Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Polynésie française a déféré au tribunal de la Polynésie française comme prévenu d'une contravention de grande voirie M. A... C... et a demandé au tribunal de le condamner à l'amende prévue à cet effet, au versement de la somme de 55 127 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie, et à la réparation du dommage soit par l'enlèvement des installations occupant le domaine public ainsi que la remise en état des lieux dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard, en autorisant, en cas de carence, la Polynésie française à procéder elle-même à la remise en état des lieux, soit par la condamnation du contrevenant au paiement de la somme de 894 127 F CFP correspondant au coût de la remise en état du domaine public, et enfin à supporter les entiers dépens de la procédure.
Par un jugement n° 2300231 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné M. C... à payer une amende de 400 000 F CFP à la Polynésie française, à procéder à l'enlèvement des poteaux de sa maison d'exploitation occupant le domaine public dans le lagon de Mangareva d'une part et à la remise en état des lieux dans le délai de deux mois et sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard d'autre part, et enfin à verser à la Polynésie française une somme de 55 127 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 mai et 10 octobre 2024, M. A... C..., représenté par Me Fidèle, doit être regardé comme demandant à la Cour :
1°) à titre principal d'annuler le procès-verbal de contravention de grande voirie du 20 janvier 2023 ainsi que le jugement du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) à titre subsidiaire de le condamner à une peine conforme à la loi et proportionnée aux faits reprochés ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les agents qui ont dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie à son égard n'étaient pas compétents pour le faire ;
- le tribunal administratif de la Polynésie a entaché son jugement d'une erreur de fait en fondant son appréciation sur un rapport de mission du 11 mai 2023 dont les photos ne sont pas visibles ;
- le quantum de la peine est erroné, dès lors, notamment, que M. C... ne pouvait être considéré en état de récidive légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2024, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 décembre 2024.
Le 26 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du procès-verbal de contravention de grande voirie du 20 janvier 2023, qui ne comporte par lui-même aucune décision.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 et notamment son article 22 ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;
- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;
- la loi du pays n° 2017-16 du 18 juillet 2017 réglementant les activités professionnelles liées à la production et la commercialisation des produits perliers et nacriers en Polynésie française ;
- l'arrêté n° 1914 CM du 25 novembre 2011 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a bénéficié par arrêté du 23 novembre 2004 d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime sur la commune des Gambier pour le collectage et l'élevage d'huîtres perlières. Cette autorisation a été renouvelée par un arrêté du 19 octobre 2009. A la suite d'un procès-verbal de contravention de grande voirie du 6 août 2013 concernant un dépassement de superficie sans autorisation, M. C... a été condamné par jugement du 17 juin 2014 au paiement d'une amende de 150 000 F CFP et de la somme de 88 547 F FCP au titre des frais d'établissement dudit procès-verbal. L'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime accordée à M. C... pour le collectage et l'élevage d'huîtres perlières a été renouvelée par arrêtés des 24 novembre 2014 et 13 septembre 2019. Le 24 novembre 2021, à l'occasion d'une mission de contrôle, les agents assermentés de la direction des ressources marines (DRM) ont constaté la présence d'une nouvelle maison d'exploitation et de greffe édifiée sans autorisation et il a été demandé à M. C... de régulariser sa situation dans un délai de trois mois. Toutefois, le 20 janvier 2022, l'intéressé a formulé une demande de changement d'emplacement d'occupation du domaine public maritime pour l'implantation d'une nouvelle maison de greffe, transfert qui a été accordé le 21 janvier 2022. L'ancienne maison d'exploitation et de greffe se trouvant alors sans autorisation, les agents assermentés de la DRM ont dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie le 20 janvier 2023. A la suite de la remise en l'état partielle du domaine, un second procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 6 avril 2023 par les agents de la DRM après avoir constaté la présence des poteaux de l'ancienne maison sur les lieux en cause, procès-verbal qui a été notifié à M. C... le 13 avril 2023. La Polynésie française a ensuite déféré ce dernier devant le tribunal administratif de la Polynésie française comme prévenu de la contravention de grande voirie du 20 janvier 2023 pour avoir occupé illégalement le domaine public maritime et elle a sollicité de cette juridiction la condamnation de l'intéressé à l'amende prévue à cet effet, au versement de la somme de 55 127 F CFP correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie et à la réparation du dommage. Par jugement du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné M. C... d'une part à payer une amende de 400 000 F CFP à la Polynésie française, et d'autre part à verser à cette collectivité les sommes de 50 000 F CFP et 55 127 F CFP au titre, respectivement, des frais nécessaires à la remise en état du domaine public et des frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le procès-verbal de contravention de grande voirie du 20 janvier 2023 :
2. Le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 20 janvier 2023 à l'encontre de M. C... pour occupation irrégulière du domaine public maritime ne comporte par lui-même aucune décision. Il constitue un acte préalable à la saisine du juge et n'est pas détachable de la procédure de contravention de grande voirie. Dans ces conditions, les conclusions tendant à l'annulation du procès-verbal de contravention de grande voirie du 20 janvier 2023 doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur la compétence des agents verbalisateurs :
3. D'une part, aux termes de l'article 37 de la loi du pays n° 2017-16 du 18 juillet 2017 réglementant les activités professionnelles liées à la production et la commercialisation des produits perliers et nacriers en Polynésie française : " L'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime à des fins d'exploitation perlicole est accordée dans le but de se livrer à des activités de producteur d'huîtres perlières et/ou de producteur de produits perliers, dans le cadre d'une demande initiale, d'une réduction ou extension d'une autorisation existante, d'un renouvellement, d'un transfert de lieu, d'une cession ou encore pour la construction d'une maison destinée à la greffe perlière d'un producteur de produits perliers en activité. Toute occupation sans titre d'une dépendance du domaine public est susceptible de donner lieu à l'établissement d'une contravention de grande voirie tel que prévu à l'article 27 de la délibération n° 2004-34 A P F du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ". Aux termes de l'article 16 de la délibération n° 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " La conservation et la gestion du domaine public et des ouvrages qui en dépendent incombent à l'administration en charge de l'équipement. La gestion et la conservation du domaine public destiné aux activités de pêche, d'aquaculture et de perliculture et aux activités aéroportuaires incombent aux administrations en charge de ces activités (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté n° 1914 du 25 novembre 2011 portant création et organisation de la Direction des ressources marines et minières et précisant ses missions : " Le service dispose d'une compétence générale en matière de perliculture, de pêche et d'aquaculture désignées infra sous le terme général de : "secteur". Cette compétence s'exerce plus précisément dans les domaines de l'exploration, de l'exploitation et de la valorisation des ressources biologiques des cours d'eau, lacs, eaux souterraines et sources, du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes des eaux intérieures, dont les rades et les lagons, de la mer territoriale et de la zone économique exclusive au large des côtes de la Polynésie française. A cet effet, il est chargé des missions principales suivantes (...) - assurer la gestion et la préservation des ressources aquatiques relevant de sa compétence en vue d'une exploitation responsable et durable (...) ". Et aux termes de l'article 8 de ce même arrêté : " De la déconcentration de la direction des ressources marines aux îles du Vent. Pour l'archipel des îles du Vent, il est créé un échelon déconcentré composé de quatre cellules, situées au siège du service, dont les attributions respectives sont les suivantes : a) la cellule "gestion et préservation des ressources" (...) - contrôle et surveillance des activités du secteur conformément à la réglementation en vigueur (...) ".
4. D'autre part, aux termes du II de l'article 809 du code de procédure pénale : " (...) II. - Les agents assermentés des territoires et, en Nouvelle-Calédonie, des provinces, peuvent constater par procès-verbal des infractions aux réglementations édictées par les territoires ou, en Nouvelle-Calédonie, les provinces, lorsqu'ils appartiennent à une administration chargée de contrôler la mise en œuvre de ces réglementations. Ces agents sont commissionnés par l'autorité administrative compétente après qu'ils ont été agréés par le procureur de la République. Ils prêtent serment devant le tribunal de première instance. ".
5. M. E... et M. B..., signataires du procès-verbal de contravention de grande voirie n° 271/MEC/DRM du 20 janvier 2023, sont des agents de la direction des ressources marines et minières de la Polynésie française, qui est chargée, au regard de la combinaison de l'ensemble des dispositions précitées, de la conservation et la gestion du domaine public destiné aux activités de perliculture, et plus particulièrement de la surveillance et du contrôle des activités de ce secteur. Régulièrement commissionnés, ils étaient tous deux compétents pour constater l'occupation irrégulière du domaine public maritime par M. C... à raison des vestiges d'une ancienne maison d'exploitation perlière. Le moyen tiré de leur incompétence doit être écarté.
Sur l'amende :
6. En premier lieu, M. C... soutient que le tribunal a entaché le jugement d'une erreur de fait en ce qu'il a fondé son appréciation sur un rapport de mission du 11 mai 2023 dont les photos ne sont pas visibles. S'il est mentionné dans ce rapport que l'ancienne maison d'exploitation perlière a été détruite par le feu, cette destruction a été considérée par l'autorité administrative comme une remise en l'état partielle des lieux, ce qui a permis à la Polynésie française de réviser à la baisse le montant du préjudice dont elle demandait l'indemnisation à M. C.... En outre, contrairement à ce que soutient l'intéressé, ce rapport de mission n'a pas servi à établir de constat, puisque la remise en l'état partielle des lieux à la suite de la destruction de la maison avait déjà été constatée par un nouveau procès-verbal de contravention de grande voirie du 6 avril 2023, antérieur au rapport de mission contesté. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de la Polynésie française a entaché son jugement d'une erreur de fait.
7. En second lieu, d'une part, l'article 27 de la délibération 2004-34 de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française dispose que : " Les infractions à la réglementation en matière de domaine public (...) constituent des contraventions de grande voirie et donnent lieu à poursuite devant le tribunal administratif, hormis le cas des infractions à la police de la conservation du domaine public routier qui relèvent des juridictions judiciaires. Les contrevenants pourront être punis des peines d'amende ou des peines privatives ou restrictives de droit, telles que définies dans le code pénal pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, le montant maximum de l'amende pourra être doublé. En outre, l'auteur d'une contravention de grande voirie pourra être tenu de réparer le dommage causé, au besoin sous astreinte ". Selon l'article 131-13 du code pénal applicable en Polynésie française, l'amende pour les contraventions de 5ème classe est de la contre-valeur en francs Pacifique de 1 500 euros au plus, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit et l'article 131-41 du même code précise que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par le règlement qui réprime l'infraction lorsque le règlement le prévoit.
8. D'autre part, en vertu de l'article 9 du code de procédure pénale, applicable en Polynésie française, l'action publique tendant à la répression des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise. La prescription d'infractions continues ne court qu'à partir du jour où elles ont pris fin.
9. Il ressort des termes du jugement attaqué n° 2300231 du 30 janvier 2024 que, pour condamner M. C... au versement d'une amende d'un montant de 400 000 F CFP, le tribunal administratif de la Polynésie française a considéré que celui-ci se trouvait en situation de récidive légale, dès lors qu'il avait déjà été condamné pour des infractions à la réglementation en matière de domaine public par jugement n° 1300623 du 17 juin 2014 de ce tribunal. Toutefois, il ressort des termes de ce jugement ainsi que des écritures de la Polynésie française versées en première instance, que l'infraction pour laquelle M. C... avait été condamné, constituée par un dépassement de superficie sans autorisation, avait pris fin dès le 4 décembre 2013, date à laquelle il était constaté par procès-verbal que l'intéressé avait régularisé la situation en enlevant les installations irrégulièrement édifiées. Ainsi, en application des dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale, cette infraction continue était prescrite le 4 décembre 2014, et le tribunal administratif de la Polynésie française n'était pas fondé à considérer qu'à la date à laquelle il a été saisi par la Polynésie française, le 1er juin 2023, M. C... se trouvait en situation de récidive légale. Par suite, en application des dispositions précitées, le montant de l'amende infligé à l'intéressé ne pouvait excéder 1 500 euros. Il y a lieu, dès lors, de ramener le montant de cette amende à 1 500 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander à ce que l'amende de 400 000 F CFP que le tribunal administratif de la Polynésie française l'a condamné à payer, à l'article 1er du jugement contesté, soit ramenée à la somme de 1 500 euros.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu de faire droit à la demande de M. C... et de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 1 250 euros à l'intéressé au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le montant de l'amende de 400 000 F CFP que M. C... a été condamné à payer est ramené à 1 500 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 30 janvier 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La Polynésie française versera à M. C... la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
H. BREMEAU-MANESMELe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la république en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01978