Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2300924 du 6 mars 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2024, M. A..., représenté par Me Sfez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le jugement ne comporte pas la signature manuscrite du président de la formation du jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il est entaché d'erreurs de droit ;
S'agissant de l'arrêté du 23 décembre 2022 :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie d'une présence continue sur le territoire français depuis 2014 ainsi que d'une intégration forte dans la société française ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet ;
- les observations de Me Hecketsweiler, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant serbe né le 3 novembre 1983, et entré en France le 4 juillet 2014, a sollicité le 9 novembre 2021 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 6 mars 2024, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
3. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Il ressort des nombreuses pièces versées au dossier par M. A..., notamment de la copie de son passeport, des factures d'énergie produites pour les mois d'octobre à décembre 2014, des relevés bancaires mentionnant des achats et retraits en distributeurs automatiques réguliers effectués sur le territoire français depuis décembre 2014, des quittances de loyers pour les mois de septembre 2015 à novembre 2022 ainsi que des bulletins de salaires attestant d'une activité professionnelle continue depuis octobre 2017, que l'intéressé justifie résider de manière habituelle en France depuis le 4 juillet 2014, soit depuis huit ans et six mois à la date de l'arrêté en litige. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... réside en France en compagnie de son épouse et de ses deux enfants, que la famille dispose depuis le 1er avril 2019 de son propre logement et que les enfants, âgés respectivement de douze et neuf ans à la date de l'arrêté en litige, sont scolarisés en France depuis plus de six années et qu'ils y ont ainsi effectués la majeure partie pour le premier, et la totalité pour le second, de leur scolarité. De même, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui s'est inscrit en 2018 à des cours du soir en langue française, est licencié auprès de la Fédération française d'échecs et qu'il est investi, selon l'attestation du président du club Chess Echec 93, auprès des jeunes du club d'échecs de Saint-Denis. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été employé en qualité d'aide menuisier de niveau II, du 9 octobre 2017 au 31 décembre 2019, par la société SARL RBE puis qu'il a été recruté par la société Rénovation Qualité Ingénierie, à compter du 2 janvier 2020, par un contrat à durée indéterminée, pour un emploi à temps complet de serrurier dans le domaine du bâtiment. Ainsi, à la date de l'arrêté en litige, l'intéressé justifiait d'une expérience professionnelle sans discontinuité de plus de cinq années, dont les deux dernières années dans un métier qui connaît des difficultés de recrutement en Ile-de-France. Dans ces conditions, et quand bien même l'intéressé ne serait pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon les mentions non contestées de l'arrêté en litige, ses parents ainsi que sa fratrie, eu égard à l'intégration de M. A... dans la société française, en particulier professionnelle, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour et en refusant, par suite, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il s'ensuit que la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 décembre 2022 refusant à M. A... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ainsi que sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 décembre 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ainsi que, dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement
à M. A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300924 du 6 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 décembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La rapporteure,
A. Collet La présidente,
C. Vrignon-Villalba
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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