La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2025 | FRANCE | N°24PA00421

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 21 mai 2025, 24PA00421


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association polynésienne des travailleurs handicapés (APTH) a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des impositions qui lui ont été assignées au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2019 et 2020.



Par un jugement n° 2300104 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé l'APTH de l'ensemble de ces impositions et a mis à la charge de la Polynésie

française la somme de 150 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association polynésienne des travailleurs handicapés (APTH) a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des impositions qui lui ont été assignées au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2019 et 2020.

Par un jugement n° 2300104 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé l'APTH de l'ensemble de ces impositions et a mis à la charge de la Polynésie française la somme de 150 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 17 juillet 2024 qui n'a pas été communiqué, la Polynésie française, représentée par Me Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de remettre à la charge de l'APTH les impositions dont les premiers juges ont prononcé la décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'association la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen de défense tiré des relations privilégiées que l'association entretient avec les entreprises du secteur lucratif.

Sur le bien-fondé :

- l'activité de l'association présentant un caractère lucratif eu égard à sa gestion, et à sa situation de concurrence et ses liens privilégiés avec des entreprises du secteur lucratif, elle est imposable à l'impôt sur les sociétés.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 15 mai 2024, l'APTH, représentée par Me Canevet, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la Polynésie française à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- l'instruction fiscale n° 1-2008 DC du 4 juillet 2008 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association polynésienne des travailleurs handicapées (APTH), créée en 1997, a notamment pour objet d'accompagner les personnes handicapées pour leur insertion professionnelle. Elle est propriétaire d'un immeuble qu'elle donne en location à une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), les Ateliers pour la réinsertion professionnelle des personnes handicapées, qui y exerce une activité de reprographie et d'imprimerie. Cette activité de location a été regardée par l'administration comme exercée dans un but lucratif, et susceptible de justifier l'assujettissement de l'association à l'impôt sur les sociétés. La Polynésie française relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé l'APTH de l'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre des exercices 2019 et 2020.

2. Aux termes de l'article LP. 112-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés à responsabilité limitée, ainsi que les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes de la Polynésie française et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif ".

3. Les personnes morales de Polynésie française ne sont exonérées d'impôt sur les sociétés que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où la personne morale intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération d'impôt sur les sociétés lui est acquise, si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

4. D'une part, la gestion de l'APTH doit être regardée comme présentant un caractère désintéressé, en dépit de la circonstance qu'elle est l'associée unique de la SASU à laquelle elle loue des locaux, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SASU retirerait de leur lien un avantage concurrentiel lui permettant de réaliser, de manière directe, un surcroît de recettes, que son activité s'en trouverait facilitée, ses dépenses réduites ou ses recettes accrues.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'APTH met en location un local à usage professionnel comprenant des ateliers, des bureaux, des locaux techniques et des entrepôts, situé dans une zone d'activité de Papeete, où des activités commerciales similaires sont pratiquées. La Polynésie française soutient, sans être contredite, que les loyers pratiqués pour le bail de cet ensemble de locaux sont similaires à ceux du secteur concurrentiel. Par ailleurs, l'association ne soutient ni que les besoins du marché seraient insuffisamment satisfaits, ni avoir eu une politique de modulation des loyers en fonction de la situation de la SASU, ni que la SASU ne pourrait avoir accès à la location sur le marché immobilier local. Enfin, l'objectif d'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, poursuivi par l'association et la SASU, est sans incidence sur le caractère lucratif de l'activité en litige, qui se limite à la location d'un ensemble immobilier, laquelle est exercée en concurrence avec le secteur commercial et selon des modalités similaires. Dans ces conditions, l'APTH doit être regardée comme exerçant son activité dans un but lucratif.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé l'APTH de l'obligation de payer les sommes relatives aux cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2019 et 2020. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement et de remettre ces impositions à la charge de l'association. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, celles présentées sur le même fondement par l'association ne pouvant qu'être rejetées en conséquence de ce qui précède.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 28 novembre 2023 est annulé.

Article 2 : L'obligation de payer les sommes relatives aux cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2019 et 2020 est remise à la charge de l'APTH.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association polynésienne des travailleurs handicapés et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.

La rapporteure,

C. BORIES

La présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne ministre d'Etat, ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00421 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00421
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CANEVET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24pa00421 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award