Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/22-0254 du 8 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un passager dépourvu de document de voyage et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 2300536 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2024, la société Air France, représentée par
Me Pradon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 8 novembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros ou de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la capture d'écran de la base de données ALTEA démontre que le passager débarqué a présenté un document de voyage lors des opérations d'embarquement à Beyrouth.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par la requérante n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Une note en délibéré a été produite pour la société Air France le 14 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 8 novembre 2022, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un passager démuni de document de voyage. La société Air France relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé d'annuler cette décision et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6 (...) n'est pas infligée : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. / Elle ne peut être infligée pour des faits remontant à plus d'un an ".
3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il résulte de l'instruction que la société Air France a laissé débarquer, le 2 mai 2022, à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, un passager dépourvu de document de voyage en provenance de Beyrouth. La société produit une capture d'écran de sa base de données ALTEA comportant les nom, prénom, date de naissance et nationalité du passager, ainsi que son numéro de passeport. Toutefois, si ces informations permettent d'établir que le passager s'est présenté avec un passeport complet au moment de l'embarquement, elles ne suffisent pas à établir, en l'absence de production d'une copie numérisée de ce document, que celui-ci ne comportait pas d'élément d'irrégularité manifeste. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement, et en fixer le montant à 10 000 euros, en l'absence de circonstances particulières.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la sanction qui lui a été infligée. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00557