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21/05/2025 | FRANCE | N°24PA04260

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 21 mai 2025, 24PA04260


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C..., M. B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre départemental Enfants et Famille de F...) à leur verser la somme totale de 44 500 euros en réparation de leurs préjudices.



Par une ordonnance n° 2302196/4 du 16 août 2024, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2024, et un mémoire enregistré le 17 mars 2025, qui n'a pas été communiqué,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., M. B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre départemental Enfants et Famille de F...) à leur verser la somme totale de 44 500 euros en réparation de leurs préjudices.

Par une ordonnance n° 2302196/4 du 16 août 2024, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2024, et un mémoire enregistré le 17 mars 2025, qui n'a pas été communiqué, les consorts C..., représentés par Me Guner, demandent à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 16 août 2024 ;

2°) de condamner le CDEF de E... à verser à Mme C... la somme de 36 500 euros, à M. B... C... la somme de 5 000 euros et à M. A... C... la somme de 3 000 euros, assorties des intérêts à compter du 21 octobre 2022, en réparation de leurs préjudices consécutifs à l'illégalité de la sanction prononcée à l'encontre de Mme C... le 21 octobre 2019 ;

3°) de mettre à la charge du CDEF une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête introductive d'instance présentée devant le tribunal administratif n'était pas dépourvue de moyens ;

- la responsabilité de l'établissement public CDEF est engagée en raison de l'illégalité fautive de la sanction prononcée le 21 octobre 2019, du retrait des enfants confiés à Mme C... entre septembre 2019 et mars 2020, et de la procédure judiciaire engagée à son encontre ;

- le préjudice de Mme C... doit être indemnisé à hauteur de 36 500 euros, à raison de 18 000 euros au titre de son préjudice moral, 10 000 euros au titre de l'atteinte à son honneur et à sa réputation, et 8 500 euros au titre des conséquences sur son état de santé ;

- le préjudice moral de M. B... C..., son époux, est évalué à 5 000 euros ;

- le préjudice moral de M. A... C..., leur fils, est évalué à 3 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2025, le CDEF, représenté par Me Clément, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Güner, représentant les consorts C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C... exerce depuis le 20 juillet 1995 la profession d'assistante familiale, et a été recrutée le 19 juillet 2001 par le Centre Départemental Enfants et Famille de E... (CDEF 93), sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. A la suite d'un signalement de la part de deux enfants dont elle avait eu la garde, elle a fait l'objet d'un blâme le 21 octobre 2019. Cette sanction a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 10 juin 2022. Par un courrier du 20 octobre 2022, reçu le lendemain, Mme C..., M. B... C..., son époux, et M. A... C..., son fils, ont demandé au CDEF 93 d'indemniser les préjudices consécutifs à cette illégalité fautive. Le silence gardé sur cette demande indemnitaire préalable a fait naitre une décision implicite de rejet. Les consorts C... relèvent appel de l'ordonnance du 16 août 2024 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur requête indemnitaire.

En ce qui concerne les conclusions de Mme C... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un

mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Il résulte de l'instruction que la requête introductive d'instance des consorts C... se bornait à faire valoir que " le CDEF 93 engage sa responsabilité pour faute en raison de l'illégalité qu'il a commis [sic] en infligeant à Mme D... C... la sanction de blâme et l'inscription de cette sanction dans son dossier administratif ", avant d'exposer les préjudices consécutifs à cette illégalité. Ce faisant, les requérants ne faisaient référence ni au jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil avait annulé la sanction infligée à Mme C..., ni à leur demande

indemnitaire préalable, et ne précisaient pas davantage la nature des illégalités commises par

l'administration. Dans ces conditions, cette requête sommaire ne peut être regardée comme contenant l'exposé de faits et moyens au sens des dispositions précitées au point 2.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par

l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Cette sous-section comprend l'article L. 112-3, aux termes duquel : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ", ainsi que l'article L. 112-6, aux termes duquel : " Les délais de recours ne sont pas

opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ".

6. Il résulte des dispositions rappelées aux points 4 et 5 ci-dessus qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.

7. Il résulte de l'instruction que la demande indemnitaire préalable des consorts C... a été reçue par le CDEF 93 le 21 octobre 2022. En l'absence de réponse de la part de cet établissement public, cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet qui a pris naissance le 21 décembre 2022. La circonstance que l'administration n'ait pas accusé réception de cette demande n'a pas fait obstacle au déclenchement, à l'encontre de Mme C..., agent public, du délai de recours contentieux qui a ainsi expiré le 22 février 2023. A la date de présentation de son mémoire complémentaire, le 8 avril 2024, le délai de recours contentieux dont disposait Mme C... était ainsi expiré et sa requête n'était plus susceptible d'être régularisée. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme irrecevable.

En ce qui concerne les conclusions de MM. B... et A... C... :

8. Le litige entre l'administration et les membres de la famille d'un fonctionnaire aux fins de réparation des préjudices propres, qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité fautive d'une sanction prise à l'encontre de leur conjoint, père ou mère, ne saurait être regardé comme un litige entre l'administration et l'un de ses agents au sens et pour l'application de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les dispositions précitées de l'article L. 112-6 leur sont par suite applicables.

9. Il est constant que le CDEF 93 n'a pas accusé réception de la demande préalable d'indemnisation présentée par MM. C... le 21 octobre 2022, en méconnaissance des dispositions énoncées à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, les délais de recours de droit commun ne leur étaient pas opposables et la régularisation de leur demande enregistrée devant le tribunal administratif le 8 avril 2024 n'était pas tardive. Il s'ensuit que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme irrecevables les demandes de M. B... C... et de M. A... C.... Par suite, l'ordonnance doit être annulée dans cette mesure.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de MM. C....

Sur les frais de l'instance d'appel :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CDEF 93 une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par MM. C..., et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par cet établissement sur le même fondement doivent en

revanche être rejetées.

DECIDE:

Article 1er : Les conclusions présentées par Mme C... sont rejetées.

Article 2 : L'ordonnance du tribunal administratif de Montreuil du 16 août 2024 est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de M. B... C... et de M. A... C....

Article 3 : M. B... C... et M. A... C... sont renvoyés devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il soit statué sur leurs demandes.

Article 4 : Le CDEF 93 versera à M. B... C... et à M. A... C... la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le CDEF 93 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. B... C..., à M. A... C... et au centre départemental Enfants et Familles de E....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

Mme Bories, présidente assesseure,

M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.

La rapporteure,

C. BORIES

La présidente,

S. VIDALLa greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au préfet de E... en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA04260 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA04260
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SELARL CLEMENT DELPIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24pa04260 ?
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