La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2025 | FRANCE | N°25PA00143

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 21 mai 2025, 25PA00143


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux requêtes, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger perçue dans le cadre de son affectation en Norvège entre 2015 et 2018, pour un montant de 179 342,75 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2019, et, d'autre part, d'annuler la décision du 29 j

uin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 8 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger perçue dans le cadre de son affectation en Norvège entre 2015 et 2018, pour un montant de 179 342,75 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2019, et, d'autre part, d'annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger dans le cadre de son affectation au Vietnam en 2019 et 2020 et d'enjoindre à la ministre des armées de régulariser ses droits pour un montant de 73 347,62 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2020.

Par un jugement n°s 2011775, 2014207/6-3 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions des 8 et 29 juin 2020 de la ministre des armées ;

3°) en application du taux du tableau n° 1 de l'arrêté ministériel du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger, d'enjoindre au ministre des armées de régulariser ses droits au titre de la revalorisation de son indemnité de résidence à l'étranger : pour la période du 27 juillet 2015 au 24 octobre 2018 pour un montant de 179 342,75 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2019 et, pour la période du 22 septembre 2019 au 15 octobre 2020 pour un montant de 73 347,62 euros, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2020 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- elles sont illégales en raison de l'illégalité entachant l'arrêté du 1er octobre 1997 qui en est la base légale, lequel emporte une rupture d'égalité ainsi qu'une disproportion de traitement ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2023, le ministre des armées

conclut au rejet de la requête.

Par un arrêt n° 22PA04894 du 13 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre le jugement du 6 octobre 2022.

Par une décision n° 491707 du 30 décembre 2024, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger dans le cadre de son

affectation au Vietnam et à ce qu'il soit enjoint au ministre de régulariser ses droits à ce titre et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2025 sous le n° 25PA00143.

Procédure devant la Cour après cassation :

Par des mémoires, enregistrés le 21 mars et le 4 avril 2025, M. B..., représenté par Me Moumni, réitère ses conclusions et demande que la somme mise à la charge de l'Etat soit assortie de la capitalisation des intérêts.

Par une ordonnance du 8 avril 2025, la clôture d'instruction, initialement fixée au 8 avril 2025, a été reportée au 14 avril 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 92-1483 du 31 décembre 1992 ;

- le décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 ;

- l'arrêté du 1er octobre 1997 pris pour l'application des dispositions du décret n° 97-900 du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., colonel de l'armée de terre ayant exercé des fonctions à l'étranger, entre 2015 et 2018 en Norvège, puis entre 2019 et 2020 au Vietnam, a sollicité la réévaluation de

l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) qui lui a été versée durant ces deux affectations. Par un jugement du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 8 et 29 juin 2020 par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder le bénéfice d'une telle réévaluation et à ce qu'il soit enjoint à la ministre de régulariser sa situation. Par un arrêt du 13 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre ce jugement. Par une décision n° 491707 du 30 décembre 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de

revalorisation de l'indemnité de résidence à l'étranger dans le cadre de son affectation au Vietnam et à ce qu'il soit enjoint au ministre de régulariser ses droits à ce titre et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 5 du décret du 1er octobre 1997 fixant les modalités de calcul de la rémunération des militaires affectés à l'étranger : " L'attribution de l'indemnité de résidence est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence. / (...) Un arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé du budget, du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la fonction publique classe les militaires visés par le présent décret dans les groupes d'indemnités de résidence prévus à l'alinéa précédent. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 1er octobre 1997, pris en application des dispositions de ce décret, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 29 avril 2020 : " Pour l'application de l'article 5 du décret du 1er octobre 1997 susvisé, les militaires sont classés ainsi qu'il suit : /a) Les attachés de défense, attachés militaires spécialisés subordonnés à l'attaché de défense et leurs adjoints (...) sont classés conformément au tableau n° 1 annexé au présent arrêté ; /b) Les autres personnels militaires visés par le présent arrêté, à l'exception des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées visés au paragraphe c du présent article, sont classés au tableau n° 2 annexé au présent arrêté (...) ". L'arrêté du 27 avril 2020 a ultérieurement modifié la rédaction du a) de l'article 3 de l'arrêté du 1er octobre 1997, à compter du 30 avril 2020, pour disposer que : " Les militaires affectés au sein des missions de défense, au sein des représentations permanentes de la France auprès des organisations internationales, à la présidence et au cabinet de la présidence des comités militaires de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord et de l'Union européenne, ainsi que le commandant suprême allié " transformation ", le directeur général de l'état-major de l'Union européenne, le conseiller spécial pour les programmes sous-marins australiens et les militaires relevant de la direction générale de la sécurité extérieure sont classés conformément au tableau n° 1 annexé au présent arrêté ".

3. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir

réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de

traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. S'agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.

4. M. B... excipe de l'illégalité de l'arrêté du 1er octobre 1997 en tant qu'il n'a pas retenu la fonction d'expert de haut niveau qu'il a exercée à Hanoï (Vietnam) entre septembre 2019 et septembre 2020 dans la liste des bénéficiaires de l'IRE au titre du tableau n°1 prévu par cet arrêté. Il ressort des pièces du dossier que cet emploi d'expert de haut niveau au Vietnam relevait de la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères, était placé sous l'autorité de l'attaché de défense et comportait une dimension diplomatique. Par suite, eu égard au niveau des responsabilités et à la nature des missions exercées respectivement par les attachés de défense et leurs adjoints et par cet expert de haut niveau, ainsi qu'à l'objet de l'IRE, tel que défini à l'article 5 du décret du 1er octobre 1997, l'administration n'a pu, sans créer une différence de traitement manifestement disproportionnée par rapport à la différence de situation dans laquelle se trouvent les titulaires de ces emplois, écarter la fonction d'expert de haut niveau au Vietnam du bénéfice de l'IRE au titre du tableau n° 1 prévu par l'arrêté du 1er octobre 1997. Par suite, la décision du 29 juin 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de revalorisation de l'IRE de l'intéressé dans le cadre de son affectation au Vietnam est elle-même entachée d'illégalité, dès lors qu'elle est fondée sur l'arrêté du 1er octobre 1997. M. B... est ainsi fondé à en demander l'annulation pour ce motif.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens

soulevés par M. B..., qu'il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de

revalorisation de son IRE dans le cadre de son affectation au Vietnam et à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à cette revalorisation. Il y a lieu par voie de conséquence d'annuler ce

jugement dans cette mesure ainsi que la décision du ministre des armées du 29 juin 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. D'une part, le présent arrêt implique, eu égard à ses motifs, d'enjoindre au ministre des armées de verser à M. B... une somme correspondant à la différence entre, d'une part, la somme des indemnités de résidence à l'étranger auxquelles il aurait pu prétendre pendant la

période de son affectation au Vietnam du 22 septembre 2019 au 31 août 2020 si celles-ci avaient été calculées sur la base de son classement au tableau n°1 annexé à l'arrêté du 1er octobre 1997, et, d'autre part, la somme des indemnités de résidence qu'il a effectivement perçues au titre de cette même période. M. B... est renvoyé devant l'administration afin qu'il soit procédé au calcul et à la liquidation de cette indemnité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

7. D'autre part, aux termes de l'article 19 du décret du 1er octobre 1997 : " (...) Le congé pris à l'issue du séjour ouvre droit à la totalité des émoluments que les militaires perçoivent en situation de présence au poste, à l'exception toutefois de l'indemnité de résidence à l'étranger qui est réduite de 50 % pour les officiers et de l'indemnité pour frais de représentation qui est supprimée. ".

8. Il résulte de l'instruction que M. B... cumulait quarante-cinq jours de congés de fin de campagne non pris à l'issue de son affectation au Vietnam, et que sa situation administrative ouvrait droit au régime prévu par les dispositions du décret du 1er octobre 1997 jusqu'au

14 octobre 2020. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de lui verser une somme

correspondant à la différence entre, d'une part, la somme des indemnités de résidence à l'étranger auxquelles il aurait pu prétendre pendant la période de ses congés administratifs du 1er septembre au 14 octobre 2020 si celles-ci avaient été calculées sur la base de son classement au tableau n°1 annexé à l'arrêté du 1er octobre 1997 et, d'autre part, la somme des indemnités de résidence qu'il a effectivement perçues au titre de cette même période. M. B... est renvoyé devant

l'administration afin qu'il soit procédé au calcul et à la liquidation de cette indemnité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les intérêts :

9. Les sommes mises à la charge de l'Etat pour les motifs exposés aux points 6 et 8

porteront intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2020, date de la demande préalable présentée par M. B..., avec capitalisation des intérêts à compter du 16 janvier 2021 et à chaque échéance annuelle.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B..., en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : La décision du ministre des armées du 29 juin 2020 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de verser à M. B... l'indemnité de résidence à l'étranger selon les modalités prévues aux points 6 à 9.

Article 3 : Le jugement n° 2011775 et 2014207/6-3 du 6 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

Mme Bories, présidente assesseure,

M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.

La rapporteure,

C. BORIES

La présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25PA00143 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 25PA00143
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;25pa00143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award