Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 19 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de
Seine-et-Marne a refusé de prendre en charge les frais médicaux qu'elle a exposés pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019.
Par un jugement n° 1910111 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 février, 31 octobre et
22 novembre 2024, Mme B..., représentée par Me Lerat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 19 septembre 2019 par laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a refusé de prendre en charge les frais médicaux exposés pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019 après avoir ordonné, le cas échéant, une expertise avant dire droit ;
3°) d'enjoindre au département de Seine-et-Marne de prendre en charge les honoraires et les frais médicaux engagés pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019, ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- ses moyens de légalité externe sont recevables ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure en ce qu'aucun médecin spécialisé n'a siégé au sein de la commission de réforme ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 septembre, 18 novembre et
4 décembre 2024, le département de Seine-et-Marne, représenté par la SELARL Landot et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de légalité externe soulevés par la requérante sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- la désignation d'un expert n'est pas nécessaire ;
- la décision contestée est en tout état de cause régulière dès lors que la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... est le 5 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lerat, représentant Mme B..., et de Me Fouace représentant le département de Seine-et-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe technique au département de Seine-et-Marne, s'est fait une entorse à la cheville gauche alors qu'elle descendait un escalier de service, le 5 octobre 2017. Par un arrêté du 29 novembre 2017, cet accident a été reconnu imputable au service. Par un arrêté du 19 septembre 2019, le président du département de Seine-et-Marne a refusé de prendre en charge les frais médicaux engagés par Mme B... pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019. La requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la décision contestée :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable au litige : " (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ".
3. D'une part, pour refuser la prise en charge des frais médicaux exposés par
Mme B... pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019, le département de
Seine-et-Marne s'est fondé sur l'existence d'un état pathologique antérieur non imputable au service évoluant pour son propre compte, à savoir un syndrome du tunnel tarsien de la cheville gauche. Si ce syndrome a été diagnostiqué par le rhumatologue agréé qui a examiné
Mme B... le 11 juin 2018 et le 20 février 2019, ce médecin n'explique pas le motif l'ayant conduit à retenir ce syndrome, et il ressort de ses expertises qu'il s'est borné à un examen clinique de l'intéressée. La requérante produit en outre, pour la première fois en appel, les conclusions d'un examen réalisé le 28 novembre 2024 par un rhumatologue qui conclut, au terme d'un examen clinique et de l'analyse de deux électromyogrammes réalisés en 2019 et 2023, à l'absence de toute trace d'un syndrome du tunnel tarsien gauche, ainsi que les conclusions du médecin qui a réalisé ces électromyogrammes en 2019, 2023 et 2024 et qui fait état le 20 novembre 2024 de l'absence de compression du nerf plantaire interne gauche dans le canal tarsien, de même qu'un certificat du 5 novembre 2024 d'un médecin généraliste qui conclut également à l'absence de symptôme du tunnel tarsien au vu de l'électromyogramme réalisé en 2023. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'imputabilité à un syndrome du canal tarsien de la gêne et des douleurs à la cheville gauche qui étaient encore ressenties par Mme B... à compter de l'année 2019 n'est pas établie.
4. D'autre part, si le département de Seine-et-Marne se prévaut également de ce que la blessure de Mme B... à la cheville gauche imputable au service est consolidée depuis le
5 février 2019, il résulte des dispositions citées au point 2 que doivent être pris en charge au titre de l'accident de service les arrêts de travail et les frais médicaux présentant un lien direct et certain avec l'accident initial, y compris, le cas échéant, s'ils interviennent postérieurement à la date de consolidation constatée par l'autorité compétente.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni d'ordonner une expertise, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du président du conseil départemental de Seine-et-Marne du
19 septembre 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au département de
Seine-et-Marne de prendre en charge les frais médicaux exposés par Mme B... pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019, sous réserve qu'ils soient en lien avec son accident de service du 5 octobre 2017.
Sur les frais du litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de
Seine-et-Marne demande sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1910111 du 28 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun et la décision du 19 septembre 2019 du département de Seine-et-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au département de Seine-et-Marne de prendre en charge les frais médicaux exposés par Mme B... pour sa cheville gauche à compter du 6 février 2019, sous réserve qu'ils soient en lien avec son accident de service du 5 octobre 2017.
Article 3 : Le département de Seine-et-Marne versera la somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du département de Seine-et-Marne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au département de
Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA01019 2