Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400762 du 6 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions refusant à M. B... l'octroi d'un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique qui n'a pas été communiqué, enregistrés les 25 novembre 2024 et 11 avril 2025, M. B..., représenté par Me Langlois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 juin 2024 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant la Tunisie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'annuler ces décisions prises le 17 janvier 2024 par le préfet de la
Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou tout préfet compétent de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le juge de première instance a retenu que la menace à l'ordre public retenue à son encontre n'était pas caractérisée et a annulé la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et par voie de conséquence, celle portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- le jugement contesté est entaché d'erreurs d'appréciation ;
- les décisions attaquées ont été prises en l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elles ont été prises en méconnaissance du droit à être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant estimé en situation de compétence liée pour prendre cette mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France et repose sur des faits dont la matérialité n'est pas démontrée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreurs de fait commises par le préfet qui ont eu une incidence sur la décision prise à son encontre ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale, par voie d'exception en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elle se fonde ;
- elle est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2025, le préfet de la
Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les observations de Me Bernardi-Vingtain, substituant Me Langlois, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 17 janvier 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B..., ressortissant tunisien né le 10 octobre 2004, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit un retour sur le territoire pour une durée de douze mois. Par la présente requête, il relève régulièrement appel du jugement du 6 juin 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil, après avoir annulé les décisions lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
2. Pour prendre la mesure d'éloignement attaquée sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu que M. B... qui avait déclaré être arrivé en France en 2020, ne justifiait pas de la régularité de son entrée sur le territoire, n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et n'avait effectué aucune démarche administrative qui démontrerait sa volonté de régulariser sa situation. Il ressort toutefois du procès-verbal de son audition établi le 17 janvier 2024 que M. B... a notamment précisé avoir déposé une demande de titre de séjour par voie dématérialisée et être convoqué en préfecture en vue de l'examen de sa demande. Cette démarche est attestée par les pièces produites à l'instance confirmant l'enregistrement le 24 avril 2024 de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 435-1 à L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sa convocation devant la préfecture de la Seine-Saint-Denis prévue le 30 juillet 2024. Le préfet ne fait toutefois aucune mention de cette demande enregistrée dans ses services. Par suite, la décision attaquée, à la date de son édiction, ne peut être regardée comme ayant été prise au terme d'un examen de l'ensemble de la situation de droit et de fait de M. B... ainsi qu'il le soutient.
3. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français et par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Compte tenu du motif d'annulation retenu, il est enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Langlois renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2400762 du 6 juin 2024, en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant la pays de destination de cette mesure et les décisions correspondantes du préfet de la Seine-Saint-Denis du 17 janvier 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Langlois, avocat de M. B..., la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 mai 2025.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA04820