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30/04/2025 | FRANCE | N°24PA01445

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 30 avril 2025, 24PA01445


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les deux arrêtés du 24 novembre 2023 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2314072 du 27 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal admi

nistratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les deux arrêtés du 24 novembre 2023 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2314072 du 27 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mars et 14 juin 2024, M. C..., représenté par Me Charles, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 24 novembre 2023 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Charles sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son avocat renonce au bénéficie de la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu à son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dirigé contre l'ensemble des décisions contestées ;

- il a omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet ;

- il n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de notification régulière de l'obligation de quitter le territoire français ;

- les arrêtés contestés ont été pris en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- ils n'ont pas été précédés d'un examen sérieux de sa situation ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreurs de fait en ce qu'il justifie de garanties de représentation et n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français ;

- la décision interdisant son retour sur le territoire français pour une durée de douze mois est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les observations de Me Charles, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien né le 31 décembre 1982, est entré en France au mois de juillet 2019 selon ses déclarations. Par deux arrêtés du 24 novembre 2023, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande, M. C... soutenait notamment que les décisions contestées étaient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité, le jugement attaqué doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. C... devant le tribunal.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

4. En premier lieu, par un arrêté du 23 août 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de police a donné délégation à Mme D..., attachée de l'administration de l'Etat au bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière et signataire des arrêtés en litige, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

6. S'il ressort du procès-verbal d'audition de M. C... du 23 novembre 2023 qu'il n'a pas été interrogé sur l'éventualité de son éloignement, le requérant ne fait état d'aucun élément qu'il aurait été privé de porter à la connaissance de l'administration.

7. En dernier lieu, compte tenu de ses motifs, l'arrêté contesté n'avait pas à faire état de l'expérience professionnelle alléguée de M. C... sous une fausse identité. Il comporte par ailleurs des éléments personnalisés sur sa situation familiale. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été précédé d'un examen sérieux de la situation de l'intéressé doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Si M. C... soutient qu'il pouvait être admis à titre exceptionnel au séjour au titre de son activité salariée, cette circonstance, qui n'est au demeurant pas établie, ne faisait en tout état de cause pas obstacle à ce qu'il fasse objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors que l'intéressé est entré en France à l'âge de trente-sept ans et n'y justifie d'aucune insertion ni d'aucune attache.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

11. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. C... du 11 octobre 2022 qu'il a indiqué ne pas détenir de document d'identité et ne pas connaître son adresse à Paris. Il ressort en outre des pièces du dossier, ainsi que le retient la décision contestée, qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 14 octobre 2020 dont il a accusé réception et dont il a d'ailleurs admis l'existence lors de son audition. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'erreurs de fait en ce qu'il détiendrait un passeport, justifierait d'une adresse stable à Montreuil et n'aurait pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, ni qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation.

12. En dernier lieu, M. C... n'indique pas en quoi la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

14. En premier lieu, la décision contestée mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, en particulier la date d'arrivée en France de M. C..., sa situation familiale et la précédente obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des éléments que le préfet devait prendre en compte en application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé.

15. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. C... n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. Si M. C... soutient avoir un neveu en France, qui l'hébergerait, il ne l'établit pas par la seule production d'une attestation, établie par un " M. C... ". Il a en outre indiqué, lors de son audition le 11 octobre 2022, que sa mère et ses frères vivaient au Mali, et ne fait état d'aucune attache d'une particulière intensité en France. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations précitées, et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

18. Il résulte de toute ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des deux arrêtés du préfet de police du 24 novembre 2023. Ses conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2314072 du 27 février 2024 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. C... devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01445
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;24pa01445 ?
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