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21/05/2025 | FRANCE | N°24PA00419

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 21 mai 2025, 24PA00419


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Eviden France, venue aux droits de la SAS Atos, elle-même venue aux droits de la SAS Imakumo, a demandé au tribunal administratif de Polynésie française de prononcer la décharge des impositions supplémentaires, d'un montant global de 71 545 456 F CFP en droits et pénalités, mises à la charge de la société Atos, au titre de l'impôt sur les sociétés, de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les bénéfices des sociétés

(CSIS), de l'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et de la contribution de solidarité terri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Eviden France, venue aux droits de la SAS Atos, elle-même venue aux droits de la SAS Imakumo, a demandé au tribunal administratif de Polynésie française de prononcer la décharge des impositions supplémentaires, d'un montant global de 71 545 456 F CFP en droits et pénalités, mises à la charge de la société Atos, au titre de l'impôt sur les sociétés, de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les bénéfices des sociétés (CSIS), de l'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et de la contribution de solidarité territoriale sur les revenus de capitaux mobiliers (CSTCM) pour les exercices 2017 et 2018.

Par un jugement n° 2300121 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2023, la société Eviden, représentée par Me Canevet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 28 novembre 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification a été notifiée à une personne non habilitée pour la recevoir ;

- les demandes de renseignements adressées à des tiers sont irrégulières ;

- l'administration n'a pas respecté son devoir de loyauté ;

- le secret fiscal a été méconnu ;

- la prescription est acquise pour l'année 2017 ;

- la société Imakumo n'a commis aucun manquement dans l'affiliation de ses salariés ;

- l'inspection du travail et la caisse de prévoyance sociale ont estimé que la situation de salariat n'était pas établie pour la période antérieure à novembre 2018 ;

- les prestataires de services sont affiliés à la sécurité sociale ;

- ils n'étaient pas débiteurs d'une affiliation immédiate ;

- la Polynésie française n'établit pas le lien de subordination ;

- le dirigeant ne peut être regardé comme un salarié ;

- la réalité des prestations effectuées ne peut être remise en cause ;

- l'établissement secondaire peut être exonéré en tant qu'entreprise nouvelle, les obligations comptables et fiscales ayant été respectées ;

- l'établissement secondaire a droit à une réduction d'impôt en sa qualité d'exportateur de services informatiques ;

- l'administration fiscale a reconnu ce droit à une réduction d'impôt ;

- il convient d'en tirer les conséquences en matière de contribution supplémentaire au titre de l'impôt sur les sociétés et d'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers ;

- aucun désinvestissement ne peut être constaté ;

- il convient d'en tirer les conséquences en matière de contribution de solidarité territoriale sur les revenus de capitaux mobiliers ;

- les prestataires de services ne pouvant être regardés comme des salariés, la contribution de solidarité territoriale sur les salaires n'est pas due ;

- cette contribution, compte tenu de ce que les sommes en cause ont été soumises à la contribution de solidarité territoriale sur les activités non salariées, conduit à une double imposition.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2024, la Polynésie française, représentée par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.

