Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Kelenn Finance a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2112865 du 5 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS Kelenn Finance.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 avril 2024, 28 novembre 2024 et 6 mars 2025, la SAS Kelenn Finance, représentée par Me Peters et Me Benois, avocats, demande à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2112865 du tribunal administratif de Montreuil en date du 5 février 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- sont recevables les conclusions tendant à la décharge de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, au soutien desquelles sont soulevés les mêmes moyens que ceux soulevés au soutien des conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles les premiers juges considèrent que la société Dossen Participations SCA ne subit pas des restrictions sévères et durables remettant en cause substantiellement le contrôle et l'influence exercée sur la société Dossen Investissements ;
- il est entaché d'erreur de droit et de fait dans l'analyse du moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable ;
- les propositions de rectification adressées à la société Dossen Investissements sont insuffisamment motivées, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- en méconnaissance du cinquième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les réponses aux observations du contribuable ne sont pas suffisamment motivées ;
- elle entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 450 des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-CF-IOR-10-50 ;
- en refusant de répondre aux arguments présentés tant au cours de la vérification de comptabilité qu'au cours de la procédure de rectification contradictoire, le service a privé la société Dossen Investissements de la garantie du débat contradictoire ;
- la société Dossen Investissements a été privée des garanties accordées par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;
- le service vérificateur a méconnu le principe de loyauté des débats en entretenant volontairement et systématiquement le flou sur la qualification du contrôle assuré sur la société Dossen Investissements par ses associés ;
- faute d'être suffisamment motivées, les propositions de rectification n'ont pas interrompu le délai de prescription du droit de reprise ;
- elle apporte la preuve que le ratio d'endettement du groupe auquel la société Dossen Investissements appartient était supérieur ou égal au ratio d'endettement de celle-ci au titre des exercices en litige, conformément aux dispositions du III de l'article 212 du code général des impôts ; la société Dossen Participations SCA, qui est exclue du périmètre de consolidation, ne peut être prise en compte pour l'application de la clause de sauvegarde, d'une part, en raison des restrictions sévères et durables remettant en cause le contrôle ou l'influence qu'elle peut exercer et les possibilités de transfert de fonds et, d'autre part, dès lors qu'elle ne détenait des parts de la société Dossen Investissements qu'en vue de leur cession ultérieure ; en tout état de cause, même s'il fallait tenir compte de cette société ou de la société Dossen Holding, elle serait fondée à se prévaloir de cette clause, les comptes consolidés pro forma versés au dossier établissant un ratio d'endettement du groupe consolidé supérieur à son propre ratio d'endettement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à la décharge de la cotisation de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés d'un montant de 245 euros en droits et majorations, mise en recouvrement à l'issue d'un contrôle sur pièces de la société Dossen Investissements, résultant de l'insuffisance de versement constitutive d'un écart de liquidation sur le bordereau avis et, par suite, étrangère à la rectification fondée sur les dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts, sont irrecevables en l'absence de moyens spécifiques ;
- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables ;
- les moyens soulevés par la SAS Kelenn Finance ne sont pas fondés.
Un mémoire, présenté pour la SAS Kelenn Finance, a été enregistré le 26 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Benois, avocat de la SAS Kelenn Finance.
Considérant ce qui suit :
1. En juillet 2010, la société par actions simplifiée (SAS) Dossen Investissements, qui avait été créée en mai 2010 pour la réalisation d'une opération de restructuration capitalistique du groupe Sermeta, spécialisé dans la fabrication et la commercialisation d'échangeurs thermiques de chaudières gaz à condensation, a acquis ce groupe fiscalement intégré et s'est déclarée société mère intégrante. Cette acquisition a été financée par des apports des associés de la SAS Dossen Investissements, la société de droit luxembourgeois Dossen Participations SCA et la SAS JLM Actions, qui détenaient respectivement 63,59 % et 34,24 % de ses parts, ainsi que par la souscription de deux emprunts bancaires d'un montant total de 175 millions d'euros et l'émission, le 23 juillet 2010, de deux emprunts obligataires souscrits par la société de droit luxembourgeois Dossen Finances, intégralement détenue par la société Dossen Participations SCA, d'un montant de 151 662 887 euros au taux annuel de 12 % pour le premier et d'un montant de 29 333 710 euros sans intérêts pour le second. La SAS Dossen Investissements a comptabilisé et déduit de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les charges financières correspondant aux intérêts servis à la société Dossen Finances à raison de l'emprunt obligataire de 151 662 887 euros, pour un montant de 27 246 460 euros au titre de son premier exercice, ouvert le 1er juin 2010 et clos le 31 décembre 2011, et pour un montant de 21 469 118 euros au titre de l'exercice clos en 2012.
