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23/05/2025 | FRANCE | N°24PA00484

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 23 mai 2025, 24PA00484


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger de l'obligation de payer la somme de 177 183,77 euros objet de l'instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires, émis le 27 janvier 2020 par les autorités espagnoles à la demande des autorités françaises, pour le recouvrement de cotisations d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux dues, en droits et pénalités, au titre de l'année 2001.



Par un

jugement n° 2009091 du 8 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger de l'obligation de payer la somme de 177 183,77 euros objet de l'instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires, émis le 27 janvier 2020 par les autorités espagnoles à la demande des autorités françaises, pour le recouvrement de cotisations d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux dues, en droits et pénalités, au titre de l'année 2001.

Par un jugement n° 2009091 du 8 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 janvier 2024 et 10 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Bekmezcioglu, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 décembre 2023 ;

2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 177 183,77 euros dont le recouvrement est poursuivi par l'assistance internationale sollicité auprès des autorités espagnoles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la créance dont le recouvrement est poursuivi, est prescrite ;

- le délai de prescription ayant commencé à courir le 24 décembre 2012, l'administration ne saurait utilement se prévaloir d'une première mise en demeure de payer interruptive de prescription notifiée le 12 avril 2012 ;

- aucun des actes émis par l'administration fiscale dont elle aurait été rendue destinataire les 17 avril 2014 et 23 décembre 2016, n'a pu valablement interrompre la prescription, en l'absence de notification régulière de ces actes ;

- ces trois actes qui comportent des montants radicalement différents sont entachés de nullité et n'ont pu valablement interrompre le délai de prescription.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 avril 2024 et 6 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'absence de valeur interruptive des mises en demeure adressées à Mme A..., résultant de la différence entre les montants objet de ces mises en demeure, est irrecevable en application des dispositions des articles R. 281-3-1 et R. 281-5 du livre des procédures fiscales ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2001 résultant de plus-values imposables non déclarées et qui ont été mis en recouvrement le 30 novembre 2004. Le bien-fondé de ces impositions supplémentaires a été confirmé par un jugement n° 0706890 du tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2011 et par un arrêt n° 11PA01391 de la Cour administrative de Paris rendu le 20 décembre 2012. En l'absence de règlement, l'administration a recherché le recouvrement des sommes restant dues à hauteur de 177 183,77 euros en droits et pénalités. Mme A... résidant en Espagne, l'administration a mis en œuvre l'assistance internationale des autorités de ce pays prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 en poursuivant le recouvrement sur la base d'un instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires dans l'État membre requis. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 281 livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. ". Aux termes de l'article L. 277 du même livre : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. ".

4. S'il résulte des termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales que l'action en recouvrement des créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics se prescrit par quatre ans à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi du titre exécutoire, il résulte du même article que cette prescription n'est acquise que sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription. L'article 2244 du code civil précise notamment que le délai de prescription est interrompu par un acte d'exécution forcée et l'article L. 257 du livre des procédures fiscales qu'il l'est par la notification d'une mise en demeure.

5. Il appartient au juge de l'impôt, compétent en application des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales pour connaître des contestations portant sur l'exigibilité des sommes réclamées, d'apprécier, le cas échéant, si un acte de poursuite antérieur à celui qui a provoqué la contestation du contribuable a pu, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été notifié à ce dernier, interrompre le cours de la prescription de l'action en recouvrement.

6. Il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires en litige ont été mises en recouvrement par voie de rôle le 30 novembre 2004 et étaient exigibles immédiatement. Le comptable disposait sur le fondement des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales précité de quatre années pour procéder à leur recouvrement à compter de cette date. Il ressort des pièces produites au dossier et n'est pas contesté qu'un avis à tiers détenteur, interruptif de prescription, a régulièrement été notifié à M. et Mme A... le 17 décembre 2005 à leur adresse située en Espagne. En application de l'article L. 277 du même livre, la prescription de l'action en recouvrement a par ailleurs été suspendue entre le 25 juillet 2006, date à laquelle M. et Mme A... ont présenté une réclamation, assortie d'une demande de sursis de paiement, tendant à la décharge des cotisations d'imposition supplémentaires mises à leur charge et le 20 janvier 2011, date à laquelle le tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête. Enfin, il résulte de l'instruction que le délai de prescription a de nouveau été interrompu par l'envoi de mises en demeure ou d'actes d'exécution forcée notifiés successivement les 12 avril 2012, 6 mai 2013, 17 avril 2014, 23 décembre 2016 et 1er mars 2018.

7. En premier lieu, le délai de prescription a commencé à courir le 30 novembre 2004 ainsi qu'il vient d'être dit et non le 24 décembre 2012 contrairement à ce que soutient Mme A... qui n'apporte aucune explication sur le ou les motifs justifiant de retenir cette date. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la mise en demeure de payer en date du 29 mars 2012 et notifiée le 12 avril suivant ne constituerait pas un acte interruptif de prescription. Par ailleurs, si le pli contenant cette mise en demeure et portant la mention " non réclamé " a été retourné à l'administration, il n'en demeure pas moins qu'il a régulièrement été notifié le 12 avril 2012 à l'adresse postale de l'intéressée en Espagne et que Mme A... n'établit pas ni même n'allègue avoir tenté en vain d'en obtenir la délivrance.

8. En deuxième lieu, il résulte des pièces produites à l'instance que le pli contenant la notification d'une saisie à tiers détenteur en date du 3 avril 2014, a régulièrement été notifié à Mme A... le 17 avril suivant comme en atteste sa signature de l'accusé de réception postale à cette date. Le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas reçu notification de cet acte manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, si Mme A... soutient que la mise en demeure de payer en date du 7 décembre 2016 ne lui a pas été régulièrement notifiée le 23 décembre 2016, dès lors qu'elle n'est pas la signataire de l'accusé réception figurant sur cet avis, elle n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations ni aucune pièce justificative susceptible d'établir que le signataire de cet accusé de réception, dont l'identité n'est pas précisée, ne disposait d'aucun mandat pour recevoir ce courrier. Il ressort à cet égard de l'avis de réception que le pli a été adressé non seulement à la requérante mais également à son mari. Par ailleurs, la circonstance qu'aucune des deux cases " envoi remis " ou " envoi payé " figurant sur cet accusé réception n'a été renseignée, ne permet pas de remettre en cause la régularité de la distribution de ce courrier dont la réception est attestée par la seule signature du destinataire.

10. En dernier lieu et en tout état de cause, si Mme A... soutient que les différents actes de poursuites comportent des montants radicalement différents, il résulte de l'instruction que cette différence résulte du décompte des intérêts moratoires qui lui sont appliqués conformément aux dispositions de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, outre les versements régulièrement et nécessairement effectués au moyen des saisies en exécution des avis à tiers détenteur notifiés par le comptable en charge du recouvrement. Par suite, Mme A... n'établit pas que l'administration lui réclamerait un montant d'imposition supérieur à celui dont elle est redevable.

11. Il résulte de tout ce qui précède, en tout état de cause, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la prescription était, faute de cause interruptive de prescription pendant plus de quatre années, acquise à la date à laquelle les autorités espagnoles, requises par l'administration en application de la directive susvisée du 16 mars 2010, lui ont notifié l'instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires en Espagne institué par l'article 13 de la directive. Par voie de conséquence, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles relatives aux dépens.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Pôle gestion fiscale)

Délibéré après l'audience du 2 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 23 mai 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00484
Date de la décision : 23/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BEKMEZCIOGLU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-23;24pa00484 ?
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