Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 août 2023 par lequel le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par ordonnance du 24 octobre 2023, le président du tribunal administratif de Paris a transmis la requête au tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 2312771 du 6 septembre 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 30 septembre 2024 et 2 mai 2025, M. A..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2023 du préfet de police de Paris portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une adresse stable et permanente, que son comportement n'est pas constitutif d'une menace pour l'ordre public et qu'en tout état de cause, compte tenu de sa situation personnelle, un délai de départ était nécessaire pour organiser son retour en Chine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2025, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant chinois né le 29 juillet 1988 et entré en France le 12 juin 2018 sous couvert d'un visa touristique valable du 26 mai au 18 juin 2018, a été interpellé le 31 août 2023 lors d'un contrôle de chantier puis a été placé en garde à vue pour des faits de travail dissimulé et d'emploi d'étrangers sans titre commis entre le 1er août 2022 et le 16 août 2023. Par un arrêté du 31 août 2023, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 6 septembre 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
3. D'une part, il ressort des termes de la décision contestée que pour décider d'obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de police de Paris s'est fondé sur la circonstance que la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui avaient définitivement été refusés et que l'intéressé n'étant pas titulaire d'un titre de séjour, d'un document provisoire ou d'une autorisation provisoire de séjour, il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'extrait de la fiche Telemofpra produite par le préfet, que la demande d'asile présentée par M. A... le 21 mars 2019 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 août 2019, dont il n'est pas contesté qu'elle est devenue définitive. Dès lors, M. A..., ne bénéficiait plus du droit à se maintenir sur le territoire français en application des dispositions des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. D'autre part ni le dépôt d'une demande de titre de séjour ni, à plus forte raison, la simple fixation d'un rendez-vous pour procéder à ce dépôt, ne sauraient faire obstacle à ce que l'autorité administrative oblige un étranger en situation irrégulière se trouvant dans l'un des cas mentionnés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à quitter le territoire français. Il en va autrement si l'intéressé ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 611-3 du même code ou lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance faisant obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une telle mesure.
5. La circonstance que M. A... a été reçu le 2 juin 2023 par le bureau du séjour de la préfecture de Cergy-Pontoise et qu'une convocation lui a été remise en vue d'un rendez-vous le 14 novembre 2023 aux fins de solliciter un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de police de Paris l'oblige à quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police de Paris, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait méconnu les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de passeport de l'intéressé, des nombreuses ordonnances médicales, du contrat de location établi le 15 juillet 2018, des quittances de loyer ainsi que des factures d'énergie, que M. A... est entré régulièrement en France le 12 juin 2018 et qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis cette date, soit depuis plus de cinq ans à la date de la décision en litige. De même, il ressort des pièces du dossier que le requérant est marié depuis le 21 mai 2018 avec une compatriote, qui réside également sur le territoire français et qu'est issu de cette union un enfant né le 31 août 2019, à Paris, et scolarisé à Aubervilliers en petite section de maternelle au titre de l'année scolaire 2022-2023. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est allégué que l'épouse de M. A... justifierait d'un droit à se maintenir sur le territoire français, de sorte que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale puisse se poursuive en Chine, pays dans lequel l'intéressé a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, et dont tous les membres de la famille ont la nationalité. De même, si M. A... exerce depuis le 8 décembre 2022 une activité professionnelle en qualité d'ouvrier dans le bâtiment au sein de la société Sheng Shi Mei Jia, cette expérience professionnelle reste relativement récente à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, et alors que M. A... n'établit pas ni même n'allègue qu'il serait démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine, le préfet de police de Paris, en l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas, eu égard aux objectifs poursuivis par la mesure, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Eu égard au très jeune âge du fils du requérant, à la circonstance qu'à la date de la décision en litige, il venait de terminer son année de petite section de maternelle et dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, il n'est pas établi ni même allégué que la vie familiale ne pourrait pas se poursuivre en Chine, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police de Paris aurait méconnu l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5, 7 et 9, le moyen tiré de ce que le préfet de police de Paris aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il (...) ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
12. Il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de police de Paris a estimé, d'une part, que le comportement de l'intéressé, qui a été interpellé pour des faits de travail dissimulé et d'emploi d'étrangers sans autorisation de travail salarié et d'aide au séjour, était constitutif d'une menace pour l'ordre public et d'autre part, qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement dès lors qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, dans la mesure où il ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du contrat de bail et des quittances de loyer versés au dossier que M. A... justifie, depuis le 15 juillet 2018, d'un logement personnel stable, à Aubervilliers. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que M. A... a été interpellé à l'occasion d'un contrôle effectué sur un chantier pour des faits de travail dissimulé, toutefois il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait de Kbis de la société Sheng Shi Mei Jia, ainsi que des bulletins de salaire produits par le requérant, que M. A... ne dispose pas, contrairement aux mentions portées dans le procès-verbal de notification de garde à vue, de la qualité de gérant de la société mais qu'il est seulement salarié de cette entreprise. Dès lors, les faits d'emploi d'étrangers sans titre et d'aide au séjour ne peuvent être regardés comme établis en l'espèce. Par ailleurs, s'agissant des faits de travail dissimulé, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. A..., en sa qualité de salarié, aurait participé intentionnellement à la réalisation de l'infraction, en connivence avec son employeur, alors que l'intéressé fait valoir sans être contredit par le préfet de police de Paris, qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de police de Paris lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire au motif que son comportement était constitutif d'une menace pour l'ordre public et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Il s'ensuit que la décision du 31 août 2023 par laquelle le préfet de police de Paris lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire est entaché d'une erreur d'appréciation et doit, en conséquence, être annulée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Le jugement attaqué doit être donc être annulé dans cette mesure.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. L'annulation de la décision du 31 août 2023 du préfet de police de Paris refusant à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel.
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 31 août 2023 du préfet de police de Paris refusant à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 2312771 du 6 septembre 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24PA04134