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20/05/2025 | FRANCE | N°23PA03979

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 20 mai 2025, 23PA03979


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société A Tahi Ra a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler d'une part la décision du 9 mars 2021 n° 21-33-3 MLA/DCA par laquelle le ministre de l'aménagement et du logement a reconnu l'existence d'un permis de construire tacite au profit de la société civile immobilière (SCI) Janze et d'autre part ledit permis de construire.



Par un jugement n° 2200648 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de la Poly

nésie française a rejeté sa demande.







Procédure devant la Cour :





Par une requête et u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A Tahi Ra a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler d'une part la décision du 9 mars 2021 n° 21-33-3 MLA/DCA par laquelle le ministre de l'aménagement et du logement a reconnu l'existence d'un permis de construire tacite au profit de la société civile immobilière (SCI) Janze et d'autre part ledit permis de construire.

Par un jugement n° 2200648 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2023 et 26 mars 2025, la société A Tahi Ra, représentée par Me Lenoir, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 6 juin 2023 ;

2°) d'annuler le permis de construire octroyé implicitement à la SCI Janze ;

3°) d'annuler la décision du 9 mars 2021 n° 21-33-3 MLA/DCA par laquelle le ministre de l'aménagement et du logement a reconnu l'existence d'un permis de construire tacite au profit de la SCI Janze ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir contre ce permis de construire, étant directement affectée, en tant que propriétaire de la maison voisine, par ce projet immobilier d'importance, tant en terme de surface au sol que d'impact sur la solidité des terrains environnants ; elle est particulièrement affectée par l'utilisation de la SCI Janze de la servitude d'accès à sa propriété, laquelle grève sa parcelle ;

Sur la recevabilité de sa demande en première instance :

- sa requête n'était pas tardive, dès lors que l'affichage du permis de construire était irrégulier et incomplet, que le projet dont elle a eu connaissance le 4 août 2021 à l'occasion d'une réunion était différent de celui ensuite envisagé, et que la jurisprudence " Czabaj " du Conseil d'Etat ne peut recevoir d'application en l'espèce ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué du 6 février 2023 est irrégulier en ce que le tribunal s'est mépris sur le moyen relatif à la méconnaissance de l'article UCb 6 du règlement du plan général d'aménagement, auquel il n'a pas répondu ;

- le tribunal a insuffisamment motivé sa décision, d'une part, en n'expliquant pas en quoi l'absence de l'avis du maire n'était pas de nature à exercer une influence sur le sens de l'autorisation contestée et, d'autre part, en ce qui concerne le taux de la pente du terrain ;

Sur la légalité du permis de construire litigieux :

- le dossier de demande de permis de construire présenté par la SCI Janze était incomplet en ce qu'il ne contenait qu'un avis du maire émis le 23 décembre 2015 pour un autre projet ;

- le dossier de demande de permis de construire ne contenait pas, au moment où il a été déposé, d'étude géotechnique préalable obligatoire en cas de construction dans une zone couverte par un plan de prévention des risques naturels ;

- ledit dossier ne contenait pas de documents graphiques complets permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, exigés par les dispositions de l'article A. 114-11 du code de l'aménagement ;

- les plantations à créer ne sont pas localisées sur le plan de masse ou sur le plan de situation, en méconnaissance des dispositions de l'article A. 114-10 du code de l'aménagement ;

- la notice jointe au projet de permis de construire fait état d'un degré de pente de 5% qui est erroné ;

- les dispositions de l'article A. 114-16 du code de l'aménagement en application desquelles le permis de construire a été délivré sont illégales en ce que le délai d'instruction du dossier d'un mois est trop court et incompatible avec les dispositions de l'article A. 114-15 code de l'aménagement qui donnent au maire un délai d'un mois pour rendre son avis ainsi qu'avec le délai d'un mois prévu à la dernière phrase de l'article A. 114-16 du code de l'aménagement ;

- le projet en cause méconnaît l'article 8 et l'article UCb 3 du plan général d'aménagement de la commune de Punaaia en ce que la pente de la voie d'accès et la voie d'accès prévues ne permettent pas le passage des véhicules de lutte contre l'incendie et leur retournement ainsi que celui des véhicules de collecte des ordures ménagères ;

- le projet méconnaît l'article UCb 6 du règlement du plan général d'aménagement en ce que la construction envisagée ne comporte aucune façade d'une largeur minimale de 5 mètres donnant sur une voie publique ou privée ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article A. 114-23 du code de l'urbanisme et celles de l'article UCb 3.1 du règlement du PGA de Punaauia ;

- par un arrêt du 4 février 2025, le Conseil d'Etat a jugé que la délivrance d'un permis de construire tacite n'est pas possible dès lors que le dossier d'instruction de celui-ci n'est pas complet.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2025, la SCI Janze, représentée par Me Millet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société A Tahi Ra le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours de la société A Tahi Ra introduit le 17 octobre 2022 devant le tribunal administratif était irrecevable car tardif : l'affichage du permis de construire dès le 21 avril 2021 avait déclenché le délai de recours de deux mois, qui avait expiré le 22 juin 2021 ; les dispositions des articles R. 424-15, A. 424-16 et A. 424-17 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en Polynésie française ; en tout état de cause, le recours ne pouvait être introduit au-delà du délai raisonnable d'un an dès lors que le gérant de la société A Tahi Ra connaissait de manière incontestable l'existence de ce permis de construire depuis le 4 août 2021, date à laquelle il a signé un accord évoquant expressément celui-ci ;

- la requête d'appel présentée par la société A Tahi Ra est irrecevable en ce que celle-ci ne dispose pas d'un intérêt à agir contre ce permis, puisqu'elle ne justifie ni d'une aggravation de la servitude de passage, ni d'une suppression de la servitude de retournement ni d'un quelconque préjudice de vue ;

- les moyens invoqués par la société A Tahi Ra ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où il serait jugé qu'une difficulté quelconque subsiste, il conviendrait d'inviter l'administration, par arrêt avant-dire droit, à régulariser la situation au regard de l'étude géotechnique du 25 mars 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2025, la Polynésie française, représentée par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le recours de la société A Tahi Ra introduit le 17 octobre 2022 devant le tribunal administratif était irrecevable car tardif : l'affichage du permis de construire sur le terrain constaté par procès-verbal le 1er juillet 2021 faisait bien mention des voies et délais de recours des tiers ; en tout état de cause, le recours ne pouvait être introduit au-delà du délai raisonnable d'un an dès lors que la société A Tahi Ra connaissait de manière incontestable l'existence de ce permis de construire depuis le 2 août 2021, date à laquelle elle a signé un accord évoquant expressément celui-ci ;

- les moyens invoqués par la société A Tahi Ra ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,

- et les observations de Me Goasmat-Arnold substituant Me Millet pour la SCI Janze.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 janvier 2021, la SCI Janze a déposé auprès de la direction de la construction et de l'aménagement une demande de travaux immobiliers pour la construction d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section AX n° 175, 179 et 193, dont elle est propriétaire, à Punaauia. Par décision n° 21-33-3 MLA/DCA du 9 mars 2021, la direction de la construction et de l'aménagement a établi que la SCI Janze disposait d'un permis de construire tacite à compter du 27 février 2021 pour la réalisation de la maison projetée. La société A Tahi Ra, propriétaire du lot n° 62 du lotissement Te Tavake Village comprenant les parcelles cadastrées section AX n° 60, 176 et 177, a sollicité, le 22 août 2022, le retrait du permis de construire octroyé à la SCI Janze, pour absence de droit de passage et d'accès. A la suite du rejet de sa demande, le 12 septembre 2022, par la direction de la construction et de l'aménagement, la société A Tahi Ra a saisi le tribunal administratif aux fins d'annulation du permis de construire tacite dont bénéficie la SCI Janze depuis le 27 février 2021. Par un jugement du 6 juin 2023, dont la société A Tahi Ra relève appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. En l'espèce, la société A Tahi Ra est la propriétaire de la maison voisine immédiate du projet. Compte tenu de l'importance de celui-ci, tant en termes de surface au sol que d'impact sur un terrain classé en risque moyen à fort de glissement, et de la circonstance que celui-ci est de nature à affecter tant l'environnement visuel de ses occupants que l'utilisation de la servitude de passage, celle-ci justifie donc d'un intérêt à agir pour contester le permis de construire octroyé à la SCI Janze.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Quant au dépassement de délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme :

5. D'une part, aux termes de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'État, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / [...] 6° À la procédure administrative contentieuse ; / [...]. ". Aux termes de l'article 14 de la même loi organique : " Les autorités de l'État sont compétentes dans les seules matières suivantes : / [...] / 2° [...] ; justice : [...], procédure administrative contentieuse, [...] ; [...] ".

6. D'autre part, l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de son article R. 424-15 : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. / (...) ". Son article A. 424-15 dispose que : " L'affichage sur le terrain du permis de construire, d'aménager ou de démolir explicite ou tacite ou l'affichage de la déclaration préalable, prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. ". Aux termes de son article A. 424-16 : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; / b) Si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus ; / c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d'emplacements et, s'il y a lieu, le nombre d'emplacements réservés à des habitations légères de loisirs ; / d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir. ". Son article A. 424-17 dispose que : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). " ". Aux termes, enfin, de son article A. 424-18 : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ".

7. En application du 2° de l'article 14 de loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 cité au point 5 du présent arrêt, la procédure administrative contentieuse relève de la compétence de l'État en Polynésie française, l'article 7 de la même loi organique précisant que les dispositions législatives et réglementaires qui y sont relatives sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice des dispositions prises par l'État les adaptant à son organisation particulière.

8. L'État étant compétent pour déterminer les règles accessoires se rattachant aux domaines relevant de sa compétence, il lui revient d'arrêter les règles relatives à la durée et aux modalités de l'affichage d'un permis de construire, notamment les conditions destinées à assurer sa visibilité effective. Il s'ensuit que les dispositions correspondantes des articles R. 424-15, A. 424-15 et A. 424-18 du code de l'urbanisme sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice des dispositions prises par l'État les adaptant à son organisation particulière.

9. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions des articles R. 600-2, R. 424-15 et A. 424-16 et suivants du code de l'urbanisme ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet. La hauteur du bâtiment est au nombre des mentions substantielles que doit comporter cet affichage. L'affichage ne peut, en principe, être regardé comme complet et régulier si cette mention fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur.

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le panneau d'affichage du permis de construire litigieux ne comporte aucune indication relative à la superficie du terrain, à la surface de plancher autorisé ainsi qu'à la hauteur de la construction, ne permettant ainsi pas aux tiers d'estimer la hauteur du projet et, plus généralement, d'apprécier l'importance et la consistance de ce dernier. Il s'ensuit que l'affichage critiqué n'était pas conforme aux dispositions règlementaires rappelées au point 5. Dès lors, le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme n'a donc pu commencer à courir, à l'égard des tiers, à compter de la date d'installation du panneau d'affichage.

11. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance au regard des dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ne peut donc qu'être écartée.

Quant au dépassement du délai raisonnable découlant du principe de sécurité juridique :

12. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce qu'un permis de construire puisse être contesté indéfiniment par les tiers. Dans le cas où l'affichage du permis ou de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, n'a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 600-2 du même code, faute de mentionner ce délai conformément à l'article A. 424-17 de ce code, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable. Il résulte en outre de l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme, qui dispose qu'" aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire (...) n'est recevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction (...). / Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1 ", qu'un recours présenté postérieurement à l'expiration du délai qu'il prévoit n'est pas recevable, alors même que le délai raisonnable mentionné ci-dessus n'aurait pas encore expiré.

13. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 10, l'affichage du permis de construire litigieux ne peut être regardé comme régulier au sens et pour l'application des dispositions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, faisant ainsi obstacle à ce que les tiers puissent avoir connaissance du projet de construction.

14. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une déclaration attestant l'achèvement des travaux ait été signée par la SCI Janze, bénéficiaire du permis de construire, et adressée à la direction de la construction et de l'aménagement.

15. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande au regard du principe de sécurité juridique ne peut donc qu'être écartée.

Quant à la connaissance acquise :

16. Si la SCI Janze soutient que la société A Tahi Ra avait nécessairement connaissance du projet de construction depuis le 4 août 2021, date à laquelle ces deux sociétés ont signé un acte relatif à la servitude du passage entre les deux propriétés, il ressort des pièces du dossier qu'à cette date le projet envisagé était différent de celui qui a été in fine réalisé, en ce qu'il ne portait notamment que sur une seule parcelle et non pas trois comme dans le projet litigieux. Contrairement à ce que soutient la SCI Janze, la société A Tahi Ra ne pouvait avoir pleinement connaissance de ce dernier projet et en particulier de son importance. Dans ces conditions, la SCI Janze ne peut se prévaloir de la théorie de la connaissance acquise.

Sur la régularité du jugement attaqué :

17. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société A Tahi Ra, le tribunal administratif n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UCb6 du plan général d'aménagement mais l'a écarté comme étant inopérant.

18. En deuxième lieu, d'une part, en se bornant à indiquer que le défaut d'avis du maire n'avait pas été en l'espèce de nature à priver la société requérante d'une garantie ou à exercer une influence sur le sens de l'autorisation contestée, le tribunal administratif de la Polynésie française n'a pas insuffisamment motivé sa décision. D'autre part, en examinant et en se prononçant sur le taux de pente du terrain, à deux reprises aux points 18 et 25 du jugement, le tribunal administratif, qui n'était en tout état de cause pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la requérante, n'a pas insuffisamment motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur la légalité du permis de construire et la décision reconnaissant l'existence de ce permis de construire implicite :

19. Aux termes de l'article A. 114-10-1 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " Des pièces supplémentaires peuvent être exigées en fonction de la situation ou la nature du projet, notamment : (...) d) Lorsque la construction projetée est subordonnée, par un plan de prévention des risques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un bureau d'études compétent certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ".

20. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il est constant que le projet en litige est situé en zone d'aléa " moyen à fort " (" zone bleue ") par le plan de prévention des risques de la commune de Punaauia concernant les aléas " mouvements de terrain ". Le plan de prévention des risques naturels (PPRN) applicable énonce dans son article 2.1.1.1 que " dans les zones concernées, l'aléa est moyen à localement fort en l'état naturel des versants. Les interventions humaines de toutes natures, sont susceptibles d'aggraver le niveau d'aléa, en particulier lorsque les instabilités potentielles du sol ainsi que les écoulements d'eau sont ignorés ou mal pris en compte. ". Aux termes de l'article 2.1.1.3 de ce règlement relatif aux " Constructions et aménagements à enjeux forts et/ou talus supérieur à 6 mètres (zones bleues) et zones nécessitant une gestion globale de l'aménagement (zones bleu clair) " : " Zones bleues (...) Il s'agit par ailleurs des constructions et aménagement impliquant la création d'un talus d'une hauteur supérieure à 6 mètres. Règles applicables - Les constructions sont autorisées en mettant en œuvre une étude technique réalisée par un bureau d'étude compétent, afin de définir les mesures de construction adaptées au projet et au site. / Dans ce cas, les mesures de protection et de mise en œuvre préconisées doivent être appliquées. / La réalisation de l'étude est à la charge exclusive du maître d'ouvrage. Il lui appartient également expressément, de prendre toutes les mesures adéquates permettant l'application de ces règles. (...) L'étude technique correspond à une mission de type G1 (étude préalable) de la norme NF P 94-500. (...) / Une attestation établie par un expert agréé doit être fournie afin de confirmer la réalisation des études et des éventuels aménagements en conformité avec les prescriptions définies dans cette dernière. / En l'occurrence, ces études ont pour objectif de préciser le zonage actuel des aléas à une échelle minimale de 1/5000ème sur une zone cohérente, avec pour but d'identifier les risques géotechniques majeurs pour un futur ouvrage non encore étudié. / Cette étude peut être annexée à une étude d'impact lorsque celle-ci est demandée. ".

21. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la délivrance du permis de construire litigieux, seule une étude géotechnique du 11 janvier 2015 avait été produite au dossier. Or cette étude portait sur un projet de construction de maison individuelle ancien et différent, tant en ce qui concerne l'emprise au sol du projet - sur une seule parcelle au lieu de trois dans le projet contesté - que sur le nombre de niveaux de la villa. Dans ces conditions, cette étude ne pouvait être considérée comme répondant aux exigences posées par les dispositions du d) de l'article A. 114-10-1 du code de l'aménagement précitées. Si la SCI Janze a tardivement produit l'étude géotechnique exigée, en date du 25 mars 2021, dans le cadre du dossier d'exécution, celle-ci n'a toutefois pas permis à l'administration d'apprécier la conformité du projet avec les règles du PPRN à la date à laquelle le permis de construire a été implicitement accordé le 27 février 2021. Par suite, la société A Tahi Ra est fondée à soutenir que les dispositions du d) de l'article A. 114-10-1 du code de l'aménagement ont été méconnues.

22. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme (...), la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation (...), en l'état du dossier ". Pour l'application des dispositions de cet article, aucun des autres moyens n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision contestée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société A Tahi Ra est seulement fondée à soutenir que le permis de construire contesté a été pris en méconnaissance des dispositions du d) de l'article A. 114-10-1 du code de l'aménagement.

24. Le vice mentionné au point précédent peut toutefois être régularisé dans les conditions prévues à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la requérante a entendu invoquer dans ses écritures en demandant expressément une régularisation, aux termes duquel : " le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

25. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête, tous droits et moyens des parties étant réservés jusqu'à la fin de l'instance, jusqu'à l'expiration d'un délai expirant le 20 juin 2025 à 12 heures, afin de permettre à la SCI Janze de notifier à la Cour un nouveau permis de construire, régularisant le vice mentionné aux points 19 à 21 du présent arrêt.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du permis de construire octroyé implicitement le 27 février 2021 à la SCI Janze pour la construction d'une maison d'habitation individuelle sur les parcelles cadastrées section AX n° 175, 179 et 193, à Punaauia, pour permettre à cette dernière de notifier à la Cour un nouveau permis de construire, régularisant le vice mentionné aux points 19 à 21 du présent arrêt, jusqu'à l'expiration d'un délai expirant le 20 juin 2025 à 12 heures.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société A Tahi Ra, à la Polynésie française ainsi qu'à la SCI Janze.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESMELe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA03979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03979
Date de la décision : 20/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : LENOIR

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-20;23pa03979 ?
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