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30/04/2025 | FRANCE | N°24PA03256

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 30 avril 2025, 24PA03256


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mars 2024 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.



Par un jugement n° 2407601 du 19 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2024 et 10 janvier 2025,

Mme A..., représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mars 2024 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2407601 du 19 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2024 et 10 janvier 2025,

Mme A..., représentée par Me Dandaleix, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son auteur ;

- le préfet a commis une erreur de fait en retenant qu'elle ne pouvait justifier d'une inscription dans un établissement d'enseignement supérieur au titre des années 2020-2021 et 2021-2022 ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie du caractère réel et sérieux de ses études ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation du jugement est infondé ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas non plus fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante égyptienne née le 20 mai 1992, est entrée en France le

10 septembre 2016, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Elle a bénéficié de titres de séjours régulièrement renouvelés entre 2017 et 2022, dont le dernier était valable du 17 novembre 2021 au 16 novembre 2022. Le 14 novembre 2022, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante, sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 mars 2024, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.

Mme A... relève appel du jugement du 19 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire présentée par un ressortissant étranger en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

3. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme A..., le préfet de police s'est fondé sur la circonstance qu'elle n'a pas été en mesure de présenter une inscription dans un établissement d'enseignement supérieur au titre des années 2020/2021 et 2021/2022. Le préfet en a déduit qu'elle ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été inscrite au titre des années universitaires 2016/2017 et 2017/2018 à l'institut ESMOD à Paris 9ème, sans obtenir de diplôme, puis avoir validé, au titre des années universitaires 2018/2019 et 2019/2020, ses première et deuxième années de licence de styliste-créatrice de mode en suivant le programme " fashion design " au sein de l'institut de mode Marangoni à Paris 8ème, Mme A..., qui souffre d'une pathologie bipolaire ponctuée d'épisodes de dépression grave et invalidante, l'ayant empêchée lors de différentes périodes de suivre normalement sa scolarité, ainsi qu'il résulte de plusieurs certificats concordants de psychiatres et psychothérapeutes l'ayant suivie, a été inscrite, au titre de l'année universitaire 2020/2021, en troisième année de licence à l'institut de mode Marangoni. Elle a suspendu ses études, avec l'accord de l'établissement, à raison d'un épisode dépressif sévère concomitant avec la période de crise sanitaire dite du " Covid-19 ", aggravé par le décès de son père le 10 novembre 2020. Mme A... a été de nouveau inscrite en troisième année de licence au sein de l'institut Marangoni au titre de l'année 2021/2022, au terme de laquelle elle a validé sa licence et obtenu un bachelor de styliste-créatrice, ainsi qu'il résulte du diplôme qui lui a été délivré le 8 septembre 2022 par cet institut. L'intéressée a d'ailleurs entamé auprès du même institut, au titre de l'année universitaire 2022/2023, un nouveau programme constitué d'un cours de trois ans " fashion design ", qui lui a permis d'obtenir, auprès de l'université anglaise Manchester Metropolitan University, le titre de " bachelor of arts with Third Class Honours " (baccalauréat ès arts avec mention assez bien), qui lui a délivré par celle-ci le 19 septembre 2023.

5. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que Mme A... était inscrite, au titre de l'année universitaire 2022/2023, en sus de l'entame d'un nouveau cursus dans le domaine de la mode mentionné au point 4, au sein de l'institut privé Campus Langues à

Paris 19ème afin d'y suivre un enseignement de " français langue étrangère " de niveau A1, au rythme de vingt heures par semaine. Au titre de l'année universitaire 2023/2024, Mme A... était inscrite dans le Master " management de la mode et du luxe " à l'école de mode Lisaa à

Paris 5ème, qu'elle suivait à la date de l'arrêté attaqué, et dont elle a d'ailleurs validé la première année.

6. Il résulte ainsi de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 4 et 5, concernant la scolarité suivie par Mme A... en France, que si celle-ci a connu une progression relativement lente dans son cursus, du fait, essentiellement, de son état de santé, elle a poursuivi des études, de manière cohérente, dans le domaine de la mode, en bénéficiant d'un report de scolarité, d'abord en Licence, puis en Master. Par suite, en lui opposant un défaut d'inscription au titre des années 2020/2021 et 2021/2022 et en en déduisant un défaut de caractère réel et sérieux de ses études, le préfet de police a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation. Il s'ensuit que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 7 mars 2024.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Compte tenu du moyen d'annulation retenu et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de Mme A... y fasse obstacle, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer un titre de séjour mention " étudiant " à l'intéressée au titre de l'année universitaire 2024/2025, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à

Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2407601 du tribunal administratif de Paris du 19 juin 2024 et l'arrêté du préfet de police du 7 mars 2024 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à Mme A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

A. GASPARYANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03256 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03256
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : DANDALEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;24pa03256 ?
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