La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2025 | FRANCE | N°24PA00834

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 21 mai 2025, 24PA00834


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 ainsi que les pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2103727/1-2 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

>


Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 19 février 2024, la SAS Café de Flor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Café de Flore a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 ainsi que les pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2103727/1-2 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2024, la SAS Café de Flore, représentée par Me Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 décembre 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires et de l'amende mises à sa charge.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le service vérificateur a regardé comme n'étant pas engagés dans l'intérêt de son exploitation les frais exposés, d'une part, en vue des réceptions organisées à l'occasion du 14 juillet 2015 ainsi qu'en février 2016 à l'occasion de la remise de la légion d'honneur à sa présidente et, d'autre part, pour les achats de tenues vestimentaires portées lors du prix de Flore en 2014, 2015 et 2016 ;

- l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts est mal fondée par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 12 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Café de Flore, qui exerce une activité de débit de boissons, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2014 à 2016. Par une proposition de rectification du 4 décembre 2017 le service lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par lettre du 12 mars 2018, l'administration lui a infligé l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Par la présente requête, la société Café de Flore relève appel du jugement du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et en pénalités, de ces impositions et de l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur le bien-fondé des redressements litigieux :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. L'administration a remis en cause la déductibilité à l'impôt sur les sociétés de frais de réception exposés en juillet 2015 et en février 2016, ainsi que des dépenses effectuées pour l'achat de tenues vestimentaires portées lors des soirées de remise du prix de Flore en 2014, 2015 et 2016. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il lui appartient de démontrer, outre la nature de ces charges, l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée.

4. D'une part, la société Café de Flore soutient que les dépenses liées au cocktail donné en février 2016 pour deux cents personnes à l'occasion de la remise de la légion d'honneur à sa présidente ont été engagées dans l'intérêt de la société, et que l'établissement en a retiré des contreparties en matière de publicité et d'activité. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les retombées médiatiques de cet évènement, qui avait pour objet de célébrer la décoration honorifique d'une personne physique liée à la société, auraient contribué à la notoriété du café de Flore ou à l'augmentation de son chiffre d'affaires au cours des deux exercices suivants, de sorte que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme en cause dans les résultats imposables de la société requérante au titre de l'exercice clos en 2016.

5. D'autre part, l'administration a remis en cause la déductibilité à l'impôt sur les sociétés des dépenses engagées par la société requérante à l'occasion d'un séjour de trois nuitées pour onze personnes autour du 14 juillet 2015, tout en admettant que quatre des invités l'avaient été dans l'intérêt direct de l'exploitation compte tenu de leur qualité d'apporteurs d'affaires. En ce qui concerne les onze autres convives, la société se prévaut de leur qualité d'apporteurs d'affaires et d'interlocuteurs pour la résolution d'un conflit interne. En se bornant toutefois à évoquer les circonstances que l'un de ses invités possède un vignoble, que les autres participent à la renommée de l'établissement et que la recherche d'une synergie était nécessaire pour résoudre des difficultés d'ordre social, la société requérante n'établit pas l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle a retirée de ces invitations. L'administration était donc fondée à réintégrer ces sommes au bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2015.

6. Enfin, la société requérante soutient que l'achat de tenues vestimentaires haut de gamme portées par la présidente et l'attachée de presse lors des soirées de remise du prix de Flore est justifié par le standing de cet évènement et le retentissement sur la notoriété de l'établissement. Toutefois, le prestige de cette manifestation ne permet pas d'identifier une contrepartie tirée de ces dépenses, eu égard à leur nature. L'administration doit ainsi être regardée comme justifiant que les dépenses d'achat de vêtements en 2014, 2015 et 2016 n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et était donc fondée à réintégrer ces charges au bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) ".

8. Le service vérificateur a relevé que la société Café de Flore ne lui avait pas communiqué l'identité des bénéficiaires réels de diverses dépenses que celle-ci avait engagées. Il résulte de l'instruction que par la proposition de rectification du 4 décembre 2017, la société requérante a été invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications

complémentaires sur les bénéficiaires des sommes réputées distribuées. Il est constant que la

société n'a communiqué à l'administration aucune indication dans le délai qui lui était imparti. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DECIDE:

Article 1er : La requête de la société Café de Flore est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Café de Flore et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

Mme Bories, présidente assesseure,

M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.

La rapporteure,

C. BORIES

La présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00834 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00834
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24pa00834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award