Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 juin 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2417921 du 20 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2024 et 8 avril 2025, M. A..., représenté par Me Djemaoun, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2417921 du 20 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2024 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- il est entaché d'une erreur de droit pour avoir procédé à une substitution de base légale alors que le préfet ne disposait pas du même pouvoir d'appréciation ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans sa réponse aux moyens soulevés devant le tribunal ;
S'agissant de la légalité de l'arrêté contesté :
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 25 avril 2024 du tribunal administratif de Paris ;
- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2025.
Des pièces ont été enregistrées pour M. A... le 15 mai 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les observations de M. B..., élève avocat, en présence de Me Djemaoun pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant tunisien né le 21 mars 1982, est entré en France en août 2003 selon ses déclarations. Le 28 décembre 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 juin 2024, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 20 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a procédé à une substitution de base légale en jugeant que le refus de titre de séjour trouvait son fondement légal dans le pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet, qu'il a substitué en l'espèce aux dispositions de l'article L. 435-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables aux ressortissants tunisiens. Il ressort des pièces du dossier que les parties ont été dûment informées de ce que le tribunal était susceptible de procéder à cette substitution, que celle-ci n'a privé le requérant d'aucune garantie et que le préfet disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un et l'autre des fondements concernés. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif.
3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation que les premiers juges auraient commises.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, par un jugement n° 2325625 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite du préfet de police rejetant la demande de titre de séjour de M. A..., lui a enjoint de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour. Si le requérant soutient que le préfet ne se serait pas conformé à ces injonctions, un tel moyen relève de l'exécution du jugement précité et est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier ni de la motivation de cet arrêté que le préfet de police n'aurait pas préalablement procédé à un réexamen approfondi de la situation de M. A....
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.
6. M. A... soutient qu'à la date de la décision contestée, il résidait en France de façon habituelle depuis vingt et un ans. Il ressort des pièces du dossier que le requérant justifie de sa présence en France entre 2012 et 2017, puis à compter de l'année 2022, années durant lesquelles il justifie avoir travaillé. En revanche, au titre des années 2018 à 2021, il se borne à produire essentiellement des factures téléphoniques ainsi que des courriers bancaires et administratifs, ne nécessitant pas sa présence physique sur le territoire français. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... résidait de manière continue en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Dès lors, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande et le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
7. En troisième lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien est inopérant dès lors que le requérant n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement.
8. En quatrième lieu, M. A... se prévaut, outre l'ancienneté de son séjour en France, de son expérience professionnelle dans la restauration. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé occupe depuis novembre 2022 un emploi de plongeur-aide cuisine en contrat à durée indéterminée, secteur dans lequel il avait déjà travaillé entre 2012 et 2016. Toutefois, ces seuls éléments ne sauraient suffire, eu égard notamment au caractère récent de cette insertion professionnelle, à constituer des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission au séjour de M. A.... Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. A... fait valoir que ses parents sont décédés et que son frère et sa tante résident en France en situation régulière. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où réside notamment sa sœur. Ainsi, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment s'agissant de la durée de séjour de l'intéressé en France et de son insertion professionnelle, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais du litige doivent être écartées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
La rapporteure,
H. BREMEAU-MANESME
Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA05227 2