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21/05/2025 | FRANCE | N°24PA00050

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 21 mai 2025, 24PA00050


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2008804/3 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 janvier, 9 janvier et 19 avril 2024, M. et Mme B..., représentés par Me G...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2008804/3 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 janvier, 9 janvier et 19 avril 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Gelix, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) d'enjoindre l'administration de produire l'original du pli d'envoi de la proposition de rectification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la preuve de l'envoi de la proposition de rectification n'est pas apportée ;

- l'administration supporte la charge de la preuve en ce qui concerne les rectifications notifiées sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts ;

- les crédits en compte 455 ne constituent pas des revenus distribués, dès lors que les comptes en cause ont été utilisés comme comptes de liaison par l'expert-comptable lors de la reconstitution de la comptabilité ;

- ces crédits ont été annulés par les débits portés aux mêmes comptes ;

- l'expert-comptable a confirmé que les crédits en compte 455 ne constituent pas des revenus distribués ;

- le compte 455100 n'est pas un compte courant d'associé ;

- les charges ont été justifiées ;

- les sommes taxées sur le fondement de l'article 109 1 1° du code général des impôts ne correspondent à aucun désinvestissement ;

- les mêmes sommes ont été taxées sur le fondement de l'article 109 1 2° du code général des impôts ;

- il n'est pas établi que la somme de 28 287 euros ait été créditée sur un compte courant ;

- les charges réputées afférentes à des frais personnels du gérant correspondent aux frais d'entretien des locaux professionnels ou à des frais de repas nécessités par les contraintes professionnelles ;

- M. B... n'a pu appréhender les revenus réputés distribués ni en 2014, ni en 2015, compte tenu de la situation financière critique de la société Draveil Cinema ;

- le manquement délibéré n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Gelix, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, M. et Mme B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 25 avril 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a procédé au dégrèvement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2014 pour un montant de 20 300 euros en droits et 3 705 euros en pénalités. Les conclusions des requérants sont, dans cette mesure, devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". Si le contribuable conteste qu'une décision lui a bien été notifiée, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.

4. Pour établir la notification de la proposition de rectification du 5 juillet 2017 à M. et Mme B..., l'administration fiscale produit, d'une part, le bordereau du recommandé n° 2C08873747749, adressé à la dernière adresse connue des requérants et portant la mention " pli avisé et non réclamé " et, d'autre part, une attestation de La Poste, en date du 26 septembre 2017, relative à des recherches effectuées concernant ce même pli n° 2C08873747749 et indiquant : " votre courrier a été présenté et avisé le 7 juillet 2017 ". Les éléments contenus dans ces deux documents, en l'absence même du bordereau de dépôt d'objet recommandé et de traçage de l'envoi sur le site de suivi de la poste, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre l'administration de produire l'original du pli d'envoi de la proposition de rectification, permettent de justifier de la régularité des opérations de présentation du pli à ladite adresse à la date du 7 juillet 2017. M. et Mme B... ne sont par suite pas fondés à soutenir que la proposition de rectification susmentionnée ne leur a pas été valablement notifiée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que les contribuables n'ont pas produit d'observations à la suite de la notification de la proposition de rectification du 5 juillet 2017. Dès lors, par application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il leur incombe de démontrer le caractère exagéré des impositions et l'absence d'appréhension des revenus distribués, sans qu'il y ait lieu à cet égard de faire la distinction entre les redressements notifiés sur le fondement des dispositions de l'article 109 1 1° du code général des impôts et les redressements notifiés sur le fondement des dispositions de l'article 109 1 2° du même code.

7. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et sont alors imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

8. Il résulte d'une part de l'instruction que l'administration a imposé au titre de l'année 2014 sur le fondement des dispositions précitées des sommes portées au crédit de comptes 455 qui sont en principe constitutifs de comptes courants d'associés. Si les requérants font valoir que les comptes en cause ont été utilisés comme comptes de liaison par l'expert-comptable lors de la reconstitution de la comptabilité suite au détournement de celle-ci et que les crédits ont été annulés par des débits portés aux mêmes comptes, de tels moyens ne sauraient prospérer dès lors que ces crédits ont pour effet la constatation d'une dette vis-à-vis de l'associé et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces écritures de débit correspondent à l'annulation de la dette ainsi constatée et non à son règlement. Si le courriel de l'expert-comptable produit au dossier évoque effectivement les difficultés rencontrées lors de la reconstitution et l'utilisation de comptes courants en l'absence de relevés bancaires, ce document, en raison de son imprécision, ne saurait suffire à apporter la preuve de l'absence de mise à disposition des sommes portées au crédit de ces comptes. Il n'est d'ailleurs pas contesté que le compte courant 455000 a été soldé par le débit du compte banque, la somme débitée correspondant aux virements effectués tout au long de l'année au profit de M. B.... Si les requérants font valoir que le compte 455100, malgré son numéro, porte un libellé ne le désignant pas comme un compte courant d'associé, mais comme reprise d'un à nouveau, aucun élément n'est produit permettant de justifier de la réalité et de la nature de cet à nouveau, les écritures figurant à cet égard sur le Grand livre n'étant en tout état de cause pas assorties de pièces justificatives. En faisant valoir en réplique que les charges ont été pour la plupart justifiées, les requérants ne contestent pas valablement la taxation de sommes mises à la disposition de M. B... en tant qu'associé sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts.

