La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2025 | FRANCE | N°24PA01134

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 23 mai 2025, 24PA01134


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 1er novembre 2023 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2311673 du 16 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



r>
Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars 2024 et 4 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 1er novembre 2023 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2311673 du 16 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mars 2024 et 4 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Mehammedia-Mohamed, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 16 février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 1er novembre 2023 par lequel le préfet du

Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale territorialement de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard et de procéder à la suppression de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ;

- elle méconnaît l'article 3 § 1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2025, le préfet du Val-de-Marne, représenté par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les observations de Me Mehammedia-Mohamed, représentant M. A....

Une note en délibéré, enregistrée le 5 mai 2025, a été présentée pour M. A... par Me Mehammedia-Mohamed et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant russe né le 5 août 1990 à Grozny, relève régulièrement appel du jugement du 16 février 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er novembre 2023 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 sur le fondement desquelles la mesure d'éloignement du territoire a été prise et énonce les considérations de fait se rapportant à la situation personnelle de l'intéressé en rappelant notamment qu'il ne justifie pas être entré régulièrement en France. Si M. A... soutient que sa compagne est titulaire d'un titre de séjour pluriannuel et qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de sa fille née en 2021, la préfète du Val-de-Marne qui n'était pas tenue de mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, a suffisamment motivé l'arrêté attaqué en précisant que cette décision ne contrevient pas aux stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient M. A..., la préfète du Val-de-Marne n'était pas tenue de viser la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que la décision attaquée ne se fonde pas sur ces stipulations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée exposés

ci-dessus et des pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... En particulier, la circonstance que l'arrêté en litige ne ferait pas mention du dépôt d'une demande d'asile en 2011 et d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en 2018, lesquelles n'ont pas abouti favorablement, n'est pas de nature à révéler un tel défaut d'examen. Ce moyen doit ainsi être écarté.

4. En troisième lieu, si le deuxième alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ", ces stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire qu'une mesure administrative soit prise à l'égard de personnes faisant l'objet de poursuites pénales. Par suite, la circonstance que M. A... ait reçu une convocation fixée le 8 mars 2024 devant le tribunal judiciaire de Créteil en vue de l'examen des faits de violences habituelles et menaces de mort par conjoint à l'origine de son interpellation le 31 octobre 2023, si elle peut faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement, est sans incidence sur sa légalité et ne méconnaît ni le principe de la présomption d'innocence, ni celui de la séparation des autorités administratives et judiciaires.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. M. A..., qui précise vivre maritalement avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour pluriannuel, ne démontre aucunement la communauté de vie dont il se prévaut en l'absence de toute pièce justificative démontrant une adresse commune avec sa compagne, étant entendu, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'il a été interpellé le 31 octobre 2023 pour des faits de violences habituelles et menaces de mort par conjoint. Il n'établit pas davantage participer régulièrement à l'entretien et à l'éducation de sa fille née au mois de novembre 2021 par la production de photographies et de quelques factures d'achats de matériel de puériculture ou encore en se bornant à soutenir sans toutefois l'établir qu'il serait seul à occuper une activité salariée permettant de prendre en charge les dépenses du foyer. Par ailleurs, s'il justifie de versements bancaires réguliers à hauteur de 10 à 700 euros au bénéfice de la mère de sa fille, il ne démontre par aucune autre pièce justificative que ces sommes seraient destinées à pourvoir aux besoins de l'enfant dès lors que ces virements bancaires ont débuté au mois d'avril 2021, soit antérieurement à sa naissance, que M. A... n'apporte aucune explication sur la nature exacte de ces versements et ne précise d'ailleurs pas le montant fixe de sa contribution personnelle à l'entretien de son enfant. S'il fait valoir qu'il réside en France depuis le mois de juillet 2011, occupe un emploi de manœuvre dans le secteur du bâtiment et que d'autres membres de sa famille, notamment son frère titulaire d'un titre de séjour, seraient présents sur le territoire, ces circonstances ne sont toutefois pas de nature à établir qu'il disposerait en France de liens suffisamment anciens et stables permettant de retenir que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait durablement établi sur le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des article 3-1 de la convention de New York et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

7. En cinquième lieu, il résulte ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, soulevé par voie d'exception à l'encontre des décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si M. A... soutient qu'il pourrait être destinataire d'un ordre de mobilisation en cas de retour en Russie compte tenu de son âge et envoyé en zone de guerre notamment en Ukraine, il ne produit aucun document de nature à établir qu'à la date de la décision contestée, il serait effectivement soumis à une obligation militaire, qu'il ferait l'objet d'une mobilisation certaine en zone de conflit, en particulier dans le contexte de la guerre conduite par la Russie contre l'Ukraine et, par conséquent, qu'il serait exposé à des risques personnels et actuels de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit par suite être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort de l'arrêté attaqué que pour fixer la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, la préfète du Val-de-Marne a pris en considération l'ensemble des critères susceptibles de la justifier, en particulier la durée de son séjour en France comme la nature et l'ancienneté des liens dont il peut se prévaloir sur le territoire français, la menace à l'ordre public que sa présence en France est susceptible de constituer compte tenu des faits au titre desquels il a été interpellé et la circonstance qu'il ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière s'opposant à cette mesure. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard des motifs ainsi retenus. Ce moyen doit par suite être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles relatives aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 mai 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01134
Date de la décision : 23/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : MEHAMMEDIA-MOHAMED

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-23;24pa01134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award