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13/06/2025 | FRANCE | N°23PA03551

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 13 juin 2025, 23PA03551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société Prelude Events Architects SL, de droit espagnol, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018.

Par un jugement n° 2000298 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le

4 août 2023, le 15 décembre 2023, le 14 mars 2024 et le 19 juin 2024, la société Prelude Events Architec...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Prelude Events Architects SL, de droit espagnol, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018.

Par un jugement n° 2000298 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 août 2023, le 15 décembre 2023, le 14 mars 2024 et le 19 juin 2024, la société Prelude Events Architects SL, représentée par Me Duparc et Me Hasnaoui, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au titre de la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 pour un montant de 15 775,37 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne peut être assimilée à une agence de voyages dès lors que son activité principale est l'organisation d'événements d'entreprises et qu'elle agit exclusivement, pour la fourniture de prestations d'hébergement et de transport, en qualité d'intermédiaire transparent ;

- elle ne relève pas du régime particulier des agences de voyage en application de l'interprétation référencée BOI-TVA-SECT-60 du12 septembre 2012 n° 50 à 70, dont elle peut se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 octobre 2023, le 2 février 2024, le 24 avril 2024 et le 3 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant aux versements d'intérêts moratoires sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2024.

A la suite d'une invitation à produire des éléments et pièces formée sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 6 mars 2025.

Il soutient que la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée doit également être rejetée dès lors que la société Prelude Events Architects SL est redevable de la taxe en France et qu'elle devait y être enregistrée en application du 1° de l'article 259 A du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2025 en réponse à la communication du mémoire du ministre enregistré le 6 mars 2025 sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la société Prelude Events Architects SL, représentée par Me Duparc et Me Hasnaoui, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires.

Elle soutient que les dispositions du 5° bis de l'article 259 A du code général des impôts ne lui sont pas applicables, contrairement à ce que fait valoir l'administration à titre subsidiaire ; son activité relève d'une opération unique d'organisation d'évènement, relevant des dispositions du 1 de l'article 259 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Hasnaoui pour la société.

Considérant ce qui suit :

1. La société Prelude Events Architects SL, dont le siège social est situé en Espagne, exerce notamment une activité d'organisation de tourisme d'affaires et d'évènements professionnels pouvant se tenir dans tout pays, au bénéfice de personnes morales établies tant en France que dans d'autres pays. Le 13 avril 2019, elle a demandé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 15 775,37 euros dont elle estimait disposer au titre de la période courue du 1er janvier au 31 décembre 2018 sur le fondement des articles 242-0 M et suivants de l'annexe II au code général des impôts. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée.

2. Aux termes du 1 de l'article 306 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Les Etats membres appliquent un régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur nom propre à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent régime particulier n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire et auxquelles s'applique, pour calculer la base d'imposition, l'article 79, premier alinéa, point c) ". Aux termes de l'article 307 de la même directive : " Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l'article 306, par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l'agence de voyages au voyageur. / La prestation unique est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services ". Aux termes de l'article 308 de cette directive : " Pour la prestation de services unique fournie par l'agence de voyages, est considérée comme base d'imposition et comme prix hors TVA, au sens de l'article 226, point 8), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur ".

3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée prévu pour les agences de voyages et pour les organisateurs de circuits touristiques s'applique aux opérateurs économiques qui, même s'ils ne bénéficient pas formellement de la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuits touristiques, organisent en leur nom propre une ou des prestations de services généralement attachées à la réalisation d'un voyage et qui, pour fournir ces prestations, recourent à des tiers assujettis.

4. Ces dispositions ont été transposées au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts, selon lequel la base d'imposition est constituée " Pour les opérations d'entremise effectuées par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le prix effectif facturé à l'agence ou à l'organisateur par les entrepreneurs de transports, les hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent matériellement les services utilisés par le client ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de la même annexe dispose que : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / (...) IV. (...) 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 9° Pour les biens acquis ou construits ainsi que les services acquis dont la valeur d'achat, de construction et de livraison à soi-même est prise en compte pour l'application des dispositions du e du 1de l'article 266 du code général des impôts (...) ".

5. En l'espèce, la société requérante organise des évènements professionnels au profit d'entreprises pour lesquels elle a recours à des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis. Ces évènements comprennent notamment des prestations de transports et d'hébergement pour lesquelles la société requérante soutient agir en qualité d'intermédiaire transparent, circonstance qui ferait obstacle à ce qu'elle puisse être considérée comme une agence de voyage au sens des dispositions précitées. Il résulte toutefois de l'instruction que, si des factures d'hôtellerie et de transporteurs sont effectivement libellées au nom du client, ces prestations, qui donnent d'ailleurs lieu à des " management fees " de 15 % selon les indications portées sur les devis versés au dossier, sont réglées directement à la société requérante par le bénéficiaire de la prestation de voyage, la société requérante inscrivant dans sa comptabilité les factures correspondant à l'hébergement et au transport comme des remboursements de frais qu'elle qualifie de débours. Ainsi, quel que soit le traitement comptable des prestations de transport et d'hébergement, la société requérante offre au client final une prestation de service unique équivalente à celles offertes par une agence de voyage. Par suite, l'administration est fondée à soutenir que l'activité de la société Prelude Events Architects SL consiste en l'organisation, en son nom propre, de prestations de services généralement attachées à la réalisation d'un voyage en recourant à des tiers assujettis et relève, par suite, du régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

6. Les énonciations contenues aux paragraphes 50, 60 et 70 de la doctrine du 12 septembre 2012 portant la référence BOI-TVA-SECT-60 ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été précédemment fait application dans le présent arrêt. La société Prelude Events Architects SL ne peut donc s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

7. Le premier motif de la rectification, tenant à l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu au e du 1 de l'article 266 du code général des impôts pour les agences de voyage, suffit à justifier l'intégralité des rappels mis à la charge de la société Prelude Events Architects SL. Il n'est donc pas utile de se prononcer sur le bien-fondé du second motif retenu à titre subsidiaire par l'administration fiscale pour justifier les impositions supplémentaires en litige dans la présente instance.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Prelude Events Architects SL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté de sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Prelude Events Architects SL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Prelude Events Architects SL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques - direction des impôts des non-résidents (division des affaires juridiques)

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2025.

La rapporteure,

W. LELLIGLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03551

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03551
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;23pa03551 ?
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