2. La SAS Dossen Investissements a fait l'objet, en sa qualité de société membre du groupe fiscalement intégré, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011 et en 2012 et, à l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, le service vérificateur a limité les intérêts déductibles à raison de l'emprunt obligataire de 151 662 887 euros, sur le fondement du I de l'article 212 du code général des impôts, pour les deux exercices vérifiés, et sur le fondement du II de cet article, pour le seul exercice clos en 2011. Concomitamment, la SAS Dossen Investissements a fait l'objet d'un contrôle sur pièces en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré et, à l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, le service a réintégré aux résultats d'ensemble des exercices clos en 2011 et en 2012 une quote-part des charges financières déduites, en application du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts. En conséquence de ces rectifications, le service a réduit les déficits déclarés au titre des exercices clos en 2011 et 2012 par la SAS Dossen Investissements en sa qualité de société membre du groupe fiscalement intégré et rehaussé les résultats d'ensemble déclarés. Venant aux droits de la SAS Dossen Investissements, qu'elle avait absorbée par une décision du 31 juillet 2015 avec effet rétroactif au 1er janvier 2015, la SAS Kelenn Finance a, par suite, été assujettie, notamment à raison de ces rectifications, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt au titre des exercices clos en 2011 et en 2012, majorées des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, mises en recouvrement par un avis du 20 décembre 2017. Par une décision du 1er mars 2018, l'administration fiscale a dégrevé d'office les pénalités pour manquement délibéré et, par la décision rendue le 20 juillet 2021 sur la réclamation préalable présentée par la SAS Kelenn Finance le 4 avril 2018, l'administration fiscale a abandonné les rectifications fondées sur les dispositions du I de l'article 212 du code général des impôts et celles fondées sur les dispositions du septième alinéa de l'article 223 B de ce code. Elle a, en conséquence, dégrevé les impositions mises en recouvrement au titre de l'exercice clos en 2012 et réduit celles mises en recouvrement au titre de l'exercice clos en 2011.
3. La SAS Kelenn Finance relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil en date du 5 février 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions demeurant à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des intérêts de retard correspondants, résultant de la seule limitation des intérêts déductibles, sur le fondement des dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts, à la somme de 21 097 362 euros.