9. Il résulte d'autre part de l'instruction que l'administration a taxé au titre de l'année 2015 sur le fondement de ces dispositions des sommes correspondant selon elle à la prise en charge par la société Draveil Cinéma de dépenses personnelles de M. B.... Les requérants ne contestent pas que M. B... était le bénéficiaire de ces sommes, qui, aux dires mêmes des intéressés, viennent en remboursement de sommes payées à l'origine par M. B... à partir de son compte personnel. Aucun élément n'est produit de nature à justifier du caractère professionnel des dépenses de matériaux, la nature et la localisation des travaux prétendument effectués dans le cadre de l'exploitation n'ayant jamais été établies, ni des frais de repas, aucune somme n'ayant été comptabilisée au titre des avantages en nature. Les généralités développées par les requérants à cet égard, relatives à la nécessité pour M. B... de se nourrir sur place ou d'exposer des frais de représentation avec ses contacts professionnels, ne sauraient suffire à apporter la preuve, qui ainsi qu'il a été dit leur incombe, de l'absence de caractère personnel des dépenses en cause, dont il n'est pas contesté qu'elles comprennent des repas pour enfants.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. / (...) ".

11. Les requérants, qui ne contestent pas que M. B... était seul maître de l'affaire exploitée par la SARL Draveil Cinéma, soutiennent que le montant du résultat fiscal reconstitué au titre de l'exercice 2014 comprend une somme de 28 287 euros correspondant au montant crédité au compte d'attente n° 467200 et que cette somme, n'ayant entraîné par elle-même aucun désinvestissement, ne saurait constituer un revenu distribué taxable sur le fondement du 1° de l'article 109 1 du code général des impôts. Ils ne fournissent pourtant aucun élément permettant de regarder les redressements sociaux en cause, qui procèdent de l'incapacité de la société à justifier de ses écritures de passif, comme ne correspondant pas à un désinvestissement. Le moyen tiré de ce que des sommes taxées sur le fondement de l'article 109 1 1° ont été également taxées sur le fondement de l'article 109 1 2° du code général des impôts ne peut être retenu en l'absence de tout élément permettant de regarder les revenus distribués provenant du compte d'attente injustifié taxés sur le fondement de l'article 109 1 1° du code général des impôts comme identiques aux revenus distribués crédités sur le compte racine 455 et taxés sur le fondement de l'article 109 1 2° du même code. Si, dans leur mémoire en réplique, les requérants font valoir que l'administration n'établit pas que le compte 455100 sur lequel aurait été crédité cette somme a la caractéristique d'un compte courant d'associé, un tel moyen est inopérant s'agissant d'une somme créditée sans justification sur un compte d'attente, intégrée dans le résultat taxable de la société et imposée à ce titre sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

12. Enfin, les sommes inscrites au crédit du compte courant détenu par un contribuable dans la comptabilité d'une entreprise doivent être regardées comme mises à sa disposition, à moins que l'intéressé ne prouve que la trésorerie de l'entreprise faisait obstacle à leur prélèvement au cours de l'année d'imposition.

13. En se bornant à faire état de la situation déficitaire de la société Draveil Cinéma au cours des années 2014 et 2015, qui aurait conduit à sa liquidation judiciaire, à invoquer un " déficit de trésorerie " de 69 983 euros en 2014 et 21 652 euros en 2015, à faire état de sa situation de trésorerie au 1er janvier et au 31 décembre de chaque année d'imposition, et à produire quelques relevés de comptes bancaires, sans fournir les documents permettant de suivre au jour le jour la situation de la trésorerie de cette société entre la date des crédits en compte courant et la clôture des exercices en cause, et à faire valoir que M. B... a été amené à renflouer la société, M. et Mme B... n'établissent pas que la situation de trésorerie de la société en cause aurait empêché effectivement tout prélèvement au cours des années d'imposition.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir la mauvaise foi du contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

15. Pour contester ces pénalités, les requérants se bornent à reprendre les moyens développés dans le cadre du bien-fondé des impositions, écartés par le présent arrêt. La volonté de l'intéressé d'éluder l'impôt doit dès lors être regardée comme établie. En outre, M. B..., qui était gérant de la société et maître de l'affaire, ne pouvait ignorer les montants portés, à son bénéfice, au passif de la société, la prise en charge par cette dernière de dépenses personnelles, ainsi que le caractère imposable des sommes ainsi mises à sa disposition. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à solliciter la décharge des pénalités qui leur ont été infligées à ce titre.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication de documents complémentaires, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de la chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 24PA00050 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00050
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : GELIX BRUNO CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-21;24pa00050 ?
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