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05/06/2025 | FRANCE | N°24PA05039

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 05 juin 2025, 24PA05039


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... G... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part d'annuler la décision du 21 février 2023 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande tendant à substituer au nom de leur fils mineur D... G... B... celui de " Samsonov-B... " et, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au changement de nom demandé pour leur enfant mineur.



Par un jugement n° 2

307012 du 14 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part d'annuler la décision du 21 février 2023 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande tendant à substituer au nom de leur fils mineur D... G... B... celui de " Samsonov-B... " et, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au changement de nom demandé pour leur enfant mineur.

Par un jugement n° 2307012 du 14 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre un projet de décret autorisant Mme G... et M. B... à changer le nom de leur fils en " Samsonov-Houillon ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2307012 du 14 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris et de rejeter en conséquence la demande de changement de nom présentée par Mme G... et M. B... tendant à changer le nom de leur enfant mineur D... G... B... en " Samsonov-Houillon ".

Il soutient que :

- il n'est pas établi que des démarches aient été entreprises pour que l'enfant D... obtienne la nationalité russe ; cet enfant ne possédant que la nationalité française, c'est la loi française qui doit s'appliquer ;

- la circonstance que la culture russe est prégnante dans la famille et que celle-ci envisage de s'installer en Russie dans quelques années est insuffisante pour leur conférer un intérêt légitime à obtenir le changement de nom ;

- il n'est pas démontré qu'en gardant le patronyme de G... B... l'enfant mineur D... s'exposerait à des difficultés ;

- aucune circonstance exceptionnelle ne vient justifier le nom sollicité pour l'enfant mineur D... G... B... et le changement de nom sollicité aurait pour effet de faire porter aux enfants de la fratrie un nom de famille différent.

Par ordonnance du 18 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2025.

Un mémoire a été produit par Me Flandin pour Mme G... et M. B... le 13 mai 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... G..., de nationalité russe, et M. A... B..., de nationalité française, ont présenté le 11 juin 2021 au garde des sceaux, ministre de la justice, une demande tendant au changement de nom de leur fils mineur D... G... B... en " Samsonov-Houillon ". Par une décision du 14 novembre 2022, confirmée le 21 février 2023, leur demande a été rejetée. Par un jugement du 14 novembre 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice, des 14 novembre 2022 et 21 février 2023 et a enjoint à ce dernier de présenter au Premier ministre un projet de décret autorisant Mme G... et M. B... à changer le nom de leur fils D... en " Samsonov-Houillon ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par la présente requête, le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

3. Si, ainsi que Mme G... et M. B... le soutiennent, les noms patronymiques russes se déclinent au masculin et au féminin, il ne ressort pas des pièces du dossier ni qu'Alexandre aurait la nationalité russe, comme sa mère et sa sœur, ni même qu'il entretiendrait des liens intenses avec la Russie. Dans ces conditions, il ne peut être tenu pour établi que l'enfant D... pourrait s'exposer, dans l'hypothèse où il se rendrait en Russie, à des difficultés en portant un nom de famille dont une partie est déclinée au féminin. Dès lors, le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que Mme G... et M. B... n'ont pas d'intérêt légitime, pour leur fils D..., à substituer au nom de " G... B... " celui de " Samsonov-Houillon ", et à demander de ce fait l'annulation du jugement du 14 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme G... et M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par Mme G... et M. B... :

5. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter de l'enregistrement de cet acte au recueil spécial mentionné à l'article L 861-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'il est fait application de cet article, ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ". En outre, aux termes de l'article 17 de l'arrêté du 30 décembre 2019 relatif à l'organisation du secrétariat général et des directions du ministère de la justice : " La direction des affaires civiles et du sceau comprend trois sous-directions : / - la sous-direction du droit civil ; / - la sous-direction du droit économique ; / - la sous-direction des professions judiciaires et juridiques. ". Aux termes de l'article 19 de cet arrêté : " La sous-direction du droit civil (...) exerce les attributions de la chancellerie en matière de sceau. ".

6. Par un arrêté du 28 mars 2022, régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 31 mars 2022, Mme E... F..., signataire de la décision attaquée, a été nommée cheffe de service, adjointe au directeur des affaires civiles et du sceau à l'administration centrale du ministère de la justice à compter du 1er avril 2022 pour une durée de trois ans. Il résulte des dispositions de l'arrêté du 30 décembre 2019 précité que, parmi les attributions exercées au sein de la direction des affaires civiles et du sceau, figurent celles de la chancellerie en matière de sceau. Par suite, Mme F... était compétente, en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 précité, pour signer la décision attaquée du 14 novembre 2022.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Alors notamment qu'aucune difficulté n'est démontrée dans la vie courante de l'enfant D... G... B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit au respect de la vie privée et familiale de l'enfant D... une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. Elle ne porte pas plus à l'intérêt supérieur de l'enfant une atteinte de nature à justifier le changement de nom sollicité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que deux exposés aux points 3 et 8, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions des 14 novembre 2022 et 21 février 2023 rejetant la demande de changement de nom présentée par Mme G... et M. B... au nom de leur fils mineur D.... Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement n° 2307012 du 14 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée par Mme G... et M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2307012 du 14 novembre 2024 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme G... et M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et à M. A... B... ainsi qu'au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESMELe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA05039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA05039
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : FLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24pa05039 ?
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