Sur les conclusions à fin de décharge :
4. D'une part, aux termes de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'exercice d'imposition en litige : " I. - Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. / II. - 1. Lorsque le montant des intérêts servis par une entreprise à l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 et déductibles conformément au I excède simultanément au titre d'un même exercice les trois limites suivantes : / a) Le produit correspondant au montant desdits intérêts multiplié par le rapport existant entre une fois et demie le montant des capitaux propres, apprécié au choix de l'entreprise à l'ouverture ou à la clôture de l'exercice et le montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition par l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 au cours de l'exercice, / b) 25 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l'issue du contrat, / c) Le montant des intérêts servis à cette entreprise par des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39, / la fraction des intérêts excédant la plus élevée de ces limites ne peut être déduite au titre de cet exercice, sauf si cette fraction est inférieure à 150 000 euros. / (...) / III. - Les dispositions du II ne s'appliquent pas si l'entreprise apporte la preuve que le ratio d'endettement du groupe auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d'endettement au titre de l'exercice mentionné au II. / Pour l'application des dispositions du premier alinéa, le groupe s'entend de l'ensemble des entreprises françaises ou étrangères placées sous le contrôle exclusif d'une même société ou personne morale, au sens du II de l'article L. 233-16 du code de commerce. L'appréciation des droits de vote détenus indirectement par la société ou personne morale s'opère en additionnant les pourcentages de droits de vote détenus par chaque entreprise du groupe. / Le ratio d'endettement de l'entreprise mentionné au premier alinéa correspond au rapport existant entre le montant total de ses dettes et le montant de ses capitaux propres. Le ratio d'endettement du groupe est déterminé en tenant compte des dettes, à l'exception de celles envers des entreprises appartenant au groupe, et des capitaux propres, minorés du coût d'acquisition des titres des entreprises contrôlées et retraités des opérations réciproques réalisées entre les entreprises appartenant au groupe, figurant au bilan du dernier exercice clos de l'ensemble des entreprises appartenant au groupe. / (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 233-16 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'exercice d'imposition en litige : " I. - Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année (...) des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci, dans les conditions ci-après définies. / II. - Le contrôle exclusif par une société résulte : / 1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; / 2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ; / 3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet. / III. - Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord. / IV. - L'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise ".
6. Enfin, aux termes de l'article L. 233-19 du code de commerce : " I. - Sous réserve d'en justifier dans l'annexe établie par la société consolidante, une filiale ou une participation est laissée en dehors de la consolidation lorsque des restrictions sévères et durables remettent en cause substantiellement le contrôle ou l'influence exercée par la société consolidante sur la filiale ou la participation ou les possibilités de transfert de fonds par la filiale ou la participation. / II. - Sous la même réserve, une filiale ou une participation peut être laissée en dehors de la consolidation lorsque : / 1° Les actions ou parts de cette filiale ou participation ne sont détenues qu'en vue de leur cession ultérieure ; / (...) ".
7. S'il incombe à l'entreprise qui entend faire obstacle à l'application des dispositions précitées du II de l'article 212 du code général des impôts, d'apporter la preuve que le ratio d'endettement du groupe auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d'endettement, conformément à celles du III de cet article, elle peut utilement se prévaloir, pour la détermination du périmètre de ce groupe, de ce que, bien que faisant l'objet d'un contrôle exclusif par une autre société, au sens du II de l'article L. 233-16 du code de commerce, elle entre dans l'une des hypothèses prévues par l'article L. 233-19 de ce code, permettant de ne pas tenir compte de ce contrôle. La circonstance que les sociétés n'établissent et ne publient pas de comptes consolidés est par elle-même sans incidence sur la détermination du périmètre du groupe à retenir pour l'application du III de l'article 212 du code général des impôts.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 14 octobre 2014, que la SAS Dossen Investissements a déduit de son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2011 des charges financières d'un montant de 27 246 460 euros correspondant aux intérêts servis à la société de droit luxembourgeois Dossen Finances à raison de l'emprunt obligataire de 151 662 887 euros qu'elle avait émis et que cette société avait souscrit le 23 juillet 2010. Il est constant que la société Dossen Finances était une entreprise liée à la SAS Dossen Investissements, au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts, dès lors qu'elle était intégralement détenue et contrôlée par la société de droit luxembourgeois Dossen Participations SCA, laquelle contrôlait également la SAS Dossen Investissements, dont elle détenait 63,59 % des parts, ainsi qu'il a été dit au point 1. Il est par ailleurs constant que le montant des intérêts servis au cours de l'exercice clos en 2011 à la société Dossen Finances par la SAS Dossen Investissements excédait simultanément les trois limites prévues par les dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts citées au point 4.
9. Pour faire obstacle à l'application des dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts, la SAS Kelenn Finance, qui se prévaut de celles du III de cet article, soutient que le ratio d'endettement du groupe auquel appartenait la SAS Dossen Investissements était supérieur au ratio d'endettement de cette société, égal à 3,3.
