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06/06/2025 | FRANCE | N°24PA02723

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 06 juin 2025, 24PA02723


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.



Par un jugement n° 2404372 du 29 avril 2024, le magistrat désigné par la présid

ente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2404372 du 29 avril 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2404372 du 29 avril 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions contestées sont entachées d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait en l'absence de menace pour l'ordre public ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 22 juin 1991, est entrée en France en 1998 selon ses déclarations. Par un arrêté du 5 avril 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. Mme B... relève appel du jugement du 29 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que Mme B... ne peut justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Cette décision décrit en outre le parcours individuel et administratif de l'intéressée, ainsi que des éléments d'ordre personnel, mentionnant notamment qu'il n'est pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La décision litigieuse mentionne ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et il n'en ressort pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de Mme B.... Par suite les moyens tirés du défaut de motivation de la décision contestée et d'examen personnalisé de la situation de l'intéressée doivent être écartés.

3. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations citées au point précédent, applicables à une demande de titre de séjour, s'agissant de la contestation d'une mesure d'éloignement. En outre, si la requérante a été titulaire de titres de séjour entre 2010 et 2016, elle n'en a pas sollicité le renouvellement et les pièces qu'elle produit à l'instance ne permettent pas d'établir sa présence continue sur le territoire français depuis lors. Par ailleurs, il est constant que Mme B... est célibataire et sans charge de famille et qu'elle ne justifie d'aucune insertion professionnelle. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est connue au fichier automatisé des empreintes digitales pour des faits commis entre 2015 et 2022 d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, usage, détention et acquisition non autorisée de produits stupéfiants, rébellion, violences, vols aggravés et conduite sans permis et sans assurance, faits dont elle ne conteste pas la matérialité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur de fait doivent être écartés.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Et aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

6. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les articles L. 612-2 et L.612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que le comportement de Mme B... constitue une menace pour l'ordre public, qu'elle ne justifie pas être entrée régulièrement sur le territoire français ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, qu'elle s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement le 21 octobre 2019 et qu'elle ne présente pas de garanties de représentation suffisante, dans la mesure où elle ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'elle ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. La décision litigieuse comporte ainsi les motifs de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

7. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B... se trouvait dans les cas prévus au 1° et au 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'aux 1°, 4° 5° et 8° de l'article L. 612-3 permettant de regarder comme établi, sauf circonstances particulières qui ne sont pas établies en l'espèce, le risque qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation, refuser à l'intéressée le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. En premier lieu, la décision contestée, qui vise notamment les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris en compte, au vu de la situation de Mme B..., les critères prévus par les dispositions précitées, pour fixer la durée de l'interdiction de retour en relevant que l'intéressée séjourne en France depuis 2000 ou 2002, qu'elle ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France, qu'elle s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et que son comportement représente une menace pour l'ordre public. Ainsi, la décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde, est suffisamment motivée.

10. En second lieu, Mme B..., qui s'est vu refuser un délai de départ volontaire, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire s'opposant à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre. Eu égard aux motifs exposés précédemment, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en fixant à trente-six mois la durée de cette interdiction et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et celles relatives aux frais du litige doivent être écartés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02723 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02723
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;24pa02723 ?
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