ensuite sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, elle fait appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 10 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Les conclusions de la requérante tendant à ce que la cour lui accorde provisoirement l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 juin 2023 :
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'ensemble des décisions contestées :
3. Mme A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de ce que les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne seraient pas motivées et de ce qu'elles seraient entachées d'un défaut d'examen de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montreuil, respectivement aux points 3, 11, 16 et 17 du jugement attaqué.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". Aux termes de l'article R. 432-7 du même code : " L'autorité administrative compétente pour saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-13 est le préfet ou, à Paris, le préfet de police. / La demande d'avis est accompagnée des documents nécessaires à l'examen de l'affaire, comportant notamment les motifs qui conduisent le préfet à envisager une décision de refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ou une décision de retrait d'un titre de séjour dans les conditions définies à l'article L. 432-13, ainsi que les pièces justifiant que l'étranger qui sollicite une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435- 1 réside habituellement en France depuis plus de dix ans ". Aux termes de l'article R. 432-8 du même code : " Si la commission du titre de séjour régulièrement saisie n'a pas émis son avis à l'issue des trois mois qui suivent la date d'enregistrement de la saisine du préfet à son secrétariat, son avis est réputé rendu et le préfet peut statuer ".
5. Par un courrier daté du 5 août 2022 comportant l'adresse postale de Mme A... et un numéro d'enregistrement, le secrétariat de la commission du titre de séjour a informé celle-ci de ce que la commission du titre de séjour a été saisie, le jour-même, par le préfet de la Seine-Saint-Denis à la suite de sa demande de titre de séjour et lui a précisé qu'au terme d'un délai de trois mois, la commission serait réputée avoir rendu son avis. Mme A..., qui se borne à soutenir que ce courrier ne suffirait pas à établir la saisine effective de la commission du titre de séjour, ne remet pas en cause les indications figurant sur ce courrier. Ainsi, il doit être regardé comme établi que la commission du titre de séjour a été saisie et celle-ci est, en application des dispositions précitées de l'article R. 432-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, réputée avoir émis un avis au terme du délai de trois mois suivant sa saisine. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée du préfet de la Seine-Saint-Denis serait entachée d'un vice de procédure.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... réside habituellement sur le territoire français depuis son arrivée en 2011, qu'elle est mariée avec un compatriote, titulaire d'un titre de séjour valable du 1er août 2023 au 31 juillet 2025 et est la mère d'une fille majeure, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle. Mme A... soutient qu'elle ne peut pas retourner dans son pays d'origine, qu'elle aurait fui en raison de différends familiaux. Toutefois, sa demande d'asile a été rejetée et Mme A... ne produit aucune pièce tendant à établir que ces différends familiaux l'empêcheraient de s'établir dans son pays d'origine. En outre, Mme A..., qui s'est vu reconnaître un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % par la Maison départementale des personnes handicapées et est titulaire d'une carte d'invalidité, se prévaut de la circonstance qu'elle est atteinte de troubles psychologiques et d'un diabète de type 2 nécessitant quatre injections d'insuline par jour. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante, dont la demande de renouvellement du titre de séjour pour raisons de santé, qui lui avait été délivré, entre 2014 et 2018, a été refusée, ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine des soins médicaux que nécessite son état de santé . Si elle fait valoir que sa fille l'aide au quotidien, elle n'établit pas que la présence de cette dernière à ses côtés serait nécessaire, en particulier pour mener les actes de la vie courante. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait constitué des liens d'ordre amical, culturel et social en France, de nature à attester d'une intégration particulière. Dans ces conditions, alors que Mme A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en 2019, qu'elle n'a pas exécutée, et que la vie commune avec son conjoint pourrait se poursuivre dans leur pays d'origine, y compris avec leur fille, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de la vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés au point précédent, les moyens tirés de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2025.
La rapporteure,
A. MILONLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00567 2