10. Il est constant qu'au cours de l'exercice clos en 2011, la majorité des droits de vote dans la SAS Dossen Investissements était détenue par la société Dossen Participations SCA, qui en détenait plus de 65 %. Les droits de vote dans cette société étaient intégralement détenus par la société luxembourgeoise Dossen Holding. Les droits de vote dans cette société étaient intégralement détenus par la société luxembourgeoise CEP III Participations. Enfin, les droits de vote dans cette société étaient intégralement détenus par la société de droit anglais Carlyle Europe Partners III. Au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 233-16 du code de commerce, auxquelles renvoient celles du III de l'article 212 du code général des impôts, la SAS Dossen Investissements devait ainsi être regardée comme étant sous le contrôle exclusif indirect de la société de droit anglais Carlyle Europe Partners III. Or, la SAS Kelenn Finance ne verse au dossier aucun élément de nature à établir le ratio d'endettement du groupe comprenant l'ensemble des entreprises françaises et étrangères placées sous le contrôle exclusif, direct ou indirect, de cette société de droit anglais.
11. La SAS Kelenn Finance, qui se prévaut des dispositions précitées de l'article L. 233-19 du code de commerce, soutient néanmoins, à titre principal, que la SAS Dossen Investissements ou, à titre subsidiaire, que les sociétés Dossen Participations SCA et Dossen Holding devaient elles-mêmes être regardées, pour l'application du III de l'article 212 du code général des impôts, comme les sociétés consolidantes ultimes du groupe. Elle fait valoir, d'une part, que des restrictions sévères et durables remettaient substantiellement en cause le contrôle ou l'influence exercée sur la SAS Dossen Investissements par la société Dossen Participations SCA, ainsi que les possibilités de transfert de fonds, et, d'autre part, que les parts de la SAS Dossen Investissements et, en tout état de cause, celles des sociétés Dossen Participations SCA et Dossen Holding n'étaient détenues qu'en vue de leur cession ultérieure.
12. La SAS Kelenn Finance n'établit pas l'existence de restrictions sévères et durables ayant remis substantiellement en cause le contrôle de la société Dossen Participations SCA sur la SAS Dossen Investissements ou les possibilités de transfert de fonds par celle-ci, au sens du I de l'article L. 233-19 du code de commerce, en se prévalant du nantissement des parts de cette filiale dans le cadre d'un emprunt bancaire d'une durée limitée à six ans, lequel ne peut au demeurant affecter la propriété des titres qu'en cas de défaillance du débiteur, et de ce que le contrat de prêt bancaire conclu en 2010 par la SAS Dossen Investissements avec l'établissement Crédit agricole Corporate et Investment Bank a limité, à nouveau pendant la seule durée de l'emprunt, les possibilités de distribution, de souscription de tout nouvel endettement et d'émission de nouveaux titres.
13. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du pacte d'associés conclu le 23 juillet 2010 entre les sociétés Dossen Participations SCA et JLM Actions, modifié par avenant le 7 juin 2013, qu'ainsi que le fait valoir la SAS Kelenn Finance, la SAS Dossen Investissements, qui exerçait une activité de holding, n'a été créée en mai 2010 qu'en vue de la restructuration capitalistique du groupe Sermeta, dont l'un des fondateurs souhaitait se désengager. Cette opération a été réalisée par l'acquisition en juillet 2010 des titres des sociétés de ce groupe par la SAS Dossen Investissements, laquelle s'est ensuite déclarée société-mère du groupe fiscalement intégré, cette acquisition ayant été financée par un apport en numéraire d'un montant de 12 638 574 euros par la société Dossen Participations SCA, société luxembourgeoise d'investissement en capital à risque indirectement détenue et contrôlée par le fonds d'investissement Carlyle, ainsi que par un apport de titres par la SAS JLM Actions, par la souscription de deux emprunts bancaires d'un montant total de 175 millions d'euros et par l'émission de deux emprunts obligataires souscrits par la société de droit luxembourgeois Dossen Finances, elle-même intégralement détenue par la société Dossen Participations SCA. Il résulte notamment des annexes aux comptes annuels au 31 décembre 2011 de la société Dossen Participations SCA, déposés au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg le 29 octobre 2012, que, dans le cadre de cette opération de capital-investissement, les titres de la SAS Dossen Investissements n'ont été détenus par cette société qu'en vue de la reprise ultérieure du groupe Sermeta par l'un de ses fondateurs, qui est finalement intervenue par leur cession le 5 juin 2014, dans les conditions prévues par le pacte d'associés. Par les pièces qu'elle produit, la SAS Kelenn Finance établit que la SAS Dossen Investissements, dont les parts n'ont ainsi été détenues par la société Dossen Participations SCA qu'en vue de leur cession ultérieure, au sens du 1° du II de l'article L. 233-19 du code de commerce, devait elle-même être regardée, pour l'application des dispositions du III de l'article 212 du code général des impôts, comme la société consolidante ultime du groupe. D'autre part, il est constant que le ratio d'endettement de ce groupe, calculé conformément à ces dispositions, s'élève à 4,08 et qu'il est ainsi supérieur au ratio de 3,3 de la SAS Dossen Investissements.
14. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 10, la société Dossen Participations SCA était intégralement détenue par la société luxembourgeoise Dossen Holding, dont les parts étaient intégralement détenues par la société luxembourgeoise CEP III Participations. Il résulte de l'instruction que cette société luxembourgeoise d'investissement en capital à risque détenait, en vue de les céder dans le cadre d'opérations de capital-investissement, des participations dans le capital de plus de trente sociétés relevant de secteurs d'activité différents. Il s'ensuit que, pour l'application du III de l'article 212 du code général des impôts, ni elle, ni, a fortiori, la société de droit anglais Carlyle Europe Partners III, qui détenait ses parts pour l'exercice de son activité de fonds d'investissement, ne peuvent être regardées comme la société consolidante ultimes du groupe auquel appartenait la SAS Dossen Investissements. A supposer que la société Dossen Holding puisse être regardée comme telle, il est constant que le ratio d'endettement du groupe dont elle serait dès lors la société consolidante ultime, calculé conformément aux dispositions du III de l'article 212 du code général des impôts, s'élèverait à 4,06 et qu'il serait également supérieur au ratio d'endettement de la SAS Dossen Investissements.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 14 que la SAS Kelenn Finance apporte la preuve que le ratio d'endettement du groupe auquel appartenait la SAS Dossen Investissements était supérieur au ratio d'endettement de cette société. La société requérante est dès lors fondée à se prévaloir des dispositions du III de l'article 212 du code général des impôts et, par suite, à soutenir que c'est à tort que le service vérificateur a limité, sur le fondement des dispositions du II de cet article, la déduction du résultat de la SAS Dossen Investissements de l'exercice clos en 2011 des intérêts servis par cette société à la société Dossen Finances à raison de l'emprunt obligataire de 151 662 887 euros que celle-ci avait souscrit le 23 juillet 2010.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS Kelenn Finance est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à raison de la limitation à la somme de 21 097 362 euros, sur le fondement des dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts, des intérêts déductibles du résultat imposable de la SAS Dossen Investissements à raison de l'emprunt obligataire souscrit le 23 juillet 2010.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS Kelenn Finance d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance :
18. Ainsi que le fait valoir le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, les conclusions de la SAS Kelenn Finance tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance ne peuvent, en l'absence de dépens, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La SAS Kelenn Finance est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à raison de la limitation à la somme de 21 097 362 euros, sur le fondement des dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts, des intérêts déductibles du résultat imposable de la SAS Dossen Investissements à raison de l'emprunt obligataire souscrit le 23 juillet 2010.
Article 2 : Le jugement n° 2112865 du tribunal administratif de Montreuil en date du 5 février 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Kelenn Finance une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Kelenn Finance est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Kelenn Finance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 24PA01659