Par un mémoire enregistré le 30 mai 2024 après la clôture de l'instruction, la SAS Eviden France maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Imakumo, spécialisée dans le conseil en systèmes informatiques, disposait d'un établissement secondaire en Polynésie française. Sa comptabilité a fait l'objet d'une vérification par la direction des impôts et des contributions publiques de la Polynésie française. Au terme de ce contrôle, elle a été destinataire d'une proposition de rectification, datée du 28 mai 2021, portant sur les exercices 2017 et 2018. Le 6 juillet 2021, la société a présenté des observations sur les rectifications envisagées puis a saisi, le 15 octobre 2021, la commission des impôts. Le 15 mars 2022, la commission des impôts s'est déclarée incompétente pour l'ensemble des questions soulevées. Les impositions notifiées ont été mises en recouvrement, par rôle individuel, le 4 avril 2022 et par un avis de mise en recouvrement du 24 juin 2022. Le recours contentieux, formé le 22 août 2022, a été implicitement rejeté. Par la présente requête, la société Eviden France, venue aux droits de la société Atos France, elle-même venue aux droits de la SAS Imakumo, relève appel du jugement par lequel le tribunal de la Polynésie française a rejeté sa demande en décharge de la somme de 71 545 456 F CFP ainsi mise à sa charge.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 28 mai 2021 a été envoyée à la société requérante à l'adresse et à la boîte postale de la société BDO-FITEC, son expert-comptable, déclarée le 21 octobre 2015 comme adresse d'établissement à l'administration fiscale. Si la société fait valoir qu'elle n'a pas élu domicile au cabinet de cet expert-comptable ni mandaté une personne physique pour recevoir un pli, elle ne conteste pas que le président de la société Imakumo avait accordé une délégation de pouvoir à une experte-comptable de la société BDO-FITEC, afin notamment d'" agir au nom de la société dans toute procédure impliquant cette dernière vis-à-vis de l'administration fiscale, répondre à toute demande d'information et plus généralement, à tout courrier de l'administration fiscale, notamment en matière contentieuse, précontentieuse ou de vérification " et que le courrier a été déposé à l'accueil du cabinet au nom de l'experte-comptable. Dans ces conditions, la société requérante, qui, au surplus, a présenté des observations après la réception de la proposition de rectification du 28 mai 2021 et qui doit donc également être regardée pour ce motif comme l'ayant reçue, n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification ne lui a pas été régulièrement notifiée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article LP. 411-1 du code des impôts : " Les agents assermentés de la direction des impôts et des contributions publiques ont le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables. /A cette fin, ils peuvent demander aux contribuables tous renseignements, justifications et éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites et aux actes déposés. / Ils contrôlent également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements ".

5. Il résulte de l'instruction que l'agent de contrôle a régulièrement demandé, en application de l'article LP. 411-1 du code des impôts, à chaque patenté travaillant ou ayant travaillé pour la société Umakumo des renseignements sur son activité, notamment, la facturation de la taxe sur la valeur ajoutée, le montant du chiffre d'affaires réalisé par exercice au titre des années 2016, 2017 et 2018 et l'identité de ses principaux clients. La seule circonstance que les courriers adressés aux prestataires, qui n'avaient pas à mentionner leur caractère non contraignant, indiquaient que cette demande de renseignements était effectuée pour vérifier l'éligibilité du destinataire au régime fiscal des très petites entreprises alors que les prestataires relevaient des exemptions applicables aux entreprises nouvelles prévues par l'article

LP. 368-3 du code des impôts, ne saurait entacher d'irrégularité la demande adressée aux prestataires et l'utilisation des informations obtenues pour conforter l'analyse des relations entre ces derniers et la société Imakumo, ni conduire à regarder l'administration comme ayant méconnu son devoir de loyauté.

6. En troisième lieu, un contribuable ne saurait valablement se prévaloir, à l'appui de conclusions en décharge d'impositions mises à sa charge, de ce que les renseignements obtenus légalement de tiers et utilisés pour fonder les rehaussements en cause lui auraient été communiqués, dans le cadre des garanties attachées à la procédure d'imposition menée à son encontre, en méconnaissance du secret professionnel opposable à l'administration fiscale par les tiers en cause. Il suit de là que la société requérante, qui ne précise d'ailleurs pas quels éléments prétendument couverts par le secret fiscal lui auraient été communiqués, ne saurait par suite valablement se prévaloir d'une irrégularité de la procédure d'imposition au motif que l'administration fiscale n'a pas fait droit à sa demande tendant à obtenir la preuve que les destinataires de la demande de renseignements évoquée au point précédent ont expressément consenti à l'utilisation des informations communiquées.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la prescription :

7. Aux termes de l'article LP. 451-1 du code des impôts de la Polynésie française alors applicable : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Selon l'article LP. 451-3 du même code : " Est interruptive de prescription : - toute proposition de rectification motivée et notifiée à son destinataire (...) ". En outre, aux termes de l'article LP. 7 de la loi du pays n° 2000-20 du 3 août 2020 : " Sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et ne courent qu'à compter de l'expiration de ce même délai, s'agissant de ceux qui, pour l'application des 2° et 3°, auraient commencé à courir pendant la période précitée, les délais : 1°) Accordés, en application des articles LP. 451-1 et LP. 451-2 du code des impôts, à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition et appliquer les intérêts de retard et les sanctions, lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 ". Aux termes de l'article 1 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 : " I.- L'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-190 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 est prorogé jusqu'au 10 juillet 2020 (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le délai de reprise dont dispose l'administration a été suspendu du 12 mars 2020 au 10 août 2020. De ce fait, le délai dont disposait l'administration pour vérifier la comptabilité de l'exercice 2017 de la société requérante, qui aurait dû arriver à terme le 31 décembre 2020, a été prorogé de quatre mois et 29 jours, soit jusqu'au 29 mai 2021 inclus.

