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30/04/2025 | FRANCE | N°23PA02910

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 30 avril 2025, 23PA02910


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie, à hauteur de sa quote-part en tant que nue-propriétaire, à raison de la plus-value résultant de la cession le 11 mars 2013 d'un fonds de commerce à Fréjus.



Par jugement n° 1909

557 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie, à hauteur de sa quote-part en tant que nue-propriétaire, à raison de la plus-value résultant de la cession le 11 mars 2013 d'un fonds de commerce à Fréjus.

Par jugement n° 1909557 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2023, Mme A... épouse C..., représentée par Me Muller, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie, à hauteur de sa quote-part en tant que nue-propriétaire, à raison de la plus-value résultant de la cession le 11 mars 2013 d'un fonds de commerce à Fréjus ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, dès lors qu'elle est résidente fiscale australienne, l'imposition de la plus-value en litige relève de l'Etat australien en application du 6 de l'article 13 de la convention bilatérale franco-australienne du 20 juin 2006 ;

- à titre subsidiaire, elle peut bénéficier du prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ouvert par la loi n° 2017-1837.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale signée à Paris le 20 juin 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse C..., fiscalement domiciliée en Australie, a réalisé une plus-value lors de la cession, le 11 mars 2013, d'un fonds de commerce de camping à Fréjus (Var), le Camping du Pont d'Argens, dont elle était nue-propriétaire à hauteur de 18,75 %, à la suite du décès de son père en 1989. A la suite d'une proposition de rectification du 31 octobre 2016, émise selon la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, elle a été assujettie, à raison de cette plus-value, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux à hauteur de sa quote-part du fonds de commerce. Sa réclamation contentieuse du 20 décembre 2018 ayant été rejetée par une décision du 2 juillet 2019, elle a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie pour un montant total de 265 044 euros en droits, intérêts de retard et majoration. Elle relève appel du jugement n° 1909557 du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur le principe de l'imposition en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale française :

3. D'une part, aux termes de de l'article 164 A du code général des impôts : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. Toutefois, aucune des charges déductibles du revenu global en application des dispositions du présent code ne peut être déduite ". Aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) / c. Les revenus d'exploitations sises en France (...) ".

4. D'autre part, les droits indivis que détient un héritier sur la valeur d'actifs affectés à l'activité professionnelle exercée par un autre cohéritier ont toujours du point de vue fiscal le caractère d'un élément de patrimoine professionnel, même dans le cas où cet héritier ne participe pas lui-même à cette activité professionnelle.

5. Il résulte de l'instruction que la requérante a hérité au décès de son père en 1989 de droits indivis sur un fonds de commerce constitué d'un camping dont l'exploitation a été poursuivie par les autres coindivisaires. La vente en 2013 de ce fonds de commerce constituait un élément d'actif professionnel imposable, entre les mains de la requérante, selon le régime des plus-values immobilières professionnelles. En conséquence, en vertu du c du I de l'article 164 B du code général des impôts, la plus-value résultant de la vente du camping sur lequel la requérante disposait de droits indivis constituait un revenu de source française.

En ce qui concerne l'application de la convention bilatérale franco-australienne :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention franco-australienne : " 1. Au sens de la présente Convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente : / (...) / f) le terme " entreprise " s'applique à l'exercice de toute activité ou affaire (...) ". L'article 7 de cette convention stipule que : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " 1. Les revenus, les bénéfices ou les gains qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'aliénation de biens immobiliers situés dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / (...) / 6. Les gains en capital provenant de l'aliénation de tous biens, autres que ceux qui sont visés aux paragraphes précédents, ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le cédant est un résident (...) ".

7. Mme A... épouse C... soutient que, dès lors qu'elle est résidente australienne, la plus-value générée par la vente du camping sur lequel elle disposait de droits indivis relève d'une imposition en Australie en application des stipulations précitées du paragraphe 6 de l'article 13 de convention bilatérale, les gains en capital perçus lors de la vente du fonds de commerce ne relevant, selon elle, d'aucun des autres paragraphes de cet article. Toutefois, les droits indivis dont la requérante a hérité sur le camping constituaient, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, un élément d'actif professionnel dont la cession a généré des bénéfices d'entreprise au sens des stipulations de l'article 7 de la convention bilatérale franco-australienne. Dès lors que cette entreprise était exploitée en France, la plus-value générée par la cession du camping était imposable en France sur le fondement de ces stipulations. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le paragraphe 6 de l'article 13 de la convention bilatérale signée entre la France et l'Australie ferait obstacle à l'imposition en France de la plus-value perçue par Mme A... épouse C... doit être écarté.

Sur l'autre moyen de la requête :

8. Si la requérante se prévaut, comme elle l'a fait en première instance et sans apporter davantage de précisions à son moyen, des dispositions de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 11 de leur jugement, d'écarter ce moyen.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des impôts des non-résidents.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

A. BARTHEZ

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02910 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02910
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;23pa02910 ?
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