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20/05/2025 | FRANCE | N°24PA01793

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 20 mai 2025, 24PA01793


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour du 20 décembre 2021 à laquelle s'est substitué un arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une int

erdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour du 20 décembre 2021 à laquelle s'est substitué un arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.

Par un jugement n° 2213056 du 29 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2024, M. D..., représenté par Me Chebel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son intégration professionnelle et de son ancienneté sur le territoire français ;

- en considérant que son comportement était une menace pour l'ordre public, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet ;

- les observations de Me Chebel, avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant malien né le 31 décembre 1984, et entré en France en 2016 selon ses déclarations, a sollicité le 20 décembre 2021 son admission exceptionnelle au séjour. En raison du silence gardé par l'administration sur sa demande pendant quatre mois, une décision implicite de rejet est née le 21 avril 2022. Par un arrêté du 9 novembre 2022, qui s'est substitué à la décision implicite de rejet, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 29 février 2024, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

3. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné le 28 mars 2017 par le tribunal correctionnel de Créteil à une peine d'emprisonnement de deux mois pour des faits de soustraction à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée sur le territoire français, ces faits, eu égard à leur nature ainsi qu'à leur caractère isolé et ancien, ne sont toutefois pas de nature à établir que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au motif que son comportement était constitutif d'une menace pour l'ordre public, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

5. D'autre part, si M. D... est célibataire, sans enfant en France et qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon les mentions non contestées de l'arrêté en litige, ses parents, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des bulletins de salaires produits par M. D..., ainsi que de l'attestation de concordance établie le 4 août 2020 par l'entreprise qui l'emploie, faisant état de ce qu'il a été recruté sous la fausse identité de " M. A... B... ", que le requérant justifie d'une présence habituelle sur le territoire français depuis le mois de septembre 2017, soit depuis cinq ans et deux mois à la date de l'arrêté en litige. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes pièces que M. D... a exercé une activité professionnelle à temps partiel en qualité d'agent de service au sein de la société Tertia Arc en Ciel, pour la période de septembre 2017 à juillet 2018 et que, depuis le 15 novembre 2018, il justifie d'un emploi en contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de plongeur manutentionnaire au sein de la société Birka LGE " Flora Danica - Le Copenhague ", qui, satisfaite de ses qualités tant personnelles que professionnelles, ainsi qu'il ressort de la lettre de motivation établie le 4 août 2020, a déposé une demande d'autorisation de travail le même jour en sa faveur. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, M. D... justifie d'une expérience professionnelle sans discontinuité de quatre années dans un secteur qui connaît des difficultés de recrutement en Île-de-France. Dans ces conditions, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, en particulier à la durée de sa résidence habituelle en France et à la stabilité et à l'ancienneté de son insertion professionnelle, M. D... est fondé à soutenir qu'en estimant qu'il ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour et en lui refusant, par suite, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il suit de ce qui a été exposé aux points 4 et 5 que la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 novembre 2022 refusant à M. D... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, lesquelles sont dépourvues de base légale.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 novembre 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que soit délivré à M. D... un titre de séjour portant la mention " salarié ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ainsi que, dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2213056 du 29 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 novembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêté sera notifié à M. C... D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

C. Vrignon-Villalba

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01793
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CHEBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;24pa01793 ?
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