8. Il est constant que la proposition de rectification n° 230-MEF-DICP du 28 mai 2021 a été remise en main propre le même jour à l'adresse qu'avait indiquée l'entreprise comme adresse d'établissement. Si la société requérante fait valoir comme précédemment que cette notification n'est pas régulière, il résulte de ce qui a été dit au point 2. que ce moyen ne peut qu'être écarté. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la prescription pour l'exercice 2017 n'a pas été interrompue par la notification, le 28 mai 2021, de cette proposition de rectification.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la contribution supplémentaire sur les bénéfices des sociétés :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 111-1 du code des impôts : " Il est établi un impôt sur l'ensemble des bénéfices ou revenus réalisés par les sociétés et autres personnes morales désignées à l'article 112-1 ci-après. / Cet impôt est désigné sous le nom d'impôt sur les sociétés ". En application de l'article LP. 113-5 du code des impôts : " Sont exclus des charges déductibles pour la détermination du bénéfice imposable : (...) 4 - Les salaires perçus par les salariés astreints à immatriculation obligatoire à un régime de protection sociale en Polynésie française, qui ne respectent pas cette obligation, pour leur activité dans l'entreprise ;

Pour l'application de ces dispositions, doit être considérée comme salariée toute personne liée à un employeur par un contrat de travail écrit ou tacite ou tenue vis à vis de ceux qui utilisent ses services par des liens de subordination ou d'étroite dépendance ; (...) ". Aux termes de l'article 121-1 du code des impôts : " Les sociétés visées au chapitre Ier du titre Ier du code des impôts dont le bénéfice fiscal de l'exercice aura atteint ou dépassé cinquante millions de francs sont soumises à la contribution supplémentaire sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales ".

10. Il résulte de l'instruction que la SAS Imakumo avait principalement pour activité l'exploitation de service " cloud " et l'adaptation de logiciels ou solutions informatiques spécifiques aux métiers de sa clientèle nationale ou internationale. Son établissement secondaire, installé en Polynésie française, venait en appui de l'établissement principal dans le développement, le paramétrage et l'assistance des logiciels clients. Il n'est pas contesté que l'établissement contrôlé par l'administration fiscale n'a déclaré aucun salarié sur la totalité de la période vérifiée. Il avait ainsi exclusivement recours, avant la régularisation intervenue au mois d'octobre 2021, à des prestataires. Or, il est constant que les contrats passés entre la société et ses prestataires précisaient que, sauf accord express préalable, les prestations devaient être réalisées dans les locaux de la société, que le prestataire devait, en outre, respecter les règles internes dans la réalisation de ses missions et se conformer aux objectifs fixés par un bon de commande dont le modèle est commun à l'intégralité des prestataires, que le format des factures et les relevés de temps sont les mêmes pour la majorité des personnes physiques éditant des factures pour la société et que les moyens et renseignements nécessaires à l'accomplissement des prestations étaient fournis par la société. L'agent de contrôle a également relevé que les factures éditées par les prestataires suivaient un ordre chronologique et se suivaient de façon continue au bénéfice exclusif ou quasi exclusif de la société requérante. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale, en dépit de la dénomination du contrat par les parties et de l'inscription des prestataires au registre du commerce et des sociétés, et alors même que certains des prestataires auraient pu être libres de travailler à distance ou pour le compte de tiers et que la réalité des prestations facturées n'a pas été remise en cause, a considéré que l'accomplissement effectif d'une prestation de travail dans les conditions précitées prévues par ce même contrat, plaçait le " prestataire" dans un état de subordination et de dépendance à l'égard de son " commanditaire " et qu'en conséquence, sous l'apparence d'un contrat de prestations de services informatiques, était en fait dissimulée l'existence d'un contrat de travail pour l'application de l'article LP. 113-5 du code des impôts cité au point précédent. Or, il est constant que les " prestataires " en cause ne s'étaient pas, au cours de la période en litige, immatriculés en tant que salariés à un régime de protection sociale en Polynésie française. En outre, et en tout état de cause, et contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des avis d'inscription au répertoire des entreprises décrivant leur situation en 2023, qu'ils auraient été inscrits à un tel régime à un autre titre au cours des années en cause. Si par ailleurs la société requérante fait valoir que l'obligation d'immatriculation n'est pas immédiate et ne concerne que les personnes résidant en Polynésie française depuis plus de six mois, elle se borne à indiquer qu'" il se trouve que les intéressés sont métropolitains et ont, pour la plupart, exercé leur activité à peine plus de six mois au sein de la SAS Imakumo, ceci dès leur arrivée en Polynésie française " et ne met pas la Cour en état d'identifier avec précision les salariés ne relevant pas de l'obligation en cause ni les périodes concernées par cette absence d'obligation. Les sommes qui leurs étaient versées, qui doivent être qualifiées de salaires, n'étaient par suite pas déductibles du résultat de la société Imakumo en vertu des dispositions du 4 de l'article LP. 113-5 du code des impôts. La circonstance que l'administration du travail et la caisse de prévoyance sociale n'aient demandé que la situation de ces prestataires soit régularisée qu'à compter du mois de novembre 2018, ne faisait pas obstacle à ce que l'administration fiscale, faisant application de ces dispositions, constate l'existence d'une situation de salariat en 2017 et en 2018.

11. Si la société requérante fait valoir que M. A... avait la qualité de mandataire social et ne pouvait en conséquence être regardé comme salarié de l'entreprise, il résulte de l'instruction qu'il était, comme les autres prestataires, considéré comme un prestataire extérieur de la société Imakumo, qui ne lui avait conféré aucun statut de mandataire social. Aucun document n'est produit de nature à étayer le moyen tiré de ce qu'il aurait eu en réalité la qualité de mandataire social, alors qu'il exerçait des fonctions exclusivement pour le compte de la société Imakumo, sous la supervision du président et du directeur général de celle-ci et était régulièrement rémunéré pour ce faire. La circonstance qu'il ait exercé des fonctions de directeur de l'établissement ne saurait à elle seule exclure sa qualité de salarié. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale, en dépit de la dénomination du contrat par les parties et de l'inscription de ce prestataire au registre du commerce et des sociétés, a considéré que l'accomplissement effectif de la prestation de travail de M. A... dans les conditions prévues par ce contrat, plaçait ce prestataire " dans un état de subordination et de dépendance " à l'égard du " commanditaire " et qu'en conséquence, sous l'apparence d'un contrat de prestations de services informatiques, était en fait dissimulée l'existence d'un contrat de travail. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'il a présenté en 2017 à l'administration fiscale une demande de prise de position formelle sur la situation de l'établissement en tant que " directeur " de cet établissement et que l'administration fiscale lui a répondu ne saurait être regardée comme une reconnaissance par cette dernière de la qualité de mandataire social de l'intéressé.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article LP. 115-1 du code des impôts : " (...) 6 - Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, qui produisent, transforment ou revendent des biens corporels neufs ainsi que celles qui conçoivent, développent ou exploitent des productions informatiques ou multimédia, bénéficient d'une réduction d'impôt égale au pourcentage du chiffre d'affaires réalisé à l'exportation par rapport au chiffre d'affaires total. Ce ratio, exprimé en pourcentage, est arrondi à l'unité inférieure. (...) ". En vertu de l'article LP. 115-3 de ce code : "1 - Les entreprises nouvelles sont exonérées d'impôt sur les sociétés pour leurs trois premiers exercices. Lorsque la durée cumulée des trois premiers exercices excède 36 mois, l'exonération du troisième exercice est calculée au prorata de cette dernière limite. Tout mois commencé est comptabilisé ". Selon l'article LP. 471-1 de ce code : " Le bénéfice des crédits, réductions ou exonérations d'impôts de tous types prévus par le présent code et le code des investissements est subordonné à la déclaration régulière des éléments servant de base à la détermination et au contrôle des impôts sur lesquels les dits crédits, réductions ou exonérations ont vocation à s'appliquer. / Il en résulte que les crédits, réductions, ou exonérations d'impôts ne peuvent être déterminés ou imputés sur des impositions consécutives à des rectifications ou taxations d'office effectués par la direction des impôts et des contributions publiques. / Les crédits, réductions, ou exonérations d'impôts ne peuvent être déterminés ou imputés sur des impositions faisant l'objet des majorations prévues au 3 de l'article LP. 511-4 du présent code ". Enfin, aux termes de l'article LP. 421-2 du même code : " L'administration ne peut procéder à aucune rectification sur le fondement d'une interprétation différente lorsque le redevable démontre que l'interprétation du texte fiscal qui fait l'objet du différend, avait été, à l'époque, formellement admise dans une réponse individuelle qui lui avait été adressée suite à une demande de renseignements écrite, par le directeur des impôts et des contributions publiques, sous réserve que la réponse soit, elle-même, le cas échéant, conforme aux instructions, circulaires et réponses déjà publiées. La prise de position invoquée par le contribuable doit lui avoir été officiellement adressée et doit être antérieure à la date de dépôt de la déclaration, ou en l'absence d'obligation déclarative, à celle du paiement. En toute hypothèse, l'administration conserve la faculté de rapporter, pour l'avenir, sa prise de position antérieure (...) ".

13. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la société requérante ne peut se prévaloir ni de l'exonération dont bénéficient les entreprises nouvelles, ni de la réduction d'impôt dont bénéficient les entreprises exportatrices de prestations informatiques, dès lors que les impositions mises à sa charge sont consécutives à des rectifications effectuées par la direction des impôts et des contributions publiques. La circonstance que l'administration fiscale ait reconnu le droit à la réduction d'impôt dont bénéficient les entreprises exportatrices de prestations informatiques par une prise de position du 19 avril 2017 ne constitue aucune interprétation formelle des dispositions qui excluent de ce bénéfice les montants qui n'ont pas été régulièrement déclarés par le contribuable. Cette prise de position ne saurait par suite être valablement invoquée sur le fondement des dispositions précitées de l'article LP 421-2 du code des impôts.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et la contribution de solidarité territoriale sur les revenus des capitaux mobiliers :

14. Aux termes de l'article 171-1 du code des impôts : " L'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers s'applique : (...) 9°) aux revenus distribués par les personnes morales visées aux 1°) et 2°), dans les conditions suivantes : a) tous les bénéfices ou produits de ces personnes morales qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; b) toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ; (...) ". Aux termes de l'article 196-1 du même code : " Les revenus taxables en application du chapitre II du titre Ier de la Ire partie du code des impôts et mis à la disposition des bénéficiaires à compter du 1er janvier 1995 supportent une contribution de solidarité territoriale ".

15. Il résulte de l'instruction que les sommes versées aux prestataires de services l'ont été en échange des prestations qu'ils ont fournies. L'administration fiscale ne développe aucun argument de nature à remettre en cause la réalité de ces prestations ou le caractère normal des sommes versées en contrepartie. Ainsi et alors même que la société a passé à tort en charges les sommes en cause, l'administration les ayant à bon droit requalifiées en salaires non déductibles en vertu des dispositions du 4 de l'article LP. 113-5 du code des impôts, lesdites sommes ne peuvent être regardées, pour autant, comme des revenus distribués. C'est par suite à tort que l'administration a assujetti ces rehaussements à l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et à la contribution de solidarité territoriale sur ces revenus.

En ce qui concerne la contribution de solidarité territoriale sur les traitements et salaires :

16. Aux termes de l'article 193-1 du code des impôts : " Les traitements, salaires, pensions, rentes viagères et indemnités diverses dus à compter du 1er janvier 1995 sont imposables à la contribution de solidarité territoriale dans les conditions déterminées au présent chapitre. (...) ".

17. Ainsi qu'il a été dit aux points 10. et 11., les rémunérations versées aux prestataires de la SAS Imakumo doivent être regardées comme des salaires au sens et pour l'application des dispositions citées au point précédent. Par suite, l'administration fiscale de la Polynésie française a fait une exacte application de ces dispositions en assujettissant ces salaires à la contribution de solidarité territoriale. La circonstance, au demeurant non établie, que les " prestataires " de l'entreprise se seraient acquittés de la contribution de solidarité territoriale sur les activités non salariées ne saurait caractériser une situation de double imposition dès lors que le versement allégué n'a pas été effectué par la société requérante.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur les revenus de capitaux mobiliers mises à la charge de la société Umakumo au titre des années 2017 et 2018. Pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La société Eviden France est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale sur les revenus de capitaux mobiliers mises à la charge de la société Umakumo au titre des années 2017 et 2018.

Article 2 : Le surplus de la requête de la société Eviden France est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le jugement n° 2300121 du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eviden France et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne ministre d'Etat, ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 24PA00419 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00419
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CANEVET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24pa00419 ?
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