Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du
3 juillet 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance pour une durée de trois mois.
Par un jugement n° 2410074 du 2 septembre 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Guez Guez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de qualification juridique des faits au regard de ces dispositions ;
- les mesures prises revêtent un caractère disproportionné.
Par un mémoire enregistré le 27 février 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Doumergue, présidente-rapporteure,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, sur le fondement des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, prononcé à l'encontre de M. A..., une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, d'une durée de trois mois, ayant pour objet, en premier lieu, de lui interdire de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Fontenay-sous-Bois (94), sauf sur autorisation préalable écrite, en deuxième lieu, de se présenter au commissariat de Fontenay-sous-Bois une fois par jour, à 10 heures, tous les jours de la semaine, en troisième lieu, de l'obliger à confirmer et justifier son lieu d'habitation auprès du commissariat dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêté ainsi que de tout changement ultérieur de lieu d'habitation, et en dernier lieu, de lui interdire de paraître, le 21 juillet 2024, sur l'itinéraire du passage de la flamme olympique à Fontenay-sous-Bois dans le périmètre délimité par l'arrêté. M. A... relève appel du jugement du 2 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre. ". L'article L. 228-2 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation.(...) / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. (...) ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 12 avril 2016 à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve pendant une durée de deux ans pour avoir participé, de 2013 au 11 juin 2014, à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, par l'apport d'un soutien logistique et financier à huit individus partis en Syrie afin de rejoindre Daech en Syrie. Par un arrêt du 27 février 2017, la cour d'appel de Paris a porté cette peine à 4 ans dont 24 mois avec sursis, assortis d'une mise à l'épreuve de d'une durée de 3 ans. M. A... appartenait à la filière du groupe du djihadiste Hedi L..., parti en Syrie en septembre 2013, auprès duquel il a réuni des fonds pour l'acquisition d'une lunette de visée pour un fusil de sniper, et de M. F... D..., qu'il a conduit à l'aéroport de
Roissy-Charles-de-Gaulle le jour de son départ pour une zone de combat en Syrie. M. A... et sa compagne ont été chargés d'actualiser les droits de la carte vitale de M. L..., parti en Syrie, et de conserver une carte bancaire lui appartenant pour en retirer des sommes liquides chaque mois. M. A... a également été en charge, à la demande de M. L..., de remettre à un individu, à l'occasion de son départ en Syrie le 8 décembre 2013, des cartes bancaires pour en retirer des fonds et les envoyer à des tiers. Par ailleurs, il ressort de la note des services de renseignements, produite en première instance, que M. A... est resté proche de M. L..., ainsi que de l'épouse de ce dernier, Mme E... K..., amie de sa propre épouse,
Mme H... M.... M. L... a été réincarcéré à la suite de manquements constatés dans le cadre de la mesure de surveillance judiciaire prononcée à son encontre, et lors d'échanges téléphoniques avec ses proches, il a exprimé son absence de regret vis-à-vis de son départ en Syrie et son souhait d'y retourner. Mme K... a pour sa part été condamnée le
16 décembre 2022 à cinq ans d'emprisonnement, dont trois ans avec sursis, notamment pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime d'atteinte aux personnes. Enfin, il ressort de la note précitée des services de renseignements que M. A..., actif sur les réseaux sociaux au sein de groupes religieux ancrés dans la mouvance salafiste, a été en contact, depuis 2021, avec l'islamiste radical M. O... G..., enseignant à l'école privée musulmane hors contrat " L'Olivier des enfants ", dans laquelle les enfants de M. A... ont été scolarisés, et avec Mme B... N..., épouse de
M. J... I..., condamné à vingt ans de réclusion pour des faits de terrorisme.
5. En se bornant à soutenir que les faits mentionnés sont anciens, que son parcours d'exécution de peine a été exemplaire comme en témoignent les aménagements et réductions de peine dont il a fait l'objet, qu'il est désormais un professionnel et sportif accompli et qu'il n'entretient pas de relation avec des personnes ou des organisations incitant ou participant à des actes de terrorisme, M. A... ne conteste pas sérieusement les faits précités contenus dans la note des services de renseignements, établie avant l'édiction de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à son encontre, note précise et circonstanciée, dans laquelle sont nommées les différentes personnes connues pour leur radicalisme religieux avec lesquelles il a été ou est en contact, dont certaines ont fait l'objet d'une condamnation lourde en lien avec leur activité au service d'une organisation terroriste. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, eu égard notamment à leur gravité, à leur accomplissement sur une longue période de temps et au contexte sécuritaire particulier de la tenue des
Jeux Olympiques et Paralympiques dans lequel la menace terroriste demeure à un niveau particulièrement élevé, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pu légalement considérer, à la date de l'arrêté contesté, qu'il y avait de sérieuses raisons de penser que M. A... constituait une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qu'il entretenait des relations avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité antérieure, de l'erreur de fait et de l'erreur de qualification juridique des faits au regard de ces dispositions dont serait entaché l'arrêté contesté doit être écarté.
7. En second lieu, si M. A... soutient que la mesure prise à son encontre revêt un caractère disproportionné au regard de sa vie privée et familiale, notamment en prévoyant son application pour trois mois jusqu'au 3 octobre 2024 alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques se terminent le 8 septembre 2024, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure, limitée dans le temps et proportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, alors au demeurant qu'il lui était loisible de se faire délivrer des autorisations de sortie à condition d'en avoir fait préalablement la demande, que par ailleurs il a fait l'objet d'un aménagement de son heure de pointage au commissariat de Fontenay-sous-Bois afin de tenir compte de ses horaires de travail en tant que chauffeur VTC et que l'arrêté modifié du
3 juillet 2024 a été abrogé à compter du 15 septembre 2024, soit une mesure de contrôle et de surveillance de moins de trois mois.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions, y compris celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Doumergue, présidente,
- Mme Bruston, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.
La présidente-rapporteure,
M. DOUMERGUE L'assesseure la plus ancienne,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA04034 2