Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le courrier du 21 septembre 2020 par lequel le directeur du centre éducatif et de formation professionnelle d'Alembert l'a informé de la réduction de moitié des " heures supplémentaires de jour dites forfaitaires " à compter du mois de septembre 2020 puis de son extinction à compter du mois de septembre 2021, ainsi que le courrier du 21 décembre 2020 rejetant la demande de maintien du paiement de ces heures supplémentaires non effectuées.
Par un jugement n° 2101678 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande comme irrecevable.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 19 avril 2024, le 21 mai 2024 et le 6 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Crusoé, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les courriers du 21 septembre 2020 et du 21 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de rétablir le versement des " heures supplémentaires de jour dites forfaitaires " à partir de septembre 2020, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne comporte pas les signatures requises ;
- il est irrégulier en ce qu'il a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- la demande de première instance était recevable dès lors que les décisions dont il était demandé l'annulation ne constituent pas des mesures confirmatives et modifient sa situation dans l'ordonnancement juridique ;
- l'irrecevabilité prononcée par le tribunal administratif porte atteinte aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'absence de toute formalisation ou publication régulière de la décision d'extinction progressive des " heures supplémentaires de jour dites forfaitaires ".
Par deux mémoires en défense et un mémoire en duplique, enregistrés les
22 juillet 2024, 6 novembre 2024 et 9 décembre 2024, la Ville de Paris conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baillon, représentant M. B..., et de Me Falala, représentant la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent éducateur technique spécialisé, affecté à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé (DASES) de la Ville de Paris, exerçant ses fonctions au sein du centre éducatif et de formation professionnelle d'Alembert situé à Montévrain
(Seine-et-Marne), percevait, depuis son recrutement, une somme mensuelle correspondant à des " heures supplémentaires de jour " forfaitisées, que ces heures aient été ou non réalisées. Par un courrier du 21 septembre 2020, il a été informé de la réduction de moitié du montant de cette somme puis de l'extinction de son versement à compter du mois de septembre 2021. Par un courrier reçu le 19 octobre 2020, M. B... a demandé le maintien de cette " indemnité ". Par un courrier du 21 décembre 2020, la sous-directrice des ressources humaines de la DASES de la Ville de Paris a rejeté sa demande et lui a rappelé le dispositif d'évolution de l'extinction de la somme correspondant à ces " heures supplémentaires de jour dites forfaitaires ", en fonction des évolutions statutaires et, notamment, de l'avancement d'échelon dont il bénéficierait en 2021. M. B... relève appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux courriers des 21 septembre et 21 décembre 2020 comme irrecevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué, transmise à la cour en application de l'article R. 741-10 du code de justice administrative, que celle-ci comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de l'absence de signature du jugement manque en fait et doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. ".
4. Par lettre du 18 décembre 2023, la présidente de la formation du jugement du tribunal administratif a informé les parties qu'en application des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, " le tribunal est susceptible (...) de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation des courriers des
21 septembre 2020 et 21 décembre 2020, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la situation de M. B... dans l'ordonnancement juridique et ne présentent pas de caractère décisoire, dès lors que le directeur du centre éducatif et de formation professionnelle d'Alembert s'est borné à lui rappeler le dispositif d'extinction des " heures supplémentaires de jour dites forfaitaires " décidé par la Ville de Paris ".
5. D'une part, cette information, qui indiquait les motifs de l'irrecevabilité des conclusions en cause, était suffisamment précise pour que M. B... puisse déterminer le moyen relevé d'office susceptible de fonder la décision des premiers juges, et, par conséquent, le discuter utilement.
6. D'autre part, cette information, par laquelle la présidente de la formation de jugement du tribunal administratif invitait les parties à produire leurs observations sur ce point avant le 21 décembre 2023, a été reçue en télécopie par l'avocat de M. B... le
19 décembre 2023 à 11h23. Si le requérant soutient que le délai de trois jours qui lui a été laissé pour présenter ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office est insuffisant, il ressort du dossier de première instance qu'il a produit un mémoire en observations le
20 décembre 2023 à 23h59, alors qu'au demeurant et en tout état de cause, la Ville de Paris avait soulevé, dans son mémoire en défense, une fin de non-recevoir tirée du même moyen.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative doit être écarté.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
8. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
9. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an.
10. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une note du directeur chef d'établissement du centre éducatif et de formation professionnelle (CEFP) d'Alembert du 27 mai 2019 destinée à être présentée au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 1er juillet 2019, que le directeur du CEFP validait et signait chaque mois, en qualité de chef de service, au titre du service fait, un tableau d'heures supplémentaires comprenant des heures non effectuées. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de la note du 27 mai 2019, du compte-rendu de la séance du 18 novembre 2019 du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et du courrier du 21 septembre 2020 adressé à M. B..., que la suppression de ce dispositif, considéré comme " non règlementaire ", a été décidée par le chef d'établissement dès le mois de septembre 2018, puis qu'un dispositif d'extinction progressive de ces " heures supplémentaires de jour dites forfaitaires " a été discuté dès le mois de mars 2019 et acté en juillet 2019, avant d'être ensuite validé par la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé (DASES) de la Ville de Paris, puis par une note du 14 janvier 2020 de la secrétaire générale de la Ville de Paris. Il ressort également des pièces du dossier que la décision du chef d'établissement de mettre fin au versement d'heures supplémentaires non justifiées et celle de la DASES de maintenir les heures supplémentaires de jour, dites forfaitaires, qui lui étaient versées sans être réalisées, pour une année supplémentaire, avant d'être divisées par deux à compter de la paie de septembre 2020, dispositif devant s'éteindre après le dernier versement réalisé sur la paie d'août 2021, ont été portées à la connaissance de M. B... et de l'ensemble des agents concernés, par le chef d'établissement, au plus tard au mois de septembre 2019 lors d'une réunion organisée avec les professionnels concernés. Ces décisions ont été rappelées à M. B... par un courriel du 13 juillet 2020 adressé aux agents concernés qui précise que ceux-ci en ont été de nouveau personnellement informés lors d'une réunion institutionnelle du 21 janvier 2020. Ainsi, quand bien même les modalités de mise en œuvre de ces décisions et la recherche d'une possibilité de remplacer le versement des sommes en cause par un autre dispositif de prime ou d'indemnité institué sur un autre fondement, ont fait l'objet de discussions ultérieures avec les acteurs concernés, les courriers du
21 septembre 2020 et du 21 décembre 2020, qui ne font que confirmer des décisions antérieurement prises par lesquelles il a été acté la suppression progressive des " heures supplémentaires forfaitaires de jour ", ne comportent en eux-mêmes aucun élément nouveau, ni en fait, ni en droit, et n'ont pas ouverts à eux seuls un nouveau délai de recours contentieux. Dès lors, le recours contentieux aurait dû, à défaut de notification des décisions initiales de juillet 2019, comportant les voies et délais de recours, être introduits dans un délai raisonnable ne pouvant excéder un an à compter du mois de septembre 2019, date à laquelle il n'est pas contesté que les agents en ont eu connaissance. A supposer que le courrier des agents concernés, dont il n'est pas contesté qu'il aurait été reçu le 19 octobre 2020 et par lequel ils ont sollicité auprès de la DASES un " arbitrage des primes dites heures supplémentaires ", puisse être regardé comme un recours gracieux, il n'a pas interrompu le délai de recours raisonnable qui a expiré au mois de septembre 2020. Ainsi, la demande de première instance devant le tribunal administratif ayant été introduite le 19 février 2021, soit plus d'un an après la date à laquelle le requérant ne pouvait ignorer l'existence et la portée des décisions initiales, était irrecevable faute d'avoir été introduite dans le délai raisonnable imparti pour contester utilement ces décisions antérieures, devenues définitives.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de recours raisonnable, soulevée par la Ville de Paris en première instance, devant être accueillie, M. B... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDOLa